Ambigu
Les ambiguïtés de la relation Macron Poutine
Les relations qui semblent s’instaurer entre le nouveau président Macron et son homologue Poutine, quoiqu’elles marquent un progrès par rapport au temps de Hollande, restent marquées du sceau de l’ambiguïté.
Roland Hureaux
Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.
Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.
On pouvait craindre le pire : la liste des soutiens de Macron ressemblait furieusement à un comité anti-Poutine ; rien dans les idées du nouveau présidentqui laissâtespérer unchangement par rapport à la ligne Hollande.
Une ouverture aux effets mitigés
L’invitationlancée au président russe à venir célébrer le 300e anniversaire de la visiteà Versailles du tsar Pierre le Grand a été à cetégardune heureuse surprise - dont la genèseexacte reste à éclaircir. Elle a failli être gâchée par l’arrogance du nouveau président français lors l’entretien bilatéral où les leçons de démocratie alternaient, dit-on, avec les accusations touchant les questions de l’Ukraine et de la Syrie. Macron ne semblait pas s’être libéré de la doxa otanienneselon laquelle Poutine est un dictateur et un agresseur et les dirigeants de l’OTAN des démocrates et des défenseurs du droit, un point de vue qui ne tient évidemment pas compte du fait que la grande majorité des violations du droitinternationaldepuis 20 ans ont été commises par l’Occident, ni que la disqualification judicaire de concurrents n’est pas le propre de la Russie.
Mal venue aussi ont paru, lors de la conférence de presse conjointe les critiques de Macron contre les deux médias sous influence russe, RT et Radio-Spoutnik, dont 98% des Français ignoraient l’existence. Ils auraient colporté pendant la campagne des bruits sur son homosexualité…Une rencontre de ce niveau était-elle bien le lieu pour une telle mise en cause ? Gage sans conséquence à la camarilla antirusse qui l’a porté au pouvoir ?
Rappelons aussi que la France participe aux prochaines manœuvres de l’OTAN aux frontières de la Russie ( imaginons que la Russie organise des manœuvres « défensives » au nord du Mexique !) .
Il semble cependant que , malgréces accrocs, les points de vue des partenaires se soient rapprochés. Qu’ils soient tombés d’accord pour dire que leur ennemi commun était le terrorisme islamiste n‘est pas une révolution : tout le monde en convient depuis longtemps même ceux qui le soutiennent en douce. Sur l’Ukraine, chacun reste sur ses positions . Sur la Syrieen revanche, Macronsembleavoirrenoncé à faire du retrait du président Bachar el Assad une condition préalable au retour à la paix. Cette exigence maintenue par Obama et Hollande, et même,par intermittence,par Trump, constituait non seulement une entorse au principe de non – ingérence mais un blocage absolu au processus de paix , les Russes n’étant pas prêts à lâcherAssad, au moins sous la pression occidentale.
Une ligne encore incertaine
Il reste cependant bien des ambiguïtésdans la position de Macron : il vient de s’ associer à Trump pour menacer la Syrie d’une interventionmilitaireen cas de nouvelle utilisation d’armeschimiques. Or les prétendus recours aux armes chimiques par Assad se sont avérés chaque fois des provocationsde ses adversaires destinées à le discréditer. Elles visent aussi à offrir un alibià une interventionmilitaire, destinée à empêcher l’Etat syrien de consolider sa position et donc à faire obstacle au retour de la paix. Il y a tout lieu d’être inquiet de cette déclaration.
Malgré les accrocs qui ont marqué la visite de Poutine à Versailles, les diplomates russes ne tarissent pas d’éloges à l’égard de Macron et considèrentqu’il a réalisé une véritableouverture. Il semble connaître bien mieux l’histoirefranco-russe que ses prédécesseurset ne pas montrer une inféodation aussi puérile que celle de Hollandeaux Américains.
Durant la campagne électorale française, les Russes avaient tout faitpour ne pas avoir l’air de vouloir influencer l’élection, dont leurs observateurs avaient sans doute anticipé le résultat . Rien ne laisse supposer en particulier qu’ils soient derrière la publication des « Macron leaks » , soit de 15 Giga-octets de courriels échangés dans son équipe. Venus le vendrediprécédentle second tour et ne contenant rien de très compromettant, ils ne pouvaient de toutes façons avoir d’impact sur l’élection, tout au plus servir d’avertissement discret.
Il s’en faut en tous les cas de beaucoup que la ligne de Macron à l’égard des problèmes diplomatiques les plus brûlants , en particulier des questions qui touchent la Russie, soit encore claire aux yeux du public et peut-être même dans sa tête.
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