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Les causes structurelles du terrorisme « islamique », au risque de surprendre…
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Grand angle

L'Islam n'explique pas tout du terrorisme. D'autres facteurs, comme l'origine ethnique sont au moins aussi importants.

Claude Robert

Claude Robert

Après des études supérieurs d’Arts Appliqués et de Sciences Humaines, un Master et un mémoire de DEA de Marketing et différents postes à responsabilités dans les domaines des études de marché, du marketing et de l’audit opérationnel, Claude Robert est actuellement consultant international en organisation. Il a exercé à ce jour dans près d’une trentaine de pays aux environnements politiques, ethniques et religieux les plus variés.

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La vague terroriste actuelle suscite les hypothèses simplistes les plus diverses. Mais au-delà des polémiques dont nous sommes quotidiennement abreuvés, qu’en est-il réellement ? Ce terrorisme est-il d’origine religieuse ou ethnique ? Est-il typiquement local ou importé de Daesh ? Les auteurs des violences sont-ils des malades mentaux ou des combattants voués à une cause ? Sont-ils des extrémistes parfaitement intégrés ou des marginaux sans formation ni travail ?

Une analyse factuelle du phénomène 

Il suffit d’observer le profil des terroristes qui ont frappé depuis l’affaire Merah (Montauban) pour découvrir d’étonnantes similarités quant à leur parcours personnel. Or, cette façon de procéder apparaît fondamentalement pragmatique : il s’agit de considérer des faits générateurs, concrètement vérifiables, et non pas de tenter une mise en perspective d’ensemble, à posteriori. Car le profil des terroristes est un élément avéré, tangible, indiscutable. Et le considérer devrait être un préalable à toute tentative d’interprétation des actes perpétrés sur le sol français. 

Le tableau ci-dessous mis à jour à juin 2017 (tentative d’attentat aux explosifs sur les Champs Elysées) relate de façon synoptique ces profils. Seuls les actes terroristes significatifs et dont les auteurs ont été clairement identifiés sont pris en compte. Ils sont au nombre de seize :

Devant de telles ressemblances, deux constats s’imposent immédiatement :

-il convient carrément de parler d’un « stéréotype » 

-le phénomène terroriste apparaît dans toute sa complexité. 

Ces terroristes sont en effet tout aussi proches en matière d’origine familiale et sociologique qu’en terme d’ethnie. A l’inverse, quasiment aucun d’entre eux n’était réellement un musulman pratiquant. Tous s’étaient convertis de façon aussi récente que radicale, dans des conditions d’ailleurs très particulières. Ces similarités sont donc troublantes, et permettent de rétablir les contre-vérités suivantes :

-L’Islam n’est pas la seule voire la principale cause

Pour rappel, le plus grand pays musulman de la planète est l’Indonésie et celui-ci ne se caractérise pas spécialement par une acception rigide et violente de l’Islam. Bien au contraire. Il en est de même pour les populations d’autres pays musulmans, comme l’Iran ou la Turquie (indépendamment des propos ou actions de leurs gouvernements respectifs). Il ne faut donc pas céder à l’amalgame. Mais il ne faut pas non plus oublier l’importance de l’Islam dans la trajectoire de ces terroristes : tous ont rencontré des extrémistes religieux (en prison le plus souvent). Ces derniers leur ont servi des discours en forme de justification à leur passage à l’acte. L’endoctrinement religieux, le culte de la violence et de l’anéantissement des populations impies, tout cela est bien évidemment encouragé par une lecture radicale du Coran. 

-Le genre, l’origine ethnique et la structure familiale jouent un rôle essentiel

Ce sont tous des hommes jeunes (19 à 31 ans). Douze d’entre eux (sur 16) sont issus d’importantes fratries (les analyses du Docteur Rik Coolsaet pour The Guardian dans Les Echos du 11/2015 sont confondantes sur le sujet). Et dans la plupart des cas, ils ont été élevés dans une relative absence d’autorité paternelle si ce n’est parentale. Ce sont donc des enfants dont l’éducation s’est avérée partiellement défaillante en ce qui concerne ce processus si exigeant que constitue l’édification du Surmoi du futur adulte apte à la vie dans une société policée comme la nôtre. 

De même que tous proviennent de familles d‘Afrique du Nord, tous étant du Maghreb sauf un, issu d’une famille malienne. L’unicité géographique reste donc particulièrement frappante : Algérie (7), Maroc (6), Tunisie (2) et Mali (1), tous géographiquement voisins de l’hexagone. La coïncidence ethnique ne tient d’ailleurs pas du hasard : ces quatre pays proviennent d’anciennes colonies ou protectorats français. Aucun Egyptien, Iranien, Indonésien (ou même Vietnamien, Espagnol, Italien ou Portugais) n’a encore frappé chez nous. Nombreux parmi ces terroristes, parmi lesquels l’avant dernier (Karim Cheurfi), vouaient une haine sans limite vis-à-vis de la France et des représentants de son autorité. Il subsiste de toute évidence un ressentiment vis-à-vis de l’ex-colonisateur, une sorte d’ambivalence amour/haine qui ne peut qu’aider au passage à l’acte lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies par ailleurs.

-La composante immigration est déterminante mais pas là où on pense

Cette dimension est certes déterminante puisqu’aucun de ces terroristes n’était d’une famille française de longue date. Tous sauf un (le terroriste de Nice, de nationalité tunisienne) étaient issus de la seconde génération de l’immigration, cette génération qui, selon les sociologues, peine encore plus que la première à s’intégrer. Aux difficultés rencontrées par les parents, qu’elle a subies pendant toute son enfance, s’ajoutent en effet les siennes propres à l’école puis à l’entrée dans la vie active. Les parents ont choisi l’immigration, ils ont consacré leur énergie à survivre au changement de contexte culturel et ethnique. Mais les enfants ne sont pas mieux lotis pour autant, comme s’ils reprenaient le processus au stade auquel les parents l’on trouvé lorsqu’ils sont arrivés sur le sol français. 

Néanmoins, cette difficulté relative à l’immigration n’est pas celle que l’on croit : pratiquement tous ces terroristes avaient un métier, une formation (certes limitée, sauf pour le Tunisien) et de quoi vivre ne serait-ce que décemment. Les difficultés de l’intégration sont donc ailleurs, du côté de la possibilité de faire jeu égal avec la population du pays d’accueil, sur fond d’un possible sentiment de rejet ou de désamour de part et d’autre (aspects physiques, accent, activités culturelles, valeurs)… 

Il s’agit certes d’un échec sur le plan de l’intégration, mais celui-ci ne concerne pas directement l’aspect financier. Il se cristallise sur un autre plan, bien plus subtil et prépondérant : celui d’une véritable assimilation. En France, la sélection scolaire puis professionnelle fait apparaître en effet des inégalités criantes entre origines ethniques. Les statistiques sont formelles : ce sont les populations en provenance des pays musulmans, maghrébins ou africains (selon les études) qui affichent les taux de réussite scolaire et professionnel les plus bas (cf.  les travaux confondants de Nicolai Sennels, Atlantico 04/2016 ; l’Ined, Figaro 10/2010; Claudine Attias-Donfut, Figaro 10/2009). Les écarts sont considérables, en ce qui concerne les garçons. Leur taux d’échec scolaire est dramatique, même en comparaison des filles de même origine, et encore plus par rapport aux immigrés d’autres provenances, dont certains font d’ailleurs jeu égal avec les français d’origine très ancienne.

Simplification médiatique et politiquement correct

Ainsi, le passage à l’acte de ces terroristes apparaît multi-causal. Il prend son origine dans la combinaison de plusieurs variables quasiment identiques d’un terroriste à l’autre. Il est évident que de telles similarités ne peuvent être fortuites, purement aléatoires. Elles prouvent au contraire combien c’est l’association de ces variables qui semble détonante, et non pas quelques unes d’entre elles prises séparément. 

Est-ce à cause de cette complexité que le concert médiatique et les polémiques qui parcourent l’hexagone visent à réduire ce terrorisme à des causes simples et parfaitement circonscrites ? Est-ce parce que le travail journalistique de type pédagogique a moins souvent cours de nos jours ? Est-ce parce que les hommes politiques ne se sentent pas eux-mêmes le courage de nommer cette complexité et préfèrent en profiter pour dissimuler leurs propres responsabilités ?  

A contre courant de cette tendance, voici donc un schéma qui résume les différentes causalités directement liées à l’origine du passage à l’acte de ces terroristes : 

Responsabilités hexagonales plus ou moins taboues

A la lecture de ce schéma, force est de constater que dans cette succession d’évènements incontrôlés, évènements dont les conséquences s’accumulent et se potentialisent les unes après les autres, la France possède sa part de responsabilités:

-regroupement familial et immigration peu ou pas du tout sélectifs en provenance d’une Afrique du Nord musulmane dont le ressentiment anti-français est extrêmement puissant et dont la distance culturelle qui la sépare de notre civilisation européenne concerne des dimensions essentielles

-intégration de la première génération d’immigrés souvent laborieuse et qui se réalise inévitablement au préjudice de la qualité de l’éducation des enfants et de leur assimilation dans la société française

-difficultés encore plus grandes pour la seconde génération sur le plan culturel, scolaire et familial, cette génération de jeunes mâles se trouvant souvent en porte à faux vis-à-vis des parents (immigrés volontaires) et vis-à-vis du pays d’accueil dont ils refusent de respecter les lois et les valeurs

-radicalisation islamique et enrôlement particulièrement répandus et efficaces pendant les périodes d’emprisonnement (ce qui est un comble)

-prévention très perfectible, puisque tous ces criminels étaient connus des services de police, huit d’entre eux avaient fait de la prison, et dix étaient fichés, le dernier ayant même pu conserver son autorisation de port d’arme malgré cela !

A moins de changements radicaux, il est évident que le phénomène en question n’est pas prêt de se tarir. Pilonner les positions de Daesh ne semble-t-il pas très éloigné de ce dont l’hexagone aurait immédiatement et durablement besoin ?

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