Le Balzac du XXIème siècle sera-t-il un logiciel ? Désormais, les ordinateurs écrivent des romans et nous ne ferons bientôt plus la différence<!-- --> | Atlantico.fr
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Désormais ce sont des programmeurs qui s'affrontent pour réaliser le meilleur "robot-écrivain".
Désormais ce sont des programmeurs qui s'affrontent pour réaliser le meilleur "robot-écrivain".
©Reuters

Inspiration 2.0

Feu les concours d'écriture de romans, désormais ce sont des programmeurs qui s'affrontent pour réaliser le meilleur "robot-écrivain".

Thierry Crouzet

Thierry Crouzet

Thierry Crouzet est écrivain, blogueur et spécialiste des nouvelles technologies.

Ses dernières publications : Les Confins du monde, (Basilicataturistica.com, 2014), Ératosthène (L’Âge d’homme, 2014), Clitoria (Thaulk, 2014).

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Atlantico : Chaque année en novembre a lieu aux États-Unis le "National Novel Writing Month" (ou "NaNoWriMo"), un concours de romans de 50 000 mots à rédiger dans un délai imparti. Prenant le contrepied, une centaine de personnes ont participé au "NaNoGenMo", événement qui consiste à réaliser des programmes informatiques chargés de rédiger eux-mêmes des romans. Les ordinateurs peuvent-ils effectivement faire le même travail que l'écrivain, ou du moins sont-ils sur le point d'y arriver ?

Thierry Crouzet : Nous autres humains ne sommes pas tous capables d’écrire des romans. Et même parmi les romanciers, nous ne sommes pas tous capables d’intéresser beaucoup de lecteurs. Pour qu’un programme soit capable d’écrire un roman, il faudrait qu’il soit capable d’être un peu humain ou, tout au moins, qu’il réussisse à se faire passer pour humain, c’est-à-dire réussisse le test d’Alan Turing. À ce jour, nous sommes encore très loin du compte, mais je suis sûr que cela arrivera. Ray Kurzweil annonce l’évènement pour 2035. Les ordinateurs devraient alors être plus intelligents que nous et peut-être qu’ils deviendront de très bons romanciers.

Quels sont les principes de base de cette technologie ? L'intelligence artificielle peut-elle s'améliorer d'elle-même ?

La voie la plus prometteuse est sans doute de créer des machines qui apprennent et évoluent à très grande vitesse, souvent par les mécanismes d’essais et d’erreurs propres à l’évolution biologique. Dès qu’une machine sera plus intelligente que l’homme, elle pourra créer des machines encore plus intelligentes qu’elle et ainsi de suite. Nous entrerons dans une phase historique de totale imprévisibilité.

L'humain ne conserve-t-il pas l'avantage intrinsèque de l'inventivité, là où la machine se contente d'imiter ce qui a déjà été fait ?

L’inventivité est universelle. Si l’évolution biologique n’avait pas été inventive, nous ne serions pas là pour nous poser ces questions. On a déjà réussi à créer des programmes qui programment et qui découvrent à certains problèmes des solutions plus performantes que les nôtres et dont nous comprenons mal la logique. Je ne crois pas qu’en tant qu’humain nous ayons un quelconque privilège, malheureusement. Le premier programme écrivain date de 1952. Christopher Strachey, un ami d’Alan Turing, a écrit un compositeur de lettres d’amour. Depuis, la technique progresse… sans encore être capable de pondre un best-seller.

Chaque époque a été révolutionnée sur le plan littéraire par des personnes qui ont apporté un nouveau style littéraire. Le Chateaubriand ou le Céline du 21e siècle pourrait-il être un ordinateur ?

Je pense que les auteurs majeurs d’aujourd’hui bloguent, en tout cas publient en numérique plutôt qu’en papier. Ils écrivent pour la forme nouvelle de leur temps. Si demain nous avons des machines intelligentes, elles addopteront également la forme de leur temps, une forme propre aux machines et peut-être très étranges pour nous. Je ne vois pas pourquoi elles ne seraient que littéraires. La littérature, c’est un concept humain a priori.

En quoi cela révolutionnerait-il notre rapport à la lecture, à la création, et au génie ? Faut-il s'en méfier ?

Si des machines deviennent plus intelligentes et plus géniales que nous, nous ne serons plus l’espèce dominante sur cette planète. Ça nous rendra peut-être enfin humbles. Parce que si nous ne le devenons pas, je ne donne pas cher de notre peau. Quant à la lecture, ce n’est qu’une technologie. Rien ne prouve qu’elle sera éternelle, même si nous-mêmes imaginons mal vivre sans elle. Demain l’art pourrait toucher directement nos cerveaux comme l’a l’imaginé Ayerdhal dans La Bohème et l'Ivraie.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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