Le coup de poker de Copé : si près du microcosme, si loin des Français, que peut-il y gagner ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-François Copé a joué un coup de poker.
Jean-François Copé a joué un coup de poker.
©Reuters

Quitte ou double

Jean-François Copé a prononcé en urgence une déclaration publique solennelle, se défendant contre les accusations de favoritisme qui pèsent sur lui. Il s'engage à "mettre à disposition" la comptabilité de l'UMP si les autres partis en font autant. Pas sûr cela dit que le fait de dénoncer une campagne calomnieuse soit un bon choix stratégique.

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.

Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).

Le journalisme, Arnaud Mercier

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Atlantico : Jean-François Copé a déclaré au cours de son allocution de ce lundi au siège de l'UMP : "Je fais l'objet d'une campagne de presse agressive, haineuse. L'UMP fait l'objet d'attaques incessantes. […] Ma personne et mes proches sont victimes d'une véritable chasse à l'homme." A-t-il raison lorsqu'il dit que la presse lui réserve un traitement particulièrement dur ? Pourquoi ?

Arnaud Mercier : Jean-François Copé représente un petit peu le paradoxe de l'œuf et la poule c’est-à-dire qu'il a poussé plus loin que Nicolas Sarkozy a une époque la thèse selon laquelle il fallait pour se montrer proche des réalités du peuple et notamment proche de ses électeurs et sympathisants militants savoir dénoncer la presse. Il a opté depuis un bon moment déjà pour une posture qui consiste à critiquer les journalises devant eux sur le mode "il y a un biais de gauche chez les journalistes", "les journalistes sont des bobos, ils sont déconnectés des réalités du peuple", etc. Il a toute une rhétorique à laquelle est sensible une partie des électeurs de droite,chez les militants et les sympathisants de l'UMP – et du Front National soit dit en passant – qui consiste à adopter une posture assez rentre dedans vis-à-vis des journalistes.Il ne faut donc pas s'étonner qu'il prenne un retour de flamme.

Il a pris des positions et un style politique très clivant – en s'inspirant de Nicolas Sarkozy, ce qui fait qu'il est loin d'être populaire chez les Français. Ça explique qu'il soit la tête de turc évidente de la part de la presse de gauche, comme Médiapart. Ils ne lui font aucun cadeau, c'est certain. Pour Le Point, c'est beaucoup plus compliqué puisque le journal n'est pas réputé pour être le plus radicalement opposé à l'UMP. La question qui se pose est donc jusqu'où certaines informations qui sont diffusées proviennent de l'intérieur même de l'UMP ? Ça ressemble à une réplique médiatique des chahutes qui avaient eu lieu au moment de l'élection du président de l'UMP. Il est passé pour un tricheur, une sorte de Rastignac, prêt à tout pour avoir le job. A tort ou à raison d'ailleurs mais c'est une étiquette qui va lui coller à la peau. Pour beaucoup, il ne mérite pas le respect. Sa mauvaise réputation sans doute autorise des gens dans l'opinion et certains journalistes à prendre moins de gants avec lui qu'avec d'autres. C'est tout sauf un grand complot de vilains journalistes qui s'en prennent à Jean-François Copé, c'est beaucoup plus compliqué que ce qu'il veut bien raconter.

Plusieurs articles traitent des faiblesses de Copé, citant notamment l'affaire du pain au chocolat, sa prise de position sur le débat autour de la théorie du genre, sa sortie sur le livre "Tous à poil", etc. S'agit-il objectivement de faiblesses ? Qu'en pensent son électorat et l'opinion publique en général ?

Jean-François Copé a fait un pari : prendre à la hussarde l'UMP par les militants sur la base d'une position assez dure. Cette position plait évidemment aux militants et proches sympathisants. Sauf que ce qu'il gagne d'un côté il le perd de l'autre. Il s'y est pris d'une telle manière qu'il devait bien savoir qu'il prenait un risque énorme. Il n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, il y est allé franco pour servir ce que les gens avaient envie d'entendre, y compris parfois des âneries. Il re-véhicule des rumeurs d'internet, il parle d'un livre sans, sans doute, l'avoir lu, etc. Les Guignols le chargent en conséquence. Il a prêté le flanc à la critique puisque son pari politique était de prendre l'appareil du parti d'abord quitte à dans un deuxième temps à travailler son image et sa posture.

Pour l'instant, il n'arrive pas à se dépêtrer de son image et il reçoit des critiques de la part de son propre camp. Il y a fort à parier que ça ne soit pas des élus socialistes qui ont balancé sur la campagne de Jean-François Copé et qui ont informé Le Point mais des gens dans "l'entourage de" qui règlent des comptes, ces comptes étant internes à l'UMP.

Le secrétaire général de l'UMP compte déposer une proposition de loi demandant "à chaque parti ayant des représentants nationaux ouvrant droit à un financement public de mettre à la disposition de ceux qui le souhaitent les documents comptables de leurs partis, et ce depuis 2007". Cette annonce répond-elle à une réelle attente des Français ? Faut-il y voir un coup de poker ?

Oui, bien sûr que c'est un coup de poker mais qui repose sur du bluff. L'idée est qu'on parle du financement pendant la campagne électorale. Le Point soulève des questions sur le groupe parlementaire UMP. En soit disant communication de crise, ça s'appelle ouvrir un contre-feu. C'est de bonne guerre, il a raison. Mais ça ne prendra pas. C'est assez à côté de la plaque pour être perçu comme tel. Tout le monde comprend bien qu'on l'accuse des financements de la campagne présidentielle avec des surfacturations pour que les copains s'en mettent plein les fouilles et lui parle de transparence, des comptes des partis politiques, etc. De plus des éléments de transparence existent déjà, même s'ils ne sont pas énormes.

Ça ne répond pas du tout à la question posée dans le cadre qui l'intéresse. A partir du moment où c'est lui qui le préconise, ça passe trop pour une diversion. Mais même au sein de l'UMP, les réactions ont été au service minimum. Les membres du parti ne se sont pas écriés d'indignation et n'ont pas crié au complot, ils disent pour la plupart que Jean-François Copé portera plainte pour diffamation et prouvera son innocence mais qu'il faut attendre et qu'on verra sur pièces. Même au sein de son propre camp, il n'est pas sûr qu'il trouve des soutiens pour défendre ce qui éventuellement deviendrait une proposition de loi.

Quelles pourraient être les conséquences pour lui d'une telle stratégie ? Met-il sa crédibilité en jeu ?

Ce n'est pas très grave, une telle proposition ne se votera pas et ce n'est pas important. Pour le moment, il essaye d'ouvrir un contre-feu dans l'urgence mais le plus important est de voir s'il bluffait ou pas à propos de la plainte pour diffamation à l'encontre du Point. S'il ne bluffait pas, la question sera de savoir comment il va se défendre devant les tribunaux et obtenir ou non que son honneur soit lavé. C'est sur le plan judiciaire que ça va se passer pour lui. C'est une façon de montrer qu'il est droit dans ses bottes, comme disait Juppé, car il va en parler devant un tribunal ce qui serait la preuve qu'il n'a rien à se reprocher.

Après c'est là qu'on va voir si certaines personnes lui en veulent durement. Est-ce que dans l'équipe Sarkozy certains auraient gardé des documents pour le laisser monter, un peu comme fait le Canard Enchaîné ? Il faut regarder du côté des querelles internes de l'UMP avec l'idée que la vengeance est un plat qui se mange froid.

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