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Le gouvernement élabore un budget 100% taillé année électorale de nature à priver les frondeurs de toute raison de fronder
©DR

Atlantico Business

Avec le budget 2017 tel qu'il vient d'être présenté, les frondeurs n'ont plus de raisons de fronder et l'ensemble de la gauche va pouvoir voter Hollande. En théorie. Tout va bien. C'est magnifique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Michel Sapin qui vient de présenter le cadrage macroéconomique du prochain budget a beaucoup de mérite. Il lui fallait présenter un plan de la charpente de loi de finances alors que la maison prend déjà l'eau de toute part, que la météo est beaucoup moins bonne que prévue, que la majorité des habitants l'ont déjà quittée et n'en veulent pas. 

Michel Sapin a réussi ce tour de force sans trop mentir et au seul profit de son ami François Hollande, en difficulté. Michel Sapin restera dans l'histoire de la politique contemporaine comme un modèle de "loyauté et de fidélité". 

Il a donc présenté un projet de budget 2017 qui est, lui, un modèle de précision politique. Jamais une loi de finances n'aura été réglée aussi précisément pour répondre à une demande politique de la gauche, étouffer tous ceux qui, au sein de la majorité, en voulaient à François Hollande. Et selon l'expression célèbre de Valery Giscard d'Estaing, "jeter la rancune à la rivière". 

Alors, il est peu probable que ce budget ait un effet sur la situation économique, il est d'ailleurs peu probable qu'il soit appliqué. Ça n'est évidemment pas un budget qui prend en compte les intérêts supérieurs de la France sur le long terme. 

Ce budget 2017 montre que le quinquennat de François Hollande va s'achever dans une situation budgétaire plus détériorée qu'au départ. 

  • Le taux de prélèvement obligatoire ne s'est pas allégé, 45,5 %. On est deux points au-dessus de 2011 puisqu'à l'époque la pression fiscale était de 42 ,6%. 

  • Le déficit budgétaire n'est pas tombé en dessous des 3% contrairement à ce qu'on avait promis. Pour l'année prochaine, le budget table sur 2,8% mais rien dans la mécanique ne permet de l'attester. Sauf que pour limiter les dégâts cette année, le gouvernement va puiser dans les trésoreries d'entreprise pour anticiper la collecte des recettes fiscales. 

  • L'endettement public est de plus en plus lourd et tangente les 100% du PIB. On tient grâce à la baisse des taux d'intérêt. La charge financière a donc baissé.

Quant à la situation économique, elle est toujours aussi fragile.

  • La croissance est prévue à 1,5% et non pas à 1,7%

  • L'emploi ne s'est pas redressé

  • Le commerce extérieur est de de plus en plus déficitaire, preuve que l'offre industrielle de la France n'est pas au niveau de compétitivité 

Donc ce nouveau budget ne permet pas de renverser la table mais peu importe, ce n'est pas le sujet. Il fallait que ce budget ne puisse pas être utilisé par les membres de la famille de gauche pour contester une fois de plus à son chef sa liberté de se représenter à la présidentielle. Il fallait aussi qu'il ne donne pas de prise à la critique de droite, parce qu'à droite il y a des centristes et que les centristes ça peut être utile. 

Michel Sapin a réussi ce tour de force. Bravo l'artiste ! 

Le résultat est parfait. La loi de finances cible tous les foyers de grogne et de rogne. 

  • L'impôt sur le revenu baissera pour les classes moyennes, celles qui ont été matraquées au début du quinquennat, soit 5 millions de foyers qui verront leur impôt baisser de 200 euros au minimum.

  • Les petites et moyennes entreprises vont bénéficier d'un abaissement de l'impôt sur les sociétés. 

  • Les petits entrepreneurs-investisseurs seront chouchoutés dès qu'ils investiront leurs économies dans l'entreprise. Les petites surtout. Celles à qui on avait dit que l'ennemi c'est la bourse et la finance.

  • Les jeunes, étudiants ou pas, recevront "la garantie jeune", un revenu universel mensuel jusqu'à 26 ans en attendant le RSA. 

  • Les médecins vont voir une revalorisation de leur consultation. 

  • Les agriculteurs ont gagné quelques subventions et prestations. 

  • Les fonctionnaires vont bénéficier, enfin, d'une revalorisation du point de rémunération, ils forment le gros des troupes qui avaient voté pour François Hollande et qui l'accusent d'avoir cédé aux sirènes de la politique d'austérité, laquelle passe par des coupes sombres dans la fonction publique. Donc sur ce point, le gouvernement se calme. 

  • Toujours coté fonction publique, on renforce l'éducation nationale puisque les fonctionnaires de l'école et des lycées et collèges vont être augmentés en 2017 et 2018. 

  • On renforce également les moyens d'assurer la sécurité. Outre le fait que les personnels de l'éducation nationale sont le cœur de l'électorat, on tente de rassurer les familles sur l'avenir de l'école et sur la lutte contre le terrorisme. 

  • Les retraités (qui sont nombreux à voter) vont eux aussi bénéficier d'un petit coup de pouce.

  • Enfin, les maires et les conseillers généraux qui sont vent debout contre l'augmentation des impôts et des taxes locales vont pouvoir annoncer à leur population que les taxes foncières ne vont pas augmenter, le gouvernement abandonne son projet. Ça ne passait pas. Les élus ne vont pas tous rentrer dans le rang, mais la plupart vont pouvoir le faire, d'autant que derrière la présidentielle il y a des législatives puis plus tard des municipales, et qu'il leur faut une investiture. On se doutait bien que le fossé creusé entre les élites de Paris et le parti devait se combler d'une façon ou d'un autre. 

Alors, mis bout à bout, tout cela donne un budget qui a beaucoup de mal à rentrer dans les clous, mais on le fera rentrer au forceps, il le faut. D'autant que la croissance à 1,7% ne sera pas au rendez-vous. On se contentera donc de 1,5% ce qui correspond au ralentissement annoncé par tous les instituts de conjoncture et par toutes les organisations internationales. 

Pour le reste, tous ceux qui pensent que la loi de finances est le meilleur outil pour façonner un modèle économique de reprise en seront pour leur frais. Tous ceux qui attendent d'une élection présidentielle un vrai projet d'avenir qui fasse non seulement rêver mais qui soit cohérent ; tous ceux qui espèrent qu'on va assumer positivement les grands défis de la mondialisation ou du progrès technologique, tous ceux-là vont encore attendre. 

Le budget n'a jamais été aussi politique que celui qui vient d'être présenté. Il ne provoquera aucun débat, aucune polémique au sein de la gauche. Même Jean-Luc Mélenchon aura surement du mal à le critiquer. De toute façon pour lui, le débat est ailleurs.

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