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Les aléas climatiques sur le continent américain peuvent-ils être une chance pour les céréaliers français et européens ?
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Fauché comme les blés

Cette semaine la tonne de blé a atteint 276 euros à Paris, se rapprochant ainsi de son cours le plus haut de l'histoire qui avait été atteint en 2007 (286 euros).

Philippe Chalmin

Philippe Chalmin

Philippe Chalmin est professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine où il dirige le Master Affaires Internationales. Membre du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre, il est le président fondateur de CyclOpe, le principal institut de recherches européen sur les marchés des matières premières.

Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont le récent « Demain, j'ai 60 ans : Journal 2010 - 2011 ».

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Atlantico : Le cours de la tonne de blé mercredi à atteint 276 euros à Paris. En cause : une récolte désastreuse en Europe de l'Est, notamment en Russie, mais surtout en Ukraine (un des plus gros exportateurs). Aujourd'hui, les phénomènes climatiques, peuvent-ils être une chance pour les céréaliers français et plus largement européens ?

Philippe Chalmin : Lorsque l’on parle de changements climatiques, on fait référence à des phénomènes de longues périodes. En réalité, ce que nous avons vécu ces cinq dernières années, ce sont des accidents climatiques majeurs qui ont affecté la production de blé. En 2007/2008, un phénomène climatique a affecté les productions du Sud ; en 2010, la canicule a touché la Russie et cette année, c’est indirectement la sécheresse aux Etats-Unis qui a affecté avant tout le maïs et le soja (ce qui a eu une incidence sur le blé). La sécheresse dans la zone de la Mer Noire a également contribué à la situation que nous connaissons actuellement. Nous sommes dans une logique d’accident climatique. Chaque année nous avons des risques d’accidents climatiques, qu’il s’agisse de mousson ou de gel par exemple. Quand on parle de changement climatique, on parle de phénomènes de longue durée et on fait essentiellement référence au réchauffement des températures.

Dans le cas d’un réchauffement des températures, la question est difficile à trancher. Si effectivement nous avons des augmentations régulières de températures, ceci pourrait avoir des conséquences négatives pour un certain nombre de producteurs, notamment sur les pays marginaux en termes de climat, je pense à l’Australie en particulier, ou aux pays du Maghreb. Néanmoins, cela peut aussi avoir des conséquences positives. Certains producteurs peuvent voir la production de blé remonter plus au nord, en Russie, au Canada.

Avec le réchauffement climatique, vaudrait-il envisager de produire d'autres céréales qui pourraient être cultivées dans des conditions plus chaudes, comme l’orge par exemple ?

Le problème c’est qu’on n’en fera pas le même usage. Le blé est utilisé à la fois pour l’alimentation humaine (le pain, les gâteaux, les pâtes, le blé dur, la semoule, etc…) et l’alimentation animale.  Dans le cas de l’alimentation animale, nous pourrions passer à l’orge sans trop de problème. En réalité, je pense qu’il est un peu excessif de dire aujourd’hui que la situation sur le marché du blé, avec les prix que nous connaissons, est liée aux changements climatiques. Elle est probablement davantage liée au fait que ces 20 dernières années nous avons considérablement délaissé les politiques agricoles. Les faibles prix du blé et des produits agricoles en général ont provoqué une forme de désinvestissement agricole et c’est cela que nous payons. Et le moindre accident climatique a des conséquences très graves.

Selon le coordonnateur du rapport de groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) "Certains aliments ne pourront plus être cultivés là où ils l'ont été pendant des générations". Selon la géographie agricole va-t-elle considérablement modifiée ? 

Il est clair que le réchauffement climatique modifiera la géographique agricole mondiale. Mais il faut dire que la géographie agricole mondiale se modifie en permanence. A priori, ceci ne devrait pas modifier de manière drastique le potentiel de production européen en général, et français en particulier. Je pense qu’il n’y aura pas de modifications radicales en France et que le pays restera sur le long terme un exportateur net important sur le marché mondial. La position européenne se trouverait même renforcée par rapport aux besoins du sud de la Méditerranée. Ce réchauffement profiterait plutôt aux zones nord de l’Europe plutôt qu’au Sud. Mais ces prévisions sont faites en tenant comptes des technologies végétales d’aujourd’hui et non pas de demain.

Nous connaissons actuellement la troisième flambée des prix sur les marchés céréaliers mondiaux en cinq ans. Ce n’est plus uniquement un hasard, c’est parce dans les années 1990 et au début des années 2000, nous avons trop délaissé l’agriculture et nous n’avons pas suffisamment investi dans ce secteur, notamment dans les politiques agricoles des pays en développement. Et il s’agit moins d’un investissement que de la mise en place des politiques de soutien à l’agriculture.

En revanche, d’autres cultures pourraient profiter de ces changements climatiques comme par exemple la banane, le mil, l'igname, les lentilles ou certaines variétés de pois et de haricots. Finalement le changement climatique pourrait-il davantage bénéficier aux pays du Sud ?

Éventuellement oui, mais il ne faut pas se faire d’illusions en la matière parce que certes on peut toujours produire mais il faut aussi consommer, donc il faut analyser la manière dont les modèles de consommation vont évoluer. Je ne sais pas si nous mangerons du manioc à déjeuner ! 

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