Le gouvernement s’enfonce dans le piège de sa stratégie sanitaire : comment en sortir sans plomber la vaccination ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une femme se fait vacciner contre la Covid-19.
Une femme se fait vacciner contre la Covid-19.
©jody amiet / AFP

Efficacité des vaccins contre la Covid-19

Le gouvernement français a basé sa stratégie contre la Covid-19 sur la vaccination et la mise en place du pass sanitaire. Andrew Pollard, directeur de l'Oxford Vaccine Group, a pourtant estimé que "l'immunité collective est un mythe, elle n'est pas atteignable". Une nouvelle étude montre une réduction de l’efficacité des vaccins dans le temps. Sur le plan politique, comment est-il possible de reconnaître que le vaccin n’est pas l’arme absolue sans nourrir les discours antivax ?

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave est Biologiste médical, ancien Assistant Hospitalo-Universitaire en microbiologie et ancien Assistant Spécialiste en immunologie. 

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Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico : Le gouvernement français a misé sur la vaccination pour sortir de la crise sanitaire, pourtant Andrew Pollard, spécialiste anglais de la vaccination a estimé que : "L'immunité collective est un mythe, elle n'est pas atteignable". Une étude, actuellement en pre-print semble montrer une réduction de l’efficacité des vaccins dans le temps. Comment appréhender ces limites du tout vaccinal ?

Jérôme Marty : Les résultats ne sont pas très stabilisés. Ce qu’on sait c’est que la vaccination fonctionne. Dans les hôpitaux français, il n’y a quasiment pas de personnes âgées alors que c’est celles qui l’étaient le plus. Ce sont principalement des gens de 40 à 60 ans ainsi que quelques jeunes, sans forcément de comorbidités. C’est essentiellement la population qui n’a pas été vaccinée. Au CHU de Toulouse, c’est 100 % des cas actuellement. Donc la vaccination fonctionne.

A côté de cela, le vaccin n’est effectivement pas l’Alpha et l’Omega. Il ne peut pas marcher seul et ça fait longtemps qu’on le dit. Tous les lieux de forte interaction sociale, en particulier à l’intérieur, sont des foyers de contamination. Avec le variant Delta qui est extrêmement contagieux, il peut aussi y avoir des contaminations de groupe à l’extérieur. Donc il faut être très vigilant sur les comportements et les gestes barrières. Il faut réinsister sur les masques et préparer les lieux clos sur le plan de l’aération. On a très peu d'éléments pour les écoles alors qu’il nous faudrait un calendrier semaine par semaine. On va nous redire qu’il n’y a pas de contaminations à l’école ou dans les transports, c’est stupide et ça donne des arguments aux anti. Le monde entier a reconnu que c’était une contamination par aérosol, par respirations et microgouttelettes donc il ne faut pas nier les risques. 

Mais je crois que tant qu’on laissera le champ, sans les contrer de façon officielle et nommément, aux antivax, en particulier les clientélistes politiques, on n’y arrivera pas. On laisse du champ à Philippot, on accepte qu’il soit invité sur les plateaux alors qu’il y a une loi anti-fake news qu’on n’utilise pas. C’est à cause de cela qu’on prend du retard. Ils ont des gros comptes Twitter, sont entourés par une galaxie de personnes : Wonner, Henrion-Caude, Fouché, etc. Il ne faut pas les censurer mais il faut leur répondre point par point en démontant leur rhétorique. Et on ne le fait pas. Nous médecins le faisons, mais c’est épuisant et ce n’est pas notre rôle. C’est aux politiques de faire ça. Nous sommes face à un problème qui demanderait l’Union nationale. On a deux territoires ultra-marins qui connaissent une situation inédite depuis le début de la pandémie et on ne les considère pas. Il faudrait que toute la classe politique appelle à l’aide.

En Israël, les cas repartent à la hausse malgré une forte vaccination, comment l’expliquer ?

Jérôme Marty : Même avec 100 % de la population vaccinée, il y aura des cas qui repartent à la hausse parmi les vaccinés. Le vaccin est efficace environ à 90%. Et 5 à 10 % pour lequel il n’est pas efficace, ça fait du monde. La première vague a fait 35.000 morts, saturant nos hôpitaux notamment en Ile-de-France et dans le Grand-Est. L’ensemble de la vague n’a touché que 2% de la population. Aujourd’hui un creuset de 18 à 20 % de non vaccinés persiste, ce qui pourrait largement saturer les hôpitaux.

Comment fait-on sur le plan politique pour faire reconnaitre que le vaccin n’est pas l’arme absolue sans nourrir les discours antivax ?

Jérôme Marty : Déjà, il faut arrêter de dire tout et son contraire d’un jour à l’autre. On nous a dit il y a quinze jours que les gens qui rentreront avec un pass sanitaire pourront enlever le masque. Il y a eu une levée de bouclier pour dire que c’était une folie puisque les vaccinés pouvaient être porteurs de la maladie. Et il y a eu rétropédalage. Cela donne l’impression qu’ils sont toujours dans l’à peu près, 18 mois après.

Le virus ne fait pas de politique mais on laisse le champ à des gens qui politisent le sanitaire et en tirent profit. Ne pas se faire vacciner, ne pas porter le masque, refuser le pass sanitaire, c’est un acte politique. Avec l’union nationale on obtient l’écoute des Français.

Il faut aussi être clair sur les chiffres, sur comment fonctionnent les effets secondaires, ce qu’est la pharmacovigilance, etc. Il faut expliquer clairement pourquoi on voit des contaminations dans les pays qui ont beaucoup vacciné. Cela permet de ne pas laisser le champ aux antivax. Cela signifie savoir expliquer les décès post-vaccinaux, la différence entre corrélation et causalité, etc. Il faut faire des vrais spots de santé publique, répondre à toutes les FAQ, mêmes les plus bêtes. Si cela était fait il y aurait moins de doute chez les gens.

Claude-Alexandre Gustave : Ceux qui prétendent que "les vaccins ont échoué car ils ne protègent pas contre l'infection", et ceux qui pensent qu'un le vaccin peut empêcher l'infection par un virus respiratoire, ont autant tort les uns que les autres !

Depuis le début des essais cliniques, une des questions obsédantes autour de la vaccination est :

"Le vaccin prévient-il l'infection ?"

Deux illustrations pour comprendre la différence entre vaccin "anti-infection" et un vaccin "anti-sévérité" :

Si on regarde les données épidémiologiques aux États-Unis ou en Israël, on trouve des éléments de réponse. Ces deux pays diffèrent :

  • Par les vaccins utilisés. En Israël, Pfizer quasi exclusivement. Aux États-Unis Pfizer et Moderna majoritairement
  • Et par leur stratégie de dépistage :

En Israël le testing est en très forte augmentation.  Aux États-Unis on observe une baisse des dépistages.

Les données sur les cas DÉTECTÉS et les hospitalisations/réanimations/décès de ces deux pays montrent alors pourquoi il est important de comprendre que la vaccination n'empêche pas d'être infecté mais qu'au contraire elle protège excellement contre la sévérité des infections !

En Israël, le ratio observé entre les hospitalisations/réanimations/décès et cas DÉTECTÉS est actuellement de :

Cas/hospitalisations = 6,1

Cas/réanimations = 45,6

Cas/décès = 364

Source : https://ourworldindata.org/coronavirus

Si on compare à la dernière date où il y avait autant d'hospitalisations/réanimations/décès en phase épidémique ascendante, on trouve des ratios qui étaient à :

Cas/hospitalisations = 1,5 (30/11/2020)

Cas/réanimations = 10,5 (01/12/2020)

Cas/décès = 153,4 (11/12/2020)

En se basant sur les cas DÉTECTÉS, l'efficacité vaccinale "APPARENTE" réduit :

Les hospitalisations x4 (-75%)

Les formes graves (réa) x4,3 (-76,7%)

Les décès x2,4 (-58,3%)

Cette efficacité "apparente" est inférieure à l'efficacité réelle : https://gov.il/BlobFolder/reports/vaccine-efficacy-safety-follow-up-committee/he/files_publications_corona_two-dose-vaccination-data.pdf

Pourquoi ?

Tout simplement parce qu'il y a en réalité beaucoup plus d'infections qu'on en détecte !

On "rate" de nombreuses infections asymptomatiques, notamment chez les vaccinés chez qui le pourcentage d'infections asymptomatiques est supérieur par rapport aux non-vaccinés...

Ainsi, en se basant sur les seules infections "DÉTECTÉES", on a l'illusion que la baisse des hospitalisations/réanimations/décès est moins intense qu'attendue. Pourtant, cette efficacité contre la sévérité est bien là, et majeure !

Pour s'en convaincre, rien de mieux que les données hospitalières...

Alors qu’en Israël la population est massivement vaccinée, on constate une nette "domination" des non-vaccinés dans les services de soins critiques, avec même pour les plus de 60 ans, vaccinés à plus de 90%, un taux d'admission 10x moins élevé que pour les non vaccinés.

Ceci suggère que le fonctionnement du vaccin n'est pas une baisse des infections (portage viral) mais bien une baisse de la sévérité des infections.

Cela s'appelle un "leaky vaccine" (écrasante majorité de tous les vaccins à ce jour), mais pas moins efficace pour autant !

Les données des États-Unis sont celles qui suggèrent le plus ce mécanisme et le peu ou pas d'efficacité contre l'infection. Le testing y est bas. Le CDC a exclu les vaccinés du contact tracing et recommandé de ne plus les dépister (hors hospitalisations).  https://cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/php/contact-tracing/vaccine-support.html

Si on refait les comparaisons entre cas DÉTECTÉS et hospitalisations/réanimations/décès, on constate actuellement des ratios à :

Cas/hospitalisations = 1,8

Cas/réanimations = 7

Cas/décès = 217,5

Source : https://t.co/pjbUvXH6Zo?amp=1

Si on compare à la dernière date où il y avait autant d'hospitalisations/réanimations/décès en phase épidémique ascendante, on trouve des ratios qui étaient à :

Cas/hospitalisations = 2 (10/11/2020)

Cas/réanimations = 8,6 (12/11/2020)

Cas/décès = 66 (07/10/2020)

Source : https://ourworldindata.org/coronavirus

En se basant sur les cas DÉTECTÉS, l'efficacité vaccinale "APPARENTE" réduit :

Les hospitalisations x1,1 (-9,9%)

Les formes graves (réa) x1,2 (-16,7%)

Les décès x3,3 (-69%)

Très inférieure à l'efficacité vaccinale issue des données hospitalières, car la circulation virale est très fortement SOUS-estimée.

Il est donc important de comprendre qu'un vaccin ne peut pas protéger contre l'infection face à un virus qui se réplique très fortement dans les voies aériennes supérieures (nez, gorge...).

Sinon :

A) on abandonne à tort les mesures barrières

B) on sous-estime très fortement son efficacité

Ce point a déjà été mis en évidence via les données israéliennes couvrant la période de janvier à juin 2021, et montrant une baisse apparente de l'efficacité contre L'INFECTION, sans perte de protection contre les COVID SÉVÈRES ! https://gov.il/BlobFolder/reports/vaccine-efficacy-safety-follow-up-committee/he/files_publications_corona_two-dose-vaccination-data.pdf

Initialement, l'efficacité vaccinale contre les symptômes est extrêmement élevée (~80%), les vaccinés, mêmes infectés, ne développent quasiment plus jamais de "maladie" et ne se font alors plus dépister... On a alors l'illusion que le virus ne circule plus chez eux...

Avec le temps, cette protection contre les symptômes s'étiole. En cas d'infection, les vaccinés refont alors plus souvent une "maladie", et se refont alors tester plus souvent. On a alors l'illusion que le virus recircule chez eux ! D'où le parallèle des deux graphes :

Pour comprendre pourquoi cela suggère l'absence d'efficacité contre l'infection, il faut aussi s'intéresser à la source de cette protection !

Elle dépend principalement des anticorps neutralisants (nAbs) induits par la vaccination et dirigés contre Spike.

Ils empêchent le virus d'entrer dans nos cellules et limitent donc l'invasion virale, diminue sa réplication, et accélèrent son élimination.

Leur concentration/activité dans notre organisme est directement corrélée à l'efficacité vaccinale.

Peu ou pas présent au niveau ORL après le vaccin, ils circulent dans notre organisme. Quand ils diminuent au cours du temps, on perd alors la première ligne de défense induite par vaccin.

Ne reste alors que la seconde ligne, l’immunité cellulaire (Ly T CD8+) capables de détruire les cellules infectées.

L'efficacité de cette seconde ligne diminue avec l'âge et les comorbidités, ce qui laisse à nouveau les plus vulnérables face à un risque de COVID sévère. Ce phénomène est observé en Israël, où la baisse de protection dépend de l'âge et des comorbidités : https://jpost.com/health-science/unvaccinated-covid-patients-likelier-to-have-serious-condition-ministry-674870

Quand les nAbs s'affaissent, ne restent que les Ly T CD8+ dont l'efficacité pour contrôler l'infection n'est suffisante que chez les plus jeunes et bien portants (permettant une clairance virale sans destruction tissulaire/inflammation+++)

https://nature.com/articles/s41467-021-24938-4

Au bilan :

A) Non, les vaccins n'ont pas échoué, ils protègent contre la sévérité des infections = MISSION ACCOMPLIE

B) Les mesures barrières restent nécessaires pour lutter contre la circulation virale (et son évolution)

C) 3ème dose prioritaire pour les plus vulnérables

Pour retrouver le Thread de Claude-Alexandre Gustave, cliquez ICI

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