Le match Ritz, Plaza Athénée contre Shangri-la, Raffles : pourquoi les "vieux palaces" sont en souffrance face à la nouvelle concurrence<!-- --> | Atlantico.fr
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Un palace hotel du Ritz.
Un palace hotel du Ritz.
©Reuters

Cinq étoiles

Alors que les hôtels de luxe ouverts depuis peu à Paris affichent des taux d'occupation records, les anciens palaces ferment leurs portes pour une nécessaire rénovation complète.

Quentin Desurmont

Quentin Desurmont

Président fondateur de Peplum, créateur de voyages sur-mesure de luxe, Quentin Desurmont agit activement pour l’entreprenariat. Il a fait partie de la délégation du G20 YES à Moscou en 2013 et  à Mexico en 2012, est membre de Croissance + et des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens. Quentin contribue aussi à l’émergence du tourisme de luxe en Europe, il est membre de Traveller Made.

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Atlantico : Mandarin Oriental, Shangri-La, Royal Monceau... Ces palaces asiatiques (Royal Monceau est géré par Raffles Fairmont qui est détenu par un groupe du Qatar), ouverts depuis peu à Paris, affichent des taux d'occupation records. Comment expliquer le succès de ces nouveaux fleurons de l'hôtellerie ? Bénéficient-ils de la fermeture temporaire pour rénovation complète des hôtels de luxe établis de longue date (Ritz, Crillon, Plaza Athénée) ?

Quentin Desurmont : Contrairement à ce qu’on pense, ce ne sont pas les nouveaux palaces qui raflent la mise mais les palaces tenus à neuf. A ce niveau de qualité, un hôtel fréquenté par les plus grandes fortunes de ce monde se doit d’être à la pointe du raffinement. Si les grands hôtels parisiens ont toujours affiché des niveaux de service parmi les meilleurs au monde - ils ont d’ailleurs été régulièrement récompensés par les classements internationaux - certains palaces ont mieux réussi que d’autres à gérer leur rénovation. Un des plus beaux hôtels au monde tel que le Crillon a souffert ces dernières années, pour des raisons principalement financière, de manque d’investissement. Au prix de la suite, la décoration, la propreté et la fraicheur ne souffrent pas le commencement d’une trace de médiocrité.

Dans ce panel de palaces (au sens non-officiel, car palace est un classement d’hôtellerie décerné par Atout France), on distingue deux catégories :

- les nouveaux : Mandarin Oriental, Shangri-La, Park Hyatt et le Fouquet’s (le Peninsula à venir) ;

- et les légendes : Crillon, Ritz, Bristol, Meurice, George V, Royal Monceau, Plaza Athénée et le Prince de Galles. Le Bristol a savamment orchestré son agrandissement et sa rénovation de manière progressive et efficace sans fermer, le Prince de Galles vient de rouvrir ses portes, tout neuf, le George V a su gérer sa mise à niveau, le Meurice a déjà subi sa remise à neuf et le Royal Monceau a été fermé pendant plusieurs année pour restauration. Alors forcément les Crillon, Ritz et Plaza Athénée ont enfin besoin de leur "make-up". A part ces trois derniers (et encore, le Plaza n’a souffert d’aucune baisse de remplissage), tous les hôtels bien tenus, et entretenus ont gardé des taux de remplissage extraordinaires.

Si la nouveauté attire, elle inquiète aussi une certaine clientèle traditionnelle aux goûts stables. Enfin, il faut aussi préciser que tous les nouveaux palaces ne sont pas nécessairement capables d’assurer un service parfait avant une ou deux années d’opération. Les clients le savent et préfèrent parfois attendre un peu.

Ce qui est plus étonnant c’est l’augmentation de la capacité de chambres et suites de catégorie palace. Et si il y a en ce moment des fermetures pour compenser les ouvertures, on peut se demander légitimement si les taux de remplissages seront aussi élevés quand Crillon, Ritz et Plaza rouvriront après que le Peninsula ait ouvert ses portes.

La France est la première destination touristique au monde et certainement les millionnaires et milliardaires (une population en augmentation partout dans le monde) suivent cette tendance touristique avec des motivations supplémentaires telles que fashion weeks et ventes aux enchères pour ne pas citer l’attrait naturel de Paris et de toutes ses facettes de la culture du luxe : gastronomie,  œnologie, joaillerie, maroquinerie, patrimoine, raffinement et bien sûr mode et arts.

Il faut juste espérer que les réminiscences de communisme et de lutte des classes omniprésentes dans ce pays ne finissent pas par faire fuir ces fortunes étrangères, car sous l’ombre de cette industrie du tourisme de luxe il y des milliers d’employés des plus épanouis.

Les prix proposés par ces nouveaux palaces sont-ils plus attractifs ?

Non, l’enjeu de ces palaces, nouveaux, neufs ou ancien, n’est pas le prix mais l’offre de la valeur la plus extraordinaire puis la capture de valeur auprès des clients. D’ailleurs, ce sont souvent les suites les plus chères qui se remplissent le mieux et pas forcément les chambres. Donc les prix sont très alignés à valeur comparable. Concernant l’offre de valeur, chacun sait comment s’y prendre avec ses recettes. En ce qui concerne la capture de valeur, il s’agit donc d’assurer un remplissage au-dessus du taux de break-even (niveau d'activité minimum à partir duquel l'activité d'une entreprise devient rentable, ndlr). Car l’hôtellerie est un métier de coûts fixes : dès qu’on dépasse le break-even, il n’y a que des frais variables et donc la marge nette grossit vite et celle-ci doit venir rémunérer l’investissement immobilier colossal.

Dans un article du Figaro (cliquer ici), André Devillers, directeur marketing du Mandarin Oriental, affirme que ces nouveaux hôtels de luxe ont réussi à "se démarquer sans être extravagants". "Le niveau de service exceptionnel est là, mais avec un côté moins formel que par le passé", dit-il. Concrètement, quelles(s) différence(s) entre les palaces récents et les palaces centenaires ?

Oui, on remarque de plus en plus de différences entre les palaces. Et même si on vient à Paris pour du classique français, ce qui est vrai partout sauf au Royal Monceau, au Park Hyatt, au Fouquet’s et au Mandarin Oriental qui sont très modernes tout en ayant leur propre positionnement remarquable, chacun apporte sa touche. Par exemple on dit qu’on va au Bristol pour "voir sans être vu" et au Plaza Athénée pour "voir et être vu" (deux approches différentes pour deux clientèles peut-être opposées). Le Shangri-La est très classique, décentré, avec une touche asiatique très raffinée et un service réputé. Le Prince de Galles est très Art déco. Le George V et le Meurice sont très classiques cosy. Cette course au positionnement est très intelligente car chacun se démarque et attire une clientèle particulière ou une clientèle pour une occasion particulière.

La clientèle est-elle différente entre les nouveaux et les anciens établissements ? Les très riches des pays émergents (Chine, Brésil, Russie etc.) "boostent-ils" les réservations des palaces ouverts depuis peu ? Ces nouveaux hôtels de luxe ont-il su s'adapter à une nouvelle clientèle, ou bien la clientèle "traditionnelle" s'est-elle lassée des établissements type Ritz ?

Je ne pense pas qu’il y ait de lassitude envers la marque, mais seulement envers une décoration et un service en perte de vitesse. Quand le Crillon et le Ritz vont rouvrir, je parie sur un raz-de-marée de réservations car ce seront de vrais événements. Bien sûr, les positionnements de chaque hôtel attirent certains types de clientèles. Je pense qu’on va plus facilement au Royal Monceau ou au Park Hyatt quand on est jeune, riche, branché et célèbre par exemple. Ensuite, il faut savoir que ces palaces ne dorment pas sur leur image. Leurs équipes de ventes et marketing sont des machines de guerres à conquérir les nouveaux marchés : propriétaires d’entreprises, financiers, célébrités, footballeurs, Brésiliens, Russes, anciens riches, nouveaux riches… avec le souci permanent d’équilibrer les nationalités et les genres pour ne pas souffrir d’une image trop de ceci ou trop de cela qui pourrait à terme ternir l’image de la marque. Seule ombre au tableau : où sont les milliardaires chinois que tout le monde annonce ?

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