Les démocrates américains accusent Wikileaks d'être une couverture pour le Kremlin<!-- --> | Atlantico.fr
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Lundi dernier, le porte-parole de la campagne de Clinton a traité Wikileaks ''d’organe de propagande" du Kremlin, souhaitant mettre des bâtons dans les roues de la candiate démocrate.
Lundi dernier, le porte-parole de la campagne de Clinton a traité Wikileaks ''d’organe de propagande" du Kremlin, souhaitant mettre des bâtons dans les roues de la candiate démocrate.
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THE DAILY BEAST

Le staff d’Hillary Clinton et la Commission Nationale Démocrate (DNC) accusent Julian Assange de travailler avec les Russes pour faire élire Donald Trump, en faisant fuiter les e-mails embarrassants de la candidate démocrate. Sont-ils en avance sur les renseignements américains ?

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef est une journaliste égypto-américaine. Elle est correspondante pour The Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - Nancy A. Youssef

Le staff de la campagne d’Hillary Clinton et la Commission Nationale Démocrate accusent publiquement Wikileaks d’être un paravent du gouvernement russe et leur allié pour faire élire Donald Trump. Mais les  services de renseignements américains n’en sont pas sûrs. Lundi dernier, le porte-parole de la campagne de Clinton a traité Wikileaks ''d’organe de propagande" du Kremlin et accusé le fondateur du site, Julian Assange, de "collusion avec le gouvernement russe pour aider Trump" en faisant fuiter des e-mails compromettants pour la DNC et ceux de John Podesta, le directeur de la campagne de Clinton.

Cette déclaration dépasse toutes les analyses faites par les agences de renseignement américains et par l’Office de la sécurité intérieure, qui n’ont jamais accusé Wikileaks d’être un agent russe (Ils n’ont jamais mentionné Trump ou sa campagne). Puis, mardi dernier, le président par intérim de la DNC a mêlé Wikileaks à la campagne actuelle, l'accusant de s’immiscer dans les élections.

'Notre communauté du Renseignement a clairement démontré que le gouvernement russe est responsable des cyber-attaques qui ont pour but d’interférer dans nos élections. Wikileaks fait partie de ce plan" a accusé Donna Brazile dans une déclaration. Mais quatre officiels des renseignements et de l’armée américaine ont déclaré au Daily Beast que les relations entre la Russie et Wikileaks ne sont pas si étroites que ça. Sans aucun doute, le groupe a bénéficié du travail des hackers russes qui ont fait passer des e-mails volés à Wikileaks. Mais est-ce que cela veut dire que Wikileaks prend ses ordres de Vladimir Poutine et qu’il travaille pour lui ?

"Pour la Russie, Wikileaks est plutôt l’idiot utile parce qu’ils [Wikileaks] sont trop lâches et trop cons pour monter ce genre de plans" déclare un officiel américain au Daily Beast. Il décrit le site comme étant surtout une couverture pour des hackers russes. Les militaires et les agents du renseignement sont convaincus que Wikileaks continue de représenter un danger pour la sécurité des Etats-Unis, notamment à cause des fuites de documents et e-mails classés secrets.

Mais la nature de sa relation avec la Russie fait encore ébat en interne. Certains pensent que le groupe est de mèche avec le Kremlin. Mais d’autres estiment que Wikileaks agit simplement comme le bénéficiaire de documents volés, et ne différe donc en rien d’autres organisations d'investigation de type journalistique.

La déclaration des agences de renseignement - dont les mots ont été soigneusement pesés - sur le rôle de la Russie dans le piratage de la DNC, fait comprendre qu’il n’y pas de consensus sur une coopération entre Wikileaks et la Russie. En se référant à deux autres groupes de pirates qui ont divulgué des e-mails volés, la déclaration précise : ''La récente divulgation d’e-mails soi-disant piratés sur des sites comme DCLeaks.com et Wikileaks et par une personne se faisant appeler Guccifer 2.0 a des liens avec les méthodes et les motivations russes''

Mais il n’y a aucun indice que ces groupes aient effectué les piratages eux-mêmes. Beaucoup d’experts pensent même qu’ils ne l’ont pas fait. Il n’y aurait pas non plus eu une coordination entre la Russie et Wikileaks. Les experts ont déclaré que la personne qui se fait appeler Guccifer 2.0 travaille pour les Russes mais semble n’être qu’un messager, avant tout, et Wikileaks insiste sur le fait qu’il applique son propre processus de sélection des informations quand il en reçoit.

Le groupe "a une histoire longue de dix ans du processus de sélection'' a déclaré un porte-parole de Wikileaks au Daily Beast, sans pour autant répondre aux allégations de coopération avec la Russie. L’incertitude autour des allégeances de Wikileaks est déconcertante. En effet, un flux de mails volés provient régulièrement de Wikileaks. Plusieurs lots provenaient de la boite e-mail de Podesta, et ont révélé qu'Hillary Clinton parle plus favorablement d'accords internationaux pour un commerce libre et ouvert dans les congrès où elle est payée pour intervenir, que lorsqu’elle est en campagne.

Il n'y a pas longtemps, des emails de la DNC publiés par Wikileaks ont eu pour conséquence la démission de la présidente de la commission, Debbie Wesserman. Ces e-mails ont également montré que l’équipe de la commission démocrate avait essayé de saper la campagne du rival de Clinton à la candidature démocrate, le sénateur Bernie Sanders. Wikileaks exerce sans doute possible une influence sur la politique américaine.

Cependant, lorsque nous leur avons demandé dans quelle catégorie ils placent leur organisation, les deux représentants de Wikileaks contactés par le Daily Beast ont marqué la même longue pause. ''Hmmm, c’est une question intéressante". Est-ce un groupe de médias ? Pas vraiment.

''Je ne les considère pas comme un organe de presse puisqu’ils ne suivent aucun code d’éthique journalistique" dit un officiel. (Le porte-parole de Wikileaks conteste ce jugement et fait remarquer que Wikileaks "'a remporté de nombreuses récompenses journalistiques", y compris un prestigieux prix australien, pays natal de Julian Assange).

Mais cela ne veut pas dire que Wikileaks agit pour les intérêts russes. Et ce n’est pas un détail. Si les Etats-Unis identifient Wikileaks comme un agent d’une puissance étrangère, les agences de renseignement et d’espionnage auraient le droit de les espionner, comme la loi le permet, et comme elles le font avec le gouvernement russe.

Les Etats-Unis peuvent aussi traduire en justice les agents étrangers. Alors, est-ce que Wikileaks est une organisation criminelle ? "Je n’irais pas si loin", dit un officiel américain. Et un facilitateur de délits ? " Absolument" dit un autre. ''Un pourvoyeur de documents fuités qui permet à d’autres de commettre des actes criminels". ''Nous n’avons jamais vraiment essayé de définir ce qu’ils étaient. Nous parlons uniquement des conséquences de leurs actions" conclut une troisième personne.

En privé, certains officiels se félicitent du revirement de l’opinion publique à l’égard de Wikileaks, notamment à cause des fuite de données sur des citoyens ordinaires, ce qui arrive de plus en plus souvent. En septembre, Wikileaks a dévoilé près de 300 000 mails du parti turc AKP. Ils contenaient des informations sur chaque électrice dans 79 des 81 provinces turques. Wikileaks a été critiqué et condamné pour avoir mis ces femmes en danger.

Selon ces officiels du gouvernement, l'opinion publique commence à percevoir Wikileaks de la même façon que le gouvernement américain, depuis une décennie déjà : des agitateurs avec un agenda politique et non pas des journalistes drapés dans une cape de lanceur d’alerte. "Nous ne les avons jamais considérés comme légitimes" explique un officiel américain. ''Ce sont des déversoirs de données censées embarrasser les Etats-Unis". Tout le monde est d’accord sur un point cependant : Wikileaks veut jouer un rôle dans les élections américaines et avoir une influence sur la politique américaine. Julian Assange "essaie d’influencer le système politique de ce pays. C’est un énorme changement" confie au Daily Mail Arun Vishwanath, professeur de communication et spécialiste de cyber-sécurité à l’université de Buffalo.

S’il n’y a aucune preuve que Wikileaks pirate lui-même, il est clair qu’il en profite, tous comme les médias américains. Mais ces piratages ont fait plus qu’exposer des communications privées. Les officiels du renseignements pensent que la Russie essaie de semer le doute sur l’intégrité des élections américaines, une manœuvre particulièrement dangereuse étant donné les déclarations de Trump dans lesquelles il a affirmé que le seul moyen pour lui de perdre en novembre serait des élections "truquées" par le gouvernement ou par des fraudes de la part d’électeurs. "Lors des dernières élections,on entendait pas parler de cyber attaques. Maintenant, elles menacent les fondations mêmes de notre système politique" dit M. Vishwanath. Wikileaks a plongé tête première dans ce nouveau monde bizarre. La semaine dernière, Julian Assange a déclaré qu’il espérait que Wilileaks allait publier des informations nouvelles au cours des dix prochaines semaines, jusque bien après le jour de l'élection présidentielle. Les débats sur la nature de Wikileaks seront éclipsés par les secrets qu’il exposera – au grand dam de l’équipe de campagne de Clinton.

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