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Les Ouïgours de Chine sont-ils des musulmans indéfendables pour les musulmans ?
©OZAN KOSE / AFP

Deux poids, deux mesures ?

Après les révélations faites par le Consortium international de journalistes d'investigation, la réalité "des centres d'éducation" du Xinjiang, en Chine, ne fait plus aucun doute.

Sébastien  Boussois

Sébastien Boussois

Sébastien Boussois est Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et consultant de SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism). Il est l'auteur de Pays du Golfe les dessous d’une crise mondiale (Armand Colin, 2019), de Sauver la mer Morte, un enjeu pour la paix au Proche-Orient ? (Armand Colin) et Daech, la suite (éditions de l'Aube).

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Il est tout à fait incroyable de voir la susceptibilité parfois épidermique de certains pays musulmans jetant des fatwas sur des individus à la première insulte à la religion ou apostasie, tout comme voir certains d’entre eux défiler par millions voire tuer pour des caricatures, pendant que le sort de leurs coreligionnaires en Chine ne suscite qu’indifférence et désintérêt total. Il ne s’agit pas de minorer l’atteinte à la religion mais bien de soulever les paradoxes de la oumma (communauté de croyants) qui n’est manifestement pas scandalisée par ce qui se trame en chine depuis des années sur les hauts-plateaux du Xinjiang. Et pourtant, il y’a de de quoi car ce que Pékin met en place, c’est une véritable épuration des musulmans sur son territoire. En attendant, le fichage ADN est déjà en cours. 

En effet, alors que des millions d’Ouïgours sont en train d’être internés, décimés, pour un jour être éradiqués en Chine, au nom de la fameuse « lutte contre le terrorisme », aucun dignitaire musulman ne s’insurge. Mais pourquoi ? Face à la realpolitk, la realreligion s’écrase. Alors que des imams décrètent des condamnations à tout va, personne dans le monde musulman ne proteste ou condamne les crimes de masse des chinois contre leurs citoyens musulmans ouïgours. Où sont les fatwas ? Où sont les manifestations ? L’islam interdit l’apostasie qui est punie de mort, or la Chine, par l’enfermement, la coercition et la torture, force des millions de musulmans à l’apostasie de fait sous les ordres du Parti Communiste. 

Le silence des autorités islamiques mondiales, à commencer par l’Organisation de Coopération Islamique, et des gouvernements sont une honte, une trahison de leurs valeurs élémentaires d’humanité et de dignité humaine, une compromission, une complicité criminelle. Lors d’une rencontre dans le cadre du Parlement européen, avec une représentante du PCC, appelons-là Mme Li, s’intéressant à nos activités de lutte contre l’extrémisme violent avec SAVE BELGIUM, nous avons pu voir à quel point nos visions divergeaient : « Depuis que nous avons mis en place un certain nombre de centres d’éducation au Xinjiang (qui sont en réalité des centres de rééducation et de torture), nous n’avons plus d’attentats dans la région et le pays est plus sûr. C’est comme cela qu’il faut lutter contre le terrorisme. Nous aidons les familles, les jeunes, nous leur apprenons le chinois et nos valeurs et cela contribue à davantage d’unité du pays ». Un dossier complet du Monde paraissait le 25 novembre révélant l’étendue des exactions commises par les Chinois depuis des années dans une région méconnue de l’Occident et à l’abri des regards et des médias. Le journal y parle ainsi d’une nouvelle « révolution culturelle » qui méprise la religion et le sacré. Il semblerait qu’aujourd’hui, près d’un million d’Ouïgours soient détenus dans les fameux camps « d’éducation » de Mme Li. 

Aux Nations-Unies, la Chine pèse lourd économiquement comme politiquement et les défenseurs des musulmans chinois peinent à se faire entendre. En juillet 2019, ils étaient 22 pays à l’ONU à demander à la Chine de stopper ses exactions, contre 37 qui soutinrent Pékin. Une lettre émanant de l’OCI avait même salué en juillet 2019 les efforts de la Chine en matière de lutte contre le fameux « terrorisme » et la radicalisation violente au Xinjiang.  Et ils étaient sur un total de 57 pays musulmans, seulement 14 à condamner le PCC ! Dans le même temps, des pays comme l’Arabie Saoudite et l’Egypte saluaient même les avancées en termes de droits humains de la Chine (sic). 

Pourtant, comment appelle-t-on une répression généralisée et systématique sur une communauté en particulier ? C’est bien un génocide qui serait en cours, et un crime contre l’humanité contre les Ouïgours alors que le sort des Rohingyas avait suscité beaucoup plus de sympathie internationale. Mais c’est vrai qu’entre le pouvoir birman et le pouvoir chinois, les intérêts économiques n’ont strictement aucune comparaison. Et comme le concluait la lettre de l’OCI de juillet dernier : cette lutte contre le terrorisme ouïgour a permis avant tout à la Chine d’apporter « un sentiment plus fort de bonheur, d’épanouissement et de sécurité ». Dont acte. Ils semblent bien que les musulmans de Chine soient désormais totalement indéfendables, avant tout même des musulmans du monde.

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