Les mauvais résultats de l’économie allemande pourraient bien mettre fin à tous les espoirs de reprise de la croissance mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
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Le modèle économique allemand, reposant sur les exportations, semble toucher à sa fin...
Le modèle économique allemand, reposant sur les exportations, semble toucher à sa fin...
©Reuters

Locomotive en panne

Alors que tout le monde croyait l'Allemagne tirée d'affaire sur le plan économique depuis le début de la crise de 2008, les derniers indicateurs macro-économiques, ceux relatifs aux exportations et au PIB, se révèlent inquiétants. L’Allemagne constituait pourtant l'un des principaux espoirs afin de ranimer la croissance mondiale.

Wolf  Richter

Wolf Richter

Wolf Richter a dirigé pendant une décennie un grand concessionnaire Ford et ses filiales, expérience qui lui a inspiré son roman Testosterone Pit, une fiction humoristique sur le monde des commerciaux et de leurs managers. Après 20 ans d'expérience dans la finance à des postes de direction, il a tout quitté pour faire le tour du monde. Il tient le blog Testosterone Pit.

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La crise financière fut brutale pour l’Allemagne et la reprise bien onéreuse. Depuis 2011, date à partir de laquelle cette reprise a pointé le bout de son nez, l’Allemagne jubile de façon malveillante. On appelle cela la “recette du succès” allemand, un système considéré comme supérieur à tout autre. Il permettrait la croissance économique en dépit du marasme dans lequel sont plongés ses voisins européens. Cet optimisme vis-à-vis de l’Allemagne s’est installé dans le temps, tandis que leurs stocks de production ont atteint un nouveau record en mai. Pourtant, l’économie allemande est en train de prendre une toute autre voie.

L’un des éléments clés de cette “recette du succès” – affectant l’ensemble des voisins de l’Allemagne qui se sentent assaillis–  réside dans le dynamisme sans failles des exportations allemandes. C’est d’ailleurs ce qui guide toute la machine politique et économique du pays. Les décisions en matière de politique étrangère sont également prises en tenant compte de cet élément clé, tout comme les décisions de politique intérieure.  En contrepartie, l’économie est bien évidemment devenue dépendante des exportations.

Mais ces dernières ont chuté de 4,8% en mai, comparativement aux chiffres de l’année dernière, pour atteindre 88,2 milliards d’euros, de loin le pire chiffre de l’année 2013. Cette tendance à la baisse des exportations est notable sur les cinq premiers mois de 2013, au regard des chiffres de 2012 sur la même période. Les exportations en direction des pays membres de l’UE mais qui ne font pas partie de la zone euro, comme le Royaume-Uni, ont augmenté de 2,4%. Quant à celles en direction  des pays de la zone euro – qui s’évertue quotidiennement à nous montrer le fiasco que constitue aujourd’hui la monnaie unique– elles enregistrent une baisse de 9,6%.

Pour le seul mois de mai, les achats par l’eurozone de produits allemands destinés à l’exportation sont estimés à 36,6%, tandis que ceux réalisés par les pays ne faisant pas partie de la zone euro atteignent les 20%. Alors que la périphérie ne cesse de devoir faire face aux difficultés, avec notamment une demande complètement atone, l’Allemagne s’inquiète pourtant davantage de la situation française.La France achète près de 10% des produits allemands destinés à l’exportation, plus qu’aucun autre pays. Or la situation économique du pays s’aggrave de jour en jour, avec un taux de chômage qui atteint des sommets, une industrie automobile – secteur clé des exportations pour l’Allemagne – plongée dans une spirale infernale, et une demande en berne. Même les exportations destinées au reste du monde ont perdu 1,6 point de pourcentage. En somme, le pire mois de mai depuis 2009.

Hélas, 2009 ravive de mauvais souvenirs. Au cours du premier trimestre, le PIB avait chuté de 4,1% comparé aux résultats de l’année 2008 sur la même période, alors qu’il avait déjà dégringolé de 2% au regard des chiffres du dernier trimestre 2008. Annualisées, ces deux périodes, additionnées à un effondrement à deux chiffres du PIB, sont les pires résultats économiques enregistrés par l’économique allemande depuis la création de la RFA. Les exportations allemandes ont alors cessé.

En fait, l’économie allemande ne doit son salut ni à la sueur des travailleurs allemands, ni à l’ingéniosité de leurs managers ou à la “recette du succès” de l’Allemagne, mais à la stimulation enivrante provoquée par la frénésie monétaire générée aux États-Unis, en Chine, dans l’UE et probablement dans d’autres pays. Les entreprises allemandes se sont alors engouffrées dans tout un tas de programmes mondiaux, à l’instar du projet inutile des énergies vertes.

La beuverie touche à sa fin. La Fed menace d’inscrire à son calendrier de septembre le mot "frein". Au Congrès, le terme "stimulation" a déjà été remplacé par "confiscation". La Chine, quant à elle, est en train de sévir vis-à-vis de ses surcapacités de production, des mauvaises allocations de capital, et d’un système financier complètement détraqué. Et n’oublions pas la zone euro toujours embourbée dans une profonde récession. Face à cette situation, l’économie allemande tente de trouver une issue. Après la chute du PIB de 0,7% au cours du quatrième trimestre 2012, celui-ci est finalement parvenu a remonter – de seulement 0,1% – au cours du trimestre suivant, bien qu’étant toujours inférieur de 1,4% au résultat de l’année précédente. Illustration de cette "recette du succès" :  

Le monde a placé ses espoirs dans l’Allemagne, cette puissante locomotive qui pourrait sortir la zone euro de sa dépression. Les importations, qui sont absolument nécessaires à cet effort, ont déjà chute de 2,6% en mai, comparativement au chiffre de mai 2012, en raison de la contraction de la demande allemande.

Aucune lueur d’espoir pour le mois de juin ? On ne peut pas dire qu’on la voit de loin. Un signe annonciateur de la tendance commerciale à venir : les nouvelles commandes ont enregistré une hausse de 1,3% en maipar rapport au mois d’avril, après une chute de 2,2% le mois d’avant. Les commandes intérieures ont chuté de 2%, les commandes à l’exportation de 0,7%, avec des commandes pour les biens de consommation en baisse de 3,1%. Pour la période allant d’avril à mai, les commandes ont perdu 1,2 point de pourcentage par rapport à l’an dernier, avec des commandes domestiques qui se sont effondrées de 3,7%. Ce rêve de la locomotive allemande a volé en éclats.

Pourtant, en dépit de ces caractéristiques persistantes, les quelques 7000 chefs d’entreprise, qui ont participé à l’enquête réalisée en juin par l’Institut de la recherche économique de Munich (Ifo), se sont montrés enthousiastes et naïfs au sujet de l’économie, poussant le Business Climate index à 105,9 et le Present Situation index à 109.4. Ces chiffres ont suffi à l’Ifo pour affirmer que les entreprises sont "de plus en plus optimistes compte-tenu de la direction que pourrait prendre leurs affaires. En particulier, les attentes relatives aux exportations ont été revues à la hausse.". Ces propos datent d’il y a deux semaines.

Quelle réaction face à la débâcle actuelle en matière d’exportations ? Le marché boursier allemand a sauté sur ces informations, ou sur d’autres, voir sur aucune, comme l’atteste l’indice DAX qui a clôturé à 7969, gagnant ainsi 2,1 points de pourcentage, mais toujours loin de son record atteint en mai avec 8558 – une preuve supplémentaire de la totale séparation entre les marchés financiers et l’économie réelle, qui marquera l’histoire comme étant la plus grande réalisation que les banques centrales ont accompli à l’échelle de la planète.

La chancelière allemande Angela Merkel semble vouloir s’accrocher à sa fonction jusqu’aux élections de septembre prochain, à moins qu’une catastrophe ne survienne entre temps. Par conséquent, aucun trouble n’est toléré jusqu’à cette échéance, pas même de nature économique. Pourtant, de nouvelles révélations relatives aux écoutes de la NSA viennent d’éclater et d’arriver aux pieds de Merkel.

Ce texte a été initialement publié sur le blog Testosterone Pit

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