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Le coronavirus aura-t-il pour la Chine la même conséquence que Tchernobyl qui a provoqué la faillite de l’URSS ?
©Mark RALSTON / AFP

Atlantico Business

La crise du coronavirus a plus besoin des médecins que des banquiers centraux. Il faut arrêter l’épidémie et restaurer la confiance des populations dans les systèmes de santé. Sous cet angle, le pays le plus malade est évidemment la Chine.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour comprendre la crise du coronavirus, et imaginer les moyens d’en sortir, mieux vaut rappeler ce qui s’était passé avec Tchernobyl il y a trente-quatre ans, plutôt qu’avec les subprimes il y a 12 ans maintenant.

L‘idée de comparer la crise du coronavirus et la crise des subprimes de 2008 comme le font beaucoup d’analystes économiques est sans doute une erreur. Si les effets économiques, financiers et sociaux risquent d‘être de même ampleur, la genèse et enchaînement des événements sont totalement différents. Les remèdes devront l’être aussi.

La crise des subprimes a été une crise endogène au système économique mondial, elle s’est déclenchée au départ par une crise de confiance dans le fonctionnement de certaines banques américaines écrasées par un excès de l’endettement immobilier. Les sociétés d’assurance-crédit ont fait défaut, des banques, dont une des plus grosses du monde, a fait faillite (Lehmann Brothers) et du coup, l’ensemble du système a perdu la confiance des agents économiques et s’est bloqué faute de liquidités. Le sang s’est arrêté de circuler, d’où la nécrose de secteurs industriels, d’où la récession. La crise a donc touché le secteur financier, puis le secteur industriel et a engendré une crise sociale. Cela à l‘échelle mondiale.

La crise du coronavirus est une crise exogène au système économique. Elle a été provoquée par l’apparition d’un virus de grippe inconnu jusqu’alors dans la province la plus industrielle de la Chine et notamment dans la ville de Wuhan. Une région où vivent et travaillent plus de 100 millions de Chinois dans des usines industrielles qui approvisionnent le monde entier. Cette région s’est arrêtée de fonctionner, les usines ont été fermées et les habitants se sont calfeutrés dans leurs maisons. Du coup, la circulation des biens s’est bloquée et les industries occidentales ont été touchées. La propagation du virus sur l’ensemble de la planète a alimenté une panique sur les marchés.

Le principal foyer d’infection reste en Chine avec le plus grand nombre de malades et de décès. Plus de 3000 en un mois.  Et tant qu’on n’aura pas réglé cette crise sanitaire, tant que le foyer chinois ne sera pas éteint, les effets économiques mondiaux vont continuer de s’aggraver.

Quand le gouverneur de la Banque de France, Mr Villeroy de Galhau, dit de façon lapidaire qu’on aura plus besoin de médecins que de banquiers centraux, il a évidemment raison. Mais les médecins ne suffiront pas.

Nous sommes devant un problème de santé, devant une crise sanitaire et les conséquences mondiales sur la vie économique, financière et sociale sont liées au manque de confiance que certaines populations accordent à leur gouvernement. Notamment dans les pays émergents. Particulièrement en Chine.

Dans les grandes démocraties occidentales, les populations ont confiance dans la solidité de leur système de santé à assumer et gérer cette crise sanitaire. C’est vrai en France, c’est un peu moins vrai en Italie mais en revanche, les populations n’ont absolument pas confiance dans la capacité de la gouvernance chinoise à éradiquer la source de cette catastrophe.

Le gouvernement chinois a menti dès le départ. Il a tardé à recueillir les informations, il a perdu presque un mois avant de prendre des dispositions assez radicales à grand renfort de communication. On se souvient de ces images montrant Xi Jinping annonçant que la Chine était capable de construire un hôpital en quinze jours et de confiner 50 millions d’habitants.

La réalité est que depuis le départ, cette affaire a montré l’état de faiblesse dans l’organisation du système chinois. La population chinoise, elle-même, sans doute, a pour la première fois pris conscience que le modèle chinois, dont on lui a toujours vanté l’efficacité, était incapable d’assurer la sécurité sanitaire. Et les Chinois comme les touristes savent très bien que l’état sanitaire et d’hygiène est lamentable.

Alors sous cet angle là, ce qui se passe en Chine rappelle un peu ce qui s’est passé en URSS au moment de la catastrophe de Tchernobyl. Quand la centrale nucléaire explose en Avril 1986, il y a presque 34 ans, la gouvernance de l’URSS, très centralisé va d’abord nier la gravité des faits, ensuite elle va refuser de traiter cette affaire comme autre chose qu’un simple incendie, l’appareil politique va refuser de reconnaître les défaillances techniques, les erreurs, refuser les aides occidentales et enfermer la zone avec des murs de silence. A tel point qu’à l’époque, de nombreux gouvernement annonçaient à leur population que les nuages de radio activité ne passaient pas les frontières. A tel point qu’encore aujourd’hui, on ne connaît pas le nombre exact de victimes. Les chiffres, selon les sources, vont de 3000 morts à plus de 100 000.

En 1986, le secrétaire général du parti communiste s’appelle Michael Gorbatchev. Il écrira plus tard dans ses mémoires que cette catastrophe de Tchernobyl a sans doute marqué le commencement de la fin du régime communiste incapable de générer et d’attirer des expertises pour protéger sa population. Gorbatchev devra gérer plus tard, la chute du mur de Berlin et la transformation de l’URSS et son démantèlement.

Tchernobyl a été une catastrophe épouvantable, et Tchernobyl a aussi complètement cassé la confiance du peuple dans son système politique, économique et surtout dans ses gouvernants et dans le parti communiste dont le crédit s’est épuisé.

Au Japon, la catastrophe nucléaire de Fukushima avait été gravissime, mais la démocratie japonaise et l’expertise technique ont fait que le système japonais a su gérer cette crise avec la collaboration internationale qui n’a pas été refusée, contrairement à ce qui s’était passé à Tchernobyl. 

La gouvernance chinoise est aujourd’hui dans une situation qui rappelle, un peu celle de la gouvernance soviétique à l’époque de Tchernobyl. Xi Jinping est un empereur qui réunit la totalité de tous les pouvoirs. Normalement, il est intouchable sauf que la Chine traverse une phase économique compliquée. La guerre commerciale que livre Donald Trump à la Chine commence à l’affaiblir. Pékin a besoin d’une croissance économique forte pour intégrer sa population et rattraper son retard dans l’investissement en équipements collectifs et sociaux : logement, santé, éducation. Sa promesse n’a pas été tenue.

Cette crise du coronavirus tombe au plus mauvais moment et révèle à une partie du peuple chinois que Pékin et la puissance du parti n’ont pas réussi l’objectif de base qui est de protéger les Chinois. Les opposants au régime que Xi Jinping avait éliminés vont forcément se réveiller. La puissance des réseaux sociaux fait qu’aujourd’hui, le régime ne peut plus étouffer les mauvaises nouvelles. La révolte de Hong Kong a montré qu’il y avait des ferments de résistance à l’Etat central.

Plus le régime chinois aura du mal à éliminer cette crise sanitaire, et plus il mettra du temps, moins il pourra compter sur la confiance de sa population et moins il pourra espérer une collaboration internationale.

Et tant que la gouvernance chinoise pensera qu’elle a plus besoin d’une banque centrale généreuse et d’une police forte pour maintenir l’ordre public, elle se trompera de sujet.

Le peuple de Chine a d’abord besoin de médecins, de médicaments et d’hôpitaux. Mais le monde entier aussi.

Pour aller plus loin sur Tchernobyl, cliquez ICI

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