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La révolution sociale passe par la participation
©PHILIPPE MERLE / AFP

Tribune

Une tribune libre de Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, président de Saint-Etienne Métropole, vice-président Les Républicains.

Gaël Perdriau

Gaël Perdriau

Gaël Perdriau est maire de Saint-Etienne et vice-président du parti Les Républicains. 

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Nous aurions tort de penser que la crise sanitaire qui semble s’achever ne laissera aucune trace. D’abord, le confinement, d’une nation entière, provoquera un profond traumatisme moral dont les conséquences se mesureront à long terme, Ensuite, ces conséquences morales seront, sans doute, amplifiées par une crise économique et sociale annoncée d’une ampleur sans précédents. Pôle Emploi évoque déjà le chiffre d’un million de chômeurs supplémentaires dans les prochaines semaines. Enfin, les effets politiques, découlant de cette crise, pourraient être dévastateurs, conséquences, si rien n’est fait, d’une grande violence, pouvant constituer le terreau fertile d’une onde de choc des populismes que nous avons évité, par des mesurettes, depuis trop longtemps.

Il est urgent de changer notre «logiciel» sous peine de voir le modèle social français, ciment de la République, voler en éclats. Depuis une trentaine d’années, la finance à supplanté l’économie. Pour pallier les impuissances de politiques économiques keynésiennes, incapables de résoudre les conséquences des crises des années 70, de nouveaux dogmes se sont imposés, petit à petit, sans que les résultats, notamment en ce qui concerne le chômage, soient à la hauteur des espérances. Comme le relève, l’ancien Vice-Président du New-York Stock Exchange, Georges Ugeux : «La finance a trahi l’économie À travers la trahison des financiers, c’est la finance qui a trahi l’économie. Elle est devenue une fin en soi, et ne s’est plus préoccupée de son rôle social et économique. Elle a surtout complètement oublié que son industrie est celle des services financiers. Elle a gardé le « financier » et omis le « service ». Et ce, à tous les niveaux. Ce faisant, elle a joué l’économie à la roulette» (La trahison de la finance, Georges Ugeux éditions Odile Jacob).

Une roulette qui a broyé l’économie et, par la même occasion, l’espérance des citoyens en un Pacte républicain fondé sur une vision sociale de notre société. Le nouvel équilibre semble être, les bénéfices pour certains, la précarité pour d’autres. Comment la société pourrait-elle résister durablement avec un partage aussi inégal des richesses créées ? Ainsi, entre 1988 et 2018, la valeur des actions et dividendes a progressé de 1352% alors que celle du livret A, symbole même de l’épargne populaire, n’a enregistré qu’une progression de 135%, à diminuer de l’inflation qui a augmenté de 67%.

Le choix d’une gestion rigoureuse des finances publiques, relève de l’illusion politique. Rappelons que le dernier budget présenté à l’équilibre date de 1974. Au fur et à mesure que l’objectif devient impossible à atteindre, les affirmations martiales d’une gestion rigoureuse ne trouvent d’égal que dans le profond sentiment que la Nation éprouve de se voir enfermée dans une situation où la précarité constituerait, à terme, le seul horizon social. La crise des Gilets Jaunes trouve là une justification, sans doute, prépondérante.

La désindustrialisation progressive de la France, conséquence aussi d’une certaine vision de la rentabilité financière, crée les conditions même d’une paupérisation grandissante donnant naissance à une forme de nouveau «lumpen proletariat» dont les contours, sans cesse mouvants, débordent de plus en plus sur les classes moyennes. Si les salariés sont attachés à leur outil de travail, les financiers, eux, sont attachés à leur outil de profit. Les logiques temporelles ne sont, bien évidemment, pas les mêmes. Au long terme que nécessite l’investissement lié à la modernisation de l’outil de travail répond le court terme de la rationalisation qui n’a que faire du long terme, car dominée par le profit de l’exercice en cours.

Investissement et emploi ne sont plus les fondamentaux d’un raisonnement où l’économie prime, ce sont autant d’obstacles pour une finance soucieuse de son bien-être, fût-il acquis au détriment de toute rationalité économique et sociale. De fait, si l’investissement semble important, il est juste suffisant pour maintenir un niveau d’activité minimal car comme le note Patrick Artus «Il faut arrêter de dire que les entreprises françaises n’investissent pas. (…) Le problème n’est pas le niveau, mais le contenu de cet effort. (…) En gros, les entreprises françaises investissent surtout dans de vieilles machines» (La France a un gigantesque problème de compétences» Patrick Artus L’Usine nouvelle 25 octobre 2017).

La société ne peut donc retrouver le chemin de l’espérance et de la foi en son avenir qu’au prix d’un aggiornamento, remettant au cœur du système économique l’homme en tant que moteur de la politique économique dont la finalité ne peut être que sociale. Faute de quoi, comme le pressentait le Général de Gaulle, en 1941, dans son discours de Oxford, le spectre renaissant, au bénéfice des populismes, de la lutte des classes brisera la société.

Nous devons proposer un nouveau contrat social à la France, une des composantes en est, incontestablement, l’entreprise dont le rôle économique, industriel et productif doit être renforcé au détriment d’une approche purement financière. Il s’agit de refonder notre modèle social et de permettre à chaque acteur, de la chaîne économique et sociale, de contribuer aussi à la réalisation des objectifs découlant du développement durable.

A ce stade, une fois encore, la pensée du Général de Gaulle ouvre un champ de réflexion fécond. Nous le savons tous le Père de la Vème République considérait que l’entreprise n’était pas qu’un simple assemblage de mécanismes techniques, financiers et économiques. L’entreprise devait être un des rouages essentiels de l’émancipation de l’homme. Fidèle à sa vision de l’histoire, le Général de Gaulle faisait, en définitive, de l’entreprise le lieu même de la résistance à toute forme d’esclavage moderne. A condition que les dirigeants, les actionnaires, les salariés soient tous associés dans un même mouvement permettant d’organiser la vie de l’entreprise à tous les niveaux : la participation.

Parce que le travail n’est rien sans le capital et que celui-ci ne peut pas survivre sans le premier, le Général de Gaulle considérait que la participation était d’abord et avant toute chose un moyen de gérer la gouvernance des entreprises en recherchant un point d’équilibre entre tous ses acteurs pour transformer la société. C’est ainsi qu’il estimait nécessaire la transformation du contrat de travail en un contrat de société pour plus d’équité et de solidarité, auxquelles il aurait ajouté, sans hésiter, la protection de l’environnement. La participation doit être aussi le levier sur lequel chacun peut s’appuyer, au sein de l’entreprise, pour assurer le respect des valeurs fondamentales de la dignité humaine. Enfin, le plus important, la notion de participation s’inscrit en tant que parfaite anti-thèse du « en même temps ».

Parce que la participation est une recherche permanente, par une gouvernance équilibrée, de solutions efficaces, elle ne peut se contenter de la coexistence de situations antinomiques. La participation représente la volonté d’agir et de construire face au renoncement et à l’abandon que représente la théorie du «en même temps ». A ce titre, la participation apparaît comme la parfaite continuation économique et sociale de l’esprit du 18 juin.

Aujourd’hui, beaucoup, peut-être trop, de voix se font entendre, au Gouvernement et ailleurs dans les partis, pour réclamer un nouveau souffle social d’inspiration gaulliste. Ce ne sont que des pâles copies incapables de raisonner au-delà des chiffres et d’hypothétiques gains de pouvoir d’achat. Vision étriquée et réductrice d’une société toujours dominée par des considérations budgétaires et financières qui, tant qu’elles n’auront pas été redimensionnées à leur juste valeur, continueront de rendre tout rebond de la France impossible.

Plus que jamais nous devons renouer avec l’esprit de résistance de l’appel du 18 juin, la France risque, à terme, d’emprunter des voies qui sont autant d’impasses et qui pourraient lui faire tourner le dos à l’héritage humaniste de notre République. Il n’existe aucune fatalité, seule la volonté peut nous aider à surmonter les obstances que la résignation, des marchands de taux, devenus grands élus, inculquent pour accroître les bénéfices. L’heure du refus a enfin sonné et il nous appartient de l’incarner, au-delà de tous les clivages, au service du redressement de la France.

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