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"Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ?” Non, mais quelques-uns les tuent parfois, comme Mohammed Merah
©DR

Angélisme

Il faut arrêter, nous dit-on, de stigmatiser. Promis, nous ne stigmatiserons plus…

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Avec toutes les apparences du bon sens près de chez nous, un politologue réputé (il écrit dans Libération, Le Figaro et, parfois, dans Atlantico) s’élève avec vigueur contre la caricature qui serait faite du "jeune de banlieue". Sa voix est intéressante car elle fait partie d’un cœur très étoffé qui déverse son chant dans le caniveau où coule l’eau bénite d’une pensée bondieusarde. D’un trait vigoureux, il dessine la caricature (odieuse et islamophobe) qu’il veut effacer.

Le "jeune de banlieue" serait assimilé à un "ogre mangeur de petits enfants". Il vivrait de trafics divers, serait volontaire pour faire le djihad et commettrait des attentats en France. Le politologue proteste : ces phénomènes sont totalement marginaux. La réalité est, selon lui, bien plus complexe et concerne la majorité des "jeunes de banlieue". C’est donc d’elle qu’il conviendrait de parler et non pas de quelques comportements minoritaires. Avec une formule choc : "Jamel Debbouze est aussi représentatif de la banlieue que les frères Kouachi".

Ayant nous-même ajouté quelques très fortes couches au portrait défiguré du "jeune de banlieue", le temps nous paraît venu de faire notre mea culpa. Désormais, nous parlerons uniquement des phénomènes "majoritaires et représentatifs". La presse a fait tout un plat du cas d’une jeune fille juive violée à Créteil par un "jeune de banlieue". C’était une caricature et nous y avons, hélas, contribué. Pourquoi parler d’elle et non pas des centaines de jeunes filles juives qui, elles, n’ont pas été violées ? Pourquoi évoquer ce "jeune de banlieue" et pas les centaines de "jeunes de banlieue" qui, eux, n’ont pas violé. Oui, pourquoi ?

Voulant suivre à la lettre les sages recommandations du politologue, nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin. On a fait beaucoup de bruit autour d’un accident de train à Brétigny-sur-Orge. Pourquoi n’a-t-on pas plutôt donné les chiffres des milliers de trains qui sont arrivés à l’heure et sans encombre ? Et pourquoi, au lieu de nous empoisonner la vie avec quelques morts, n’a-t-on pas préféré nous indiquer combien de millions de passagers sont, ce jour-là, restés en vie ? Oui, pourquoi ?

Pareillement, il faut en finir avec les statistiques parfaitement déprimantes du chômage. Que l’INSEE arrête de nous dire tous les mois que la France compte tant et tant de millions de sans-emplois. Ce sera beaucoup mieux, et bénéfique pour le moral, que cette affreuse statistique soit remplacée par une autre : la France compte tant et tant de millions d’individus ayant un emploi !

Pour revenir au sujet essentiel, qui est quand même le "jeune de banlieue", il faut que la DGRI arrête de nous bassiner avec ses "1200 jeunes Français qui sont partis faire le jihad en Irak et en Syrie". Nous attendons des évaluations moins stigmatisantes, du genre : "des centaines de milliers de jeunes Français ne sont pas partis faire le jihad" !

Et qu’on arrête enfin avec ces appellations discriminantes : les "quartiers sensibles", les "quartiers dangereux" et les "zones de sécurité prioritaires". Place aux « quartiers populaires » et à eux seuls. Des quartiers où la vie est certes difficile mais où des milliers de jeunes courageux, et dont les talents sont étouffés par l’apartheid qui les emprisonne, se battent quotidiennement pour vivre et survivre dans la dignité…

Voilà. Ainsi, le temps d’un article – pour les autres, on ne promet rien -, nous avons pu nous conformer à la sainte parole qui nous a été prêchée. Maintenant, pour dire vrai, un peu de colère. Cette pensée qu’on nous inflige a autant de rapport avec la vérité que l’eau de vaisselle en a avec l’eau de source. Elle prétend lutter contre la "lepénisation des esprits". Mais elle-même témoigne d’une accablante "banlieusardisation" des esprits. Et par son discours de la servitude volontaire, elle nourrir richement ce contre quoi elle prétend lutter.

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