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Les distributeurs automatiques de Bitcoin font leur apparition aux États-Unis et les banques centrales sous-estiment probablement le danger pour elles
Les distributeurs automatiques de Bitcoin font leur apparition aux États-Unis et les banques centrales sous-estiment probablement le danger pour elles
©MICHAEL M. SANTIAGO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

Ruée vers la cryptomonnaie

Des distributeurs automatiques dédiés au Bitcoin se démocratisent et se multiplient aux Etats-Unis. Les clients peuvent acheter ou vendre de la monnaie numérique et extraire de l'argent liquide. La croissance de ces distributeurs n'est pas à prendre à la légère.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Aux États-Unis, la croissance des distributeurs automatiques de Bitcoin n’est pas à prendre à la légère, elle a été de 45% l’année dernière. Comment fonctionnent ces distributeurs ? Est-ce que cela change dans le monde du Bitcoin ?

Michel Ruimy : La première machine automatique de Bitcoins a été installée à Vancouver (Canada) en 2013. Huit ans plus tard, plus de 10 000 distributeurs existent dans le monde (croissance exponentielle depuis 2017) et nul doute que leur diffusion risque de croître encore grâce à Genesis Coin (35% de parts de marché), General Bytes (30%), Coinsource...

Un distributeur de Bitcoins fonctionne sur le même principe qu’un distributeur automatique de billets. Les distributeurs « One Way » permettent d’acheter des bitcoins avec de l’« argent fiat » (monnaie décrétée par l’Etat) tandis que les « Two Way » gèrent l’achat et la vente de cryptoactifs (en monnaie fiat). En cas d’achat, les espèces des particuliers sont récupérées puis converties en Bitcoin sur un portefeuille virtuel et, en cas de vente, les Bitcoin sont échangés contre des liquidités.

L’accessibilité des points de vente de Bitcoins représente un enjeu capital pour le développement du Bitcoin. Mais, si le Bitcoin est le plus populaire des cryptoactifs, ces distributeurs en acceptent, en général, d’autres (Bitcoin Cash, Ethereum, Litecoin…). Leur multiplication contribue grandement à la démocratisation mondiale de ces actifs et améliore notamment l’ancrage du Bitcoin dans le paysage local (Ces 10 000 distributeurs s’ajoutent aux plus de 200 000 points de vente de Bitcoin dans le monde) et, au final, permet de saper l’idée selon laquelle l’accès au Bitcoin est obscur et difficile.

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Par ailleurs, la prolifération de ces appareils illustre le fait que le Bitcoin doit faire face à une demande toujours plus intense. Cette croissance accompagne celle des commerces et services acceptant désormais le Bitcoin (cf. Tesla). Certes, à l’heure actuelle, la répartition des distributeurs penche encore beaucoup du côté de l’Amérique du Nord (États-Unis, Canada) le Royaume-Uni, mais l’engouement du Royaume-Uni pour ces machines pourrait convaincre les pays européens (Autriche, Suisse, Espagne…), encore frileux, à s’engager sur cette voie.

Dans le même temps, les agences gouvernementales du pays ont tiré le signal d’alarme à leur propos en raison du potentiel d’activités illicites. Cela représente-t-il un danger pour les banques centrales ?

Les transactions en cash posent un réel problème aux autorités en raison de leur manque de traçabilité et de transparence. Cette opacité favorise le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme ou encore la fraude fiscale, risques que les autorités cherchent à maîtriser. Le meilleur moyen pour les réduire/couvrir reste de limiter l’utilisation du cash. Ceci passe par la mise en place de certaines mesures (abaissement du plafond de paiement en espèces, déclaration obligatoire à la douane pour tout transfert à l’étranger de plus de 10 000 €…).

Mais, si l’économie se dirige progressivement vers un monde sans cash, nous assistons, en parallèle, à un intérêt grandissant pour ces cryptoactifs du fait, notamment, qu’avec ces distributeurs, il est possible d’en acheter/vendre aisément - sans vérification d’identité -, sans limite de montant. Comparés aux autres moyens de paiement, ces actifs présentent des avantages : coûts de transaction limités, transferts de fonds à l’international rapides et facilités, absence de plafond… tout en soulevant les mêmes problèmes que le cash (traçabilité et de transparence des transactions), ce qui inquiète les autorités.

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Or, ces actifs étant complètement décentralisées, il est extrêmement difficile de tracer, de contrôler les transactions effectuées et, donc d’éviter, une fois encore, un risque de blanchiment des capitaux, de financement du terrorisme, d’évasion fiscale. Dès lors, pour les autorités, réguler, au niveau mondial, ce marché s’avère être une nécessité.

La défiance envers les banques centrales n’est-elle pas justement l’une des raisons du succès du Bitcoin ?

Avec un prix de près de 60 000 dollars, les fluctuations du cours du Bitcoin résultent-elles d’une défiance des individus envers les institutions, d’une « valeur rationnelle » ou d’autres choses ? En fait, aucun analyste/investisseur/spéculateur n’est en mesure de démontrer ou d’expliquer si le Bitcoin est surévalué ou sous-évalué. En d’autres termes, le Bitcoin n’a aucune valeur mais un juste (?) prix.

Certes, certains s’y réfugient soit par méfiance vis-à-vis de leur État, soit par perte de confiance en leur monnaie dont ils estiment qu’elle ne vaudra plus grand-chose demain du fait de l’activisme des banques centrales, soit pour les deux raisons, qui sont hélas un peu confuses dans des esprits n’ayant aucune culture historique, prompts à échafauder et à privilégier les scénarios les moins vraisemblables.

C’est pourquoi les banques centrales s’intéressent à l’idée d’une monnaie numérique garantie par l’Etat. Cette entité digitale pourrait répondre à des objectifs de politique publique (inclusion financière, sécurité et la protection des consommateurs…) et proposer ce que le secteur privé ne peut pas : la confidentialité des paiements.

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L’utilisation massive des cryptomonnaies pourrait-elle créer des économies fermées ?

Répondre à votre question nécessite d’avoir la réponse à la question suivante en prenant l’exemple du Bitcoin : va-t-on vers la fin des « récompenses » lorsque l’offre du Bitcoin aura atteint 21 millions d’unités en circulation ? Deux réponses sont possibles.

D’un côté, sans l’incitation fournie sous forme de Bitcoin à la fin d’un processus d’extraction rigoureux et coûteux, les « mineurs » ne seraient plus motivés à soutenir le réseau. Ceci risque d’avoir des effets désastreux pour cet actif car l’exploitation minière n’est pas seulement un processus par lequel de nouveaux jetons sont introduits dans l’écosystème. Elle est, avant tout, la manière dont la blockchain décentralisée est prise en charge et maintenue en l’absence d’une banque centrale ou d’une autre autorité de confiance. Donc, si les mineurs abandonnent leur travail, le réseau évoluera probablement vers la centralisation ou s’effondrera complètement.

D’un autre côté, les mineurs pourraient continuer de participer activement, et de manière compétitive, à la validation de nouvelles transactions du fait que chaque transaction en Bitcoin comprend des frais de transaction. Ces frais, bien qu’ils représentent aujourd’hui quelques centaines de dollars par bloc, pourraient potentiellement atteindre plusieurs milliers de dollars à mesure que le nombre de transactions sur la blockchain augmente et que le prix d’un Bitcoin évolue à la hausse. Ils pourraient ainsi devenir la motivation des mineurs en contrepartie de la gestion de la blockchain et du travail de vérification indispensable à sa fiabilité. Au final, le cryptoactif fonctionnerait comme une économie fermée où les frais de transaction seraient assimilés à des taxes.

Il est également important de garder à l’esprit que le réseau Bitcoin lui-même est susceptible de changer considérablement d’ici la fin de la création du dernier Bitcoin. En effet, depuis une décennie, de nouveaux protocoles, de nouvelles méthodes d’enregistrement et de traitement des transactions et un certain nombre d’autres facteurs ont eu un impact sur le processus d’extraction. Il se pourrait aussi que le protocole de Bitcoin soit modifié pour permettre une offre plus importante.

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