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Donald Trump Joe Biden Etats-Unis élection présidentielle américaine
Donald Trump Joe Biden Etats-Unis élection présidentielle américaine
©JIM WATSON

Election présidentielle américaine

Alors que l'incertitude demeure sur l'issue de l'élection présidentielle américaine, le rêve américain qui vire au cauchemar laisse entrevoir que le vainqueur n’aura qu’un seul objectif : tenter de ressouder ces Etats désunis d’Amérique, combler cette fracture profonde au coeur de la société américaine.

Frank Tapiro

Frank Tapiro

Frank Tapiro est dondateur d’Hémisphère droit, actuel président de la société de conseil créatif HOUTSPA et cofondateur de la startup DATAKALAB.

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Personne ne sait qui va gagner l’élection entre Trump et Biden.

Mais on sait ce que l’Amérique a perdu.

L’Amérique a perdu son aura politique universelle avec des candidats qui se comportent comme des cowboys. L’outrance se banalise. Elle engendre une violence et des débordements de langage qui mettent le pays en ébullition, prêt à exploser avec des citoyens mais aussi des voyous armés qui n’hésiteront pas à se servir de leur winchester si leur vie est menacée.

L’Amérique a perdu ses figures d’autorité, politiques, médiatiques, ses grands journalistes, politologues, éditorialistes et sondeurs qui se sont tous trompés depuis 2015, avant la primaire Républicaine où personne n’imaginait que Trump puisse l’emporter. L’erreur est aujourd’hui encore plus forte car elle démontre que personne n’a appris. Ou plutôt, personne n’a voulu apprendre de ses erreurs tant il est impossible d’admettre qu’un goujat détesté par son propre parti ait pu être élu président de la première nation au monde. Le déni français a fait des émules outre-atlantique. Ils n’ont pas voulu voir, analyser et comprendre que l‘Amérique oubliée était fascinée par celui qui leur avait redonné une voix, une âme, une pensée et une fierté d’appartenance à un corps dont il se sentaient amputés.

L’Amérique a perdu son aura démocratique avec cette parodie d’élections que le Saturday Night Live n’aurait jamais pu imaginer. Les ZAZ (Zucker Abrahms Zucker) sont battus par de meilleurs auteurs qu’eux. Biden et Trump ont en effet réussi le meilleur stand up de l’histoire qui a maintenu éveillé le monde entier toute la nuit dernière. Menaces, procès, cours suprême, invectives, insultes, coups de bluff n’ont plus de limites. On annonce qu’on a gagné ou qu’on n’a pas pas perdu alors qu’on n’a pas tous les chiffres et que tous les bulletins ne sont pas encore dépouillés. Pas grave, on y va à fond et ça marche. C’est de la com pas de la politique. Biden n’est pas plus vertueux que son adversaire et il s’est rabaissé à de nombreuses reprises pour être au même niveau que lui, ce qui est la victoire de Trump.

L’Amérique a perdu son star système. Les stars hollywoodiennes et du show-business deviennent les chats noirs de la politique. Ils avaient déjà raté leur campagne de démolition de Georges Bush junior pour son deuxième mandat.  Ils ont raté une fois de plus la première victoire de Trump en 2016. Aujourd’hui, quelque soit le résultat, ils viennent de rater leur plus belle campagne de destruction massive de Trump pour son deuxième mandat. Avec un tel parterre, Biden aurait du avoir la victoire acquise en début de soirée. Il n’en est rien. C’en est fini du soutien des stars, des paillettes, des influenceurs au milliards de like. Ceux qui voyaient les Etats unis comme une addition de côtes, Est+ Ouest, se rappellent pour la deuxième fois qu’entre les deux tranches de steak, il y a du gras électoral qui a un taux de protéines aussi fort que le taux de lipides.

La plus grande défaite de l’Amérique, c’est de ne pas avoir voulu, à 4 ans d’intervalle, prendre en compte les émotions vécues et ressenties par tous les américains. Déjà en 2015, pendant les premières primaires, Trump a écrasé ses 7 adversaires en créant un taux d’émotions jamais vu aux USA. EMOTIENT, startup technologique de neurosciences créée par Paul Ekman, avait mesuré les émotions d’un panel représentatif pendant les discours des primaires. Trump arrivait en tête, toutes émotions confondues, sur tous les thèmes de la campagne. Il créait à la fois plus de joie, plus de surprise, mais aussi de la colère, de la peur, du dégout, du mépris et de la tristesse. Ce champion émotionnel avait compris avant tout le monde qu’il fallait créer de l’impact et ne pas laisser indifférent. L’important était de créer de l’attention, même celle de vos ennemis ou de ceux qui ne partagent pas vos opinions, pour être incontournable et représenter un choix possible, même contraire à vos idées.

L’objectif n’était donc pas de gagner la bataille politique mais de créer les meilleurs souvenirs ou les plus mauvais. Faire peur est une qualité. Ceux qui font peur sortent du lot. On les écoute, on les redoute, on les craint mais on ne peut les ignorer. Parfois, certains, pour être rassurés, se rangent du côté de la peur comme certains rebelles trahissent la force pour rejoindre Dark Vador.

La peur est une force négative et attractive. Voter c’est choisir, et choisir c’est renoncer.

La stratégie anti-Trump de Biden n’a pas suffit. Même si il l’emporte, il n’y aura eu ni raz de marée, ni vague, ni houle. Ces foules bruyantes, impuissantes et arrogantes n’ont pas remplacé l’engagement et la force du vote.

On ne sait pas qui va gagner mais on sait ce que l’Amérique a perdu.

Ce rêve américain qui vire au cauchemar laisse entrevoir que le vainqueur n’aura qu’un seul objectif : tenter de ressouder ces états désunis d’Amérique, combler cette fracture profonde aux allures de Canyon qui sépare ce peuple divisé qui savait pourtant se retrouver le soir d’une élection, tant il était fier de cet aller-retour fair et élégant, Démocrate/Républicain, qui lui faisait croire qu’un changement était possible tous les 4 ans.

C’est ainsi que toutes les révolutions commencent.

Pour la première fois, l’étincelle viendra peut être d’une élection démocratique qui fera exploser ce que nous appelons la République et la Nation.

On a oublié que certains ne veulent être qu’américains avec ce que cela comporte comme valeurs, comme droits, comme devoirs mais aussi comme responsabilité.

Comment Trump pourra ramener à lui ces millions d’américains qui le détestent?

Comment Biden pourra convaincre ces millions de pro-Trump qu’il n’a pas triché et qu’il est aussi leur président?

L’Amérique ne pourra pas rester bien longtemps un pays de losers.

Gardons-nous bien de juger nos amis américains, comme nous savons si bien le faire.

Ce phénomène arrive petit à petit chez nous, avec des sondeurs qui militent plus qu’ils n’analysent, des magazines qui deviennent des fanzines et une presse d’information qui est devenue une presse d’opinion.

Le populisme se nourrit de cette entente médiatico-politique qui ânonne dans le même sens en oubliant le bon sens populaire. Il rejette en bloc ce mépris de réalité et devient prêt à écouter celles et ceux qui surferont sur leurs souffrances.

Ni rance, ni souffrance, la France doit rester la France.

Frank Tapiro (Expert en communication politique)

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