Le populisme : une parenthèse éphémère qui remet en cause le conformisme d'une société<!-- --> | Atlantico.fr
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"L’Histoire contemporaine montre à maintes reprises que le populisme, à condition de ne pas faire l’amalgame avec le fascisme, ne se transforme pas en dictature."
"L’Histoire contemporaine montre à maintes reprises que le populisme, à condition de ne pas faire l’amalgame avec le fascisme, ne se transforme pas en dictature."
©Reuters

Bonnes feuilles

La crise révèle les difficultés existentielles des démocraties contemporaines. L'auteur Alexandre Dorna démonte les mécanismes de la fièvre populiste et le processus de contagion de masse. Extrait de "Faut-il avoir peur de l'homme providentiel ?" (2/2).

Alexandre  Dorna

Alexandre Dorna

Alexandre Dorna est un psychosociologue. Il est professeur de psychologie sociale et d'histoire de la psychologie à l'université de Caen. Il a réalisé des recherches sur la communication, l'influence et le discours politique.

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Revenons, une dernière fois, à la perversion de l’utilisation du mot populisme, souvent vidé de contenu et sans histoire. Ses détracteurs fondent leurs critiques sur un danger majeur : la dictature. C’est une image de propagande plus qu’une réalité contingente (c’est là que réside justement sa puissance). Image conditionnée de surcroît, car faire du populisme un épouvantail est une manière soft de se dispenser de penser.

C’est fabriquer un fantôme pour mieux faire peur. Tout ce que disent ses détracteurs est-il faux ? Certainement pas. Mais leurs analyses non seulement excluent les causes et déforment les faits, mais également se dispensent de l’examen des conséquences. En revanche, l’analyse lucide du populisme esquisse la thèse d’un déblocage des situations de crise par des doses raisonnables de populisme. La condition idéale étant le respect du cadre démocratique et de l’esprit républicain. Car, à y réfléchir, le péril est à la fois éphémère et plus fantasmatique que réel. La condition idéologique est de ne pas confondre populisme et fascisme. Cela demande plus de connaissances et moins d’intentions cachées ou de préjugés idéologiques.

La présence et les issues du populisme

L’Histoire contemporaine montre à maintes reprises que le populisme, à condition de ne pas faire l’amalgame avec le fascisme, ne se transforme pas en dictature. Et le populisme reste, à notre sens, soit une exigence de sursaut démocratique, soit un ressourcement populaire en l’absence d’un projet collectif.

Pour illustrer ces propos, le tableau suivant montre de façon synthétique l’avant et l’après d’expériences populistes devenues classiques : en Russie, aux États- Unis et en Argentine. Il serait trop long quoique nécessaire d’évoquer ici toutes les expériences populistes de l’Histoire contemporaine.

La conclusion est évidente: le populisme n’est qu’une parenthèse entre deux périodes politiques dans l’évolution d’un processus historique à long terme. Aussi, nous pouvons retrouver la même configuration dans les divers exemples du populisme français :

Ces deux tableaux restituent, dans une certaine mesure, la signification politique des épisodes populistes. C’est la confirmation du caractère assez éphémère du populisme. Car il n’est plus que le symptôme visible d’un dysfonctionnement de la société et de son régime politique à un moment de son évolution. Voilà pourquoi certains auteurs pensent que le populisme est un mode de transition démocratique. En fait, le populisme faciliterait la remise en cause du statu quo et du conformisme afin de négocier la sortie de crise et retrouver un nouvel équilibre social et politique. Certes, d’autres – moins optimistes – voudront y voir une dictature ouverte ou déguisée. C’est le dilemme qui hante encore la gauche politique, tandis que la droite, plus maligne, s’en accommode, parfois avec désinvolture.

Par-delà la thèse du déblocage d’une situation de crise via une expérience populiste, force est de constater que le populisme se développe lorsque la démocratie s’effrite. Les faits historiques s’accumulent pour reconnaître à l’oeil nu qu’un déficit ou un dysfonctionnement des institutions républicaines se solde par une série de contestations muettes et de révoltes qui peuvent aboutir à l’installation d’un gouvernement à coloration populiste. Il y a donc besoin d’une appréhension de l’essentiel afin d’éviter le pire, dans les cas où ce type d’expérience risque de provoquer une division brutale de la société sous la forme d’une guerre civile.

Le populisme est un processus d’usure des élites devenues inaptes et trop empêtrées dans une reproduction oligarchique. Par une gestion purement technicienne, où la corruption de l’âme et l’avilissement des pratiques institutionnelles épousent la perte du sens et du bien communs, la démocratie s’étrangle.

Extrait de "Faut-il avoir peur de l'homme providentiel ?", Alexandre Dorna, (éditions Bréal), 2013. Pour acheter ce libre, cliquez sur ce lien.

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