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Les leçons à tirer de l’explosion du nombre de radicalisés en France depuis deux ans
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Terrorisme

Le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste regroupe aujourd'hui 18.550 signalements. Ce même fichier regroupait 11.400 cas au moment des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Soit une hausse de plus de 60 %.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Comment expliquer cette hausse ? S'agit-il d'un meilleur recensement ou d'une hausse véritable du nombre de radicalisés ?

François Bernard Huyghe : Je pense qu'il y a un mélange des deux. Il ne faut pas oublier que ce fichier a été mis en place après les attentats de janvier 2015, et qu'en deux ans il a forcément été de plus en plus nourri. Notamment par les préfectures, par les signalements du public et par la police. Mécaniquement il devrait, avec le temps, avoir de plus en plus de signalement. Ceci dit ce n'est pas inconciliable avec le fait qu'il devrait y avoir d'avantage de radicalisés en France. Donc si c'était le cas cela voudrait dire que ce n'est pas seulement un moment d'enthousiasme lié au succès du califat en Syrie et en Irak mais qu'il y a un sentiment plus fort qui s'installe et que la propagande salafiste est toujours aussi efficace.

Quelles sont les différents critères que cet outil utilise pour le recensement ? Peut-on estimer que le chiffre ici présenté est fiable ?

Les critères sont différents suivant les cas. Si c'est dans le cas de la signalisation par le public, on écrème un peu tous les appels téléphoniques pour voir s'il y a des éléments concordant et sérieux. Par la police ou la gendarmerie, ce sont des gens qui ont dû être signalés dans des activités qui laissent penser qu'ils pourraient être enclins à la violence djihadiste. C'est souvent aussi une synthèse faite par différents services. L'ensemble est géré par l'unité centrale de lutte anti-terroriste. Qui est là dans sa fonction de faire la synthèse entre tous ces services qui font du renseignement.

Ces chiffres paraissent vraisemblables. Je dirais qu'il y a probablement d'avantage de gens qui sympathisent avec les djihadistes  et qui voient en eux les vengeurs des musulmans persécutés. Le nombre d'attentats sans grand professionnalisme auxquels on a assisté ces derniers mois ont augmenté également. Le sujet de réflexion est surtout de savoir ce qu'il se passera le jour ou le Kalifa sera complètement écrasé en Syrie et en Irak. Si ils perdent, est-ce que cela découragera certains nombres de sympathisants djihadistes ou est-ce que au contraire le nombre de radicalisés augmentera ? Je penche pour la deuxième hypothèse. Il peut y avoir une sorte de ressentiment après la chute du califat qui pourrait favoriser une éclosion des vocations du djihadiste. Il faut être honnête, on sait très bien qu'il y a des zones entières ou les salafistes prêchent librement et manifestent leur influence.

Au-delà de ce recensement, et au regard de ce chiffre de 18 550 individus qu'il serait impossible de surveiller en intégralité, quelles pourraient être les mesures à mettre en œuvre pour obtenir un contrôle optimal, en fonction des moyens actuels ? Ces moyens doivent-ils être revus à la hausse ?

Je ne vais pas vous dire qu'il faut baisser les moyens, personne ne le dira.

 Il est sûr que vu la fréquence des attentats il faut d'avantage de moyens de protection et de détection. Ce qu'il faudrait surtout c'est que ces moyens soient sélectifs. 18500 fiches qui en plus recouvrent (ou pas) la partie des fichés S, c'est impossible à traiter. Ou alors on fait traiter par des ordinateurs au risque de faire du faux positif.

Il faut avoir du personnel formé à faire du renseignement de qualité et parmi ces gens-là il faut arriver à sélectionner ceux qui sont vraiment dangereux. Il faut également des moyens d'infiltration que ce soit par des faux messages électroniques ou par des gens qui vont dans les quartiers.

Je pense qu'il y a d'énormément de progrès qualitatif à faire dans l'interprétation des cas de conversion au salafisme djihadisme. Ce qui est certain en tout cas, c'est qu'on ne sait pas faire de la dé radicalisation en France et on a récemment fermé le dernier centre qui existait. 

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