Les États-Unis sont en plein boom de start-ups… mais pas la start-up nation qu’est censée être la France d’Emmanuel Macron<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors d'un salon sur la French tech lors de son premier mandat.
Emmanuel Macron lors d'un salon sur la French tech lors de son premier mandat.
©LUDOVIC MARIN / AFP / PISCINE

Pouls de l'économie

Alors que les Etats-Unis connaissent un véritable essor des start-ups, la France a toujours des difficultés à faciliter l'entrepreunariat.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Quelle est la réalité économique aux États-Unis concernant les start-ups ? Les États-Unis sont-ils en plein boom de start-ups par rapport à la France ?

Pierre Bentata : Par rapport aux précédentes tendances, il y a une explosion du nombre de start-ups et de la croissance de ces sociétés aux Etats-Unis. Il y a une croissance très forte mais avec un changement dans la composition des start-ups. Depuis l’essor des réseaux sociaux, la plupart des start-ups aux Etats-Unis étaient plutôt des start-ups qu'on appelle de la gig economy, ce qu’on appellerait des mini jobs, des petits boulots. Les récentes tendances témoignent d’une transformation. Les start-ups américaines ont potentiellement une valeur ajoutée beaucoup plus forte. Elles tournent autour de la révolution numérique et de l'IA. Il y a une vraie transformation dont on n'est pas capable encore d'observer ni les effets, ni les impacts futurs sur le PIB réel et sur la productivité. Mais il y a un changement de tendance qui traduit une vraie dynamique entrepreneuriale.

Les définitions des start-ups varient mais globalement on estime qu'il y a environ 70.000 start-ups aux Etats-Unis contre 12.000 en France.

C'est la composition qui diffère. Alors qu'environ 20 % des start-ups sont dans la fintech aux Etats-Unis, il y en a seulement 7 % en France. Le secteur le plus fécond en France est celui de la construction, de l'hébergement et du transport (32 %) alors que les secteurs d'avenir sont certainement dans la santé et les activités scientifiques et techniques qui regroupent en tout environ 10 % des start-ups.

Sur le financement, en France, en 2021, les start-ups avaient levé 13 milliards alors qu'elles en avaient levé 330 milliards aux Etats-Unis.

C'est là que se fait une grande partie de la différence, dans la capacité à lever des fonds importants pour se développer.

D'autant plus qu'une start-up française s’implantant aux Etats-Unis lève des sommes en moyenne 2 à 3 fois plus importantes qu'une même start-up présente uniquement en France.

Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer cette tendance ?

Aux Etats-Unis, il y a un tempérament qui est beaucoup plus entrepreneurial. Cela n'est pas très surprenant. Il y a toujours eu davantage de dynamiques dans la création d'entreprises et de start-up aux Etats-Unis. Donc il y a quand même quelque chose qui est plutôt de l'ordre culturel. Il y a une très forte croissance, une très forte reprise aux Etats-Unis et une dynamique économique qui n’est pas de la même ampleur en France. Cela a un effet sur sur l'esprit entrepreneurial. Quand vous êtes dans une conjoncture où le plein emploi règne et où il y a une dynamique, prendre des risques est beaucoup moins coûteux. Beaucoup plus de personnes vont tenter l'aventure en se disant que même si cela aboutit à un échec, il sera possible de rapidement retrouver un emploi. Il y a une forte demande de la part des entreprises. 

En France, même si le taux d'emploi a augmenté et même si le taux de chômage a reculé, nous ne sommes pas dans la dynamique américaine. Nous n’avons pas ce rapport au risque entrepreneurial.

Quelle est la réalité des start-ups en France ?  Quels sont les principaux secteurs concernés ? Quelles sont les secteurs où la France est en difficulté en matière de start-ups ?  

Les domaines dans lesquels la France est vraiment dépassée en termes de start-up sont ceux à forte valeur ajoutée. 

En France, il y a davantage de gens qui créent des entreprises pour devenir livreur, chauffeur ou pour monter un site Internet pour vendre des bijoux. Cette réalité est similaire dans tous les pays développés. Cela a été facilité avec le développement d’Internet. 

Depuis le Covid, de plus en plus de personnes veulent modifier leur façon de travailler et souhaitent travailler depuis chez eux. Il y a un vrai doute sur le plan économique sur le fait que cela crée réellement davantage de valeur ou si cela participe à une mode. Cela s’apparente à une réorganisation de l'activité.

Comparativement aux Etats-Unis, la France a moins de start-ups dans les nouvelles technologies, dans la recherche médicale, dans le domaine de l'informatique. 

Pourquoi la France est dans cette situation ?

La France a un esprit qui est moins entrepreneurial. Nous sommes culturellement moins enclins à entreprendre. La perception des Français de l'entrepreneur ou de l'entreprise est très éloignée de la société américaine également. 

La complexité administrative est également un autre frein. Il faut avoir créé une société en France pour pour comprendre ce que cela signifie. C'est un véritable enfer. Se lancer dans l'entreprenariat, dans une start-up est une aventure à part entière. Il est compréhensible que beaucoup de gens soient réticents à se lancer dans de tels projets. 

La réglementation est plus forte qu'aux Etats-Unis également. Elle limite la capacité à se développer et freine l’éclosion des start-ups. 

La France manque d'un vrai marché financier, d'un vrai marché pour les start-ups avec des venture capitalists, avec des business angels. En Europe, ce secteur est trop réglementé pour qu'il se développe. 

L’aide aux start-ups, via la Banque publique d'investissement, est beaucoup plus faible que le cadre et les aides disponibles aux Etats-Unis. Moins de personnes sont donc capables de lancer leur start-up.

Comment voyez-vous la situation pour les deux pays, pour les Etats-Unis et la France en comparaison ? Qu'est-ce qui pourrait faire changer la dynamique en France ?

Nous vivons une période où il y a de réelles opportunités pour créer des start-ups. Cela pourrait faire évoluer la dynamique. L’intelligence artificielle va ouvrir des possibilités. Cela va permettre de développer des applications. Cela va permettre à des gens créatifs de trouver des nouveaux moyens de concurrencer des entreprises existantes. 

La convergence de l'informatique, des nanotechnologies et des biotechnologies va permettre de réaliser de nouveaux progrès. Dans la médecine, cela va permettre de créer beaucoup de start-ups médicales. Il faut transformer cela en une réalité. Il faut avoir davantage d'accompagnement et ne pas être contraint par cette volonté de réglementer des secteurs que l'on ne connaît pas, ce qui risque de modifier l'état d'esprit des individus qui veulent entreprendre.

Si vous voulez entreprendre aujourd'hui dans le domaine médical en utilisant l'IA, vous avez tout intérêt à aller aux Etats-Unis. Avant même d'avoir des IA européennes, les instances de l’UE ont déjà régulé l'IA, les données et les structures.

Il faut faire évoluer le contexte juridique et institutionnel. Nous avons des travailleurs compétents. Ceux qui ont une bonne formation en France et en Europe trouvent très facilement du travail dans les start-ups ou dans les entreprises innovantes aux Etats-Unis. Il ne s’agit donc pas d’un problème de compétence. En revanche, la vraie difficulté concerne le problème d'attractivité structurelle du territoire.

Les Etats-Unis sont en plein boom concernant les start-ups mais concrètement, sur l'économie réelle, est-ce que cela a une réelle influence ? Est-ce que cela est forcément bénéfique pour tout le monde ?

L'écosystème et l'ensemble du tissu économique doit s’adapter et se mettre au niveau afin qu’il y ait un changement dans les comportements et les organisations pour réellement voir l'effet potentiel de cet essor des start-ups. Si l’explosion des start-ups concerne uniquement des personnes qui font du tertiaire et qui  remplacent des entreprises qui existaient avec des auto-entrepreneurs ou de très petites entreprises, il y a de fortes chances que cela n’ait pas beaucoup d’effets sur l’économie. 

En revanche, si les startups qui se développent se concentrent sur des maillons très particuliers de l'intelligence artificielle, qui réfléchissent à la façon dont cela va permettre d’améliorer les contrats, d’assurer le suivi logistique, il y a des chances qu'il y ait un véritable impact positif pour l’économie. 

Comme toute activité entrepreneuriale, cela représente un risque. Mais ce qui paraît le plus risqué, c'est qu'en France, personne ne prenne ces risques.

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