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La retraite d’un sénateur au terme d’un seul mandat de 6 ans : 1 932 euros bruts par mois
©Reuters

Bonnes feuilles

On croyait tout savoir du manque d'exemplarité des 348 sénateurs et de leurs privilèges monarchiques : 6 000 euros mensuels de frais "remboursés" sans justificatif, super-retraites, absentéisme endémique... L'auteur révèle les privilèges fiscaux que se sont octroyés légalement ces princes de la République et le vaste système de triche qui permet à une partie d'entre eux, les "intouchables", de ne rien faire ou presque... Extrait de "Le Sénat - Un Paradis pour des parlementaires fantômes", d'Yvan Stefanovitch, aux éditions du Rocher 2/2

Yvan Stefanovitch

Yvan Stefanovitch

Yvan Stefanovitch, journaliste, s’est spécialisé dans les enquêtes sur les gaspillages français. i l est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont Aux frais de la princesse (2007), Le Sénat : Enquête sur les super-privilégiés de la République (2008), La Caste des 500 (2010), Enquête sur les faiblesses de l’armée et les milliards gaspillés par l’État (éditions du Moment, 2013) et Histoire secrète de la corruption sous la Ve (Nouveau Monde, 2014).

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Une cagnotte d’un milliard d’euros !

Dans Enquête sur les super-privilégiés de la République, nous avions publié l’étude du régime de retraite des sénateurs par l’association Sauvegarde Retraites, qui entend promouvoir l’équité entre la retraite des salariés du privé et celle des autres actifs (fonctionnaires, ressortissants des régimes spéciaux…). Ce travail soulignait le « rendement hors norme » du régime du Sénat : compte tenu de l’espérance de vie et de son âge de départ en retraite (67,5 ans), un sénateur « moyen » percevra, avant son décès, 4,90 euros de pension pour chaque euro cotisé pendant sa carrière – contre 1 euro de pension environ pour un salarié du privé et 2 pour un fonctionnaire.

Un ex-sénateur ayant effectué un unique mandat de six ans empoche 1 932 euros de retraite mensuelle bruts. Soit, explique Sauvegarde Retraites, « 30 % de plus que la retraite moyenne d’un salarié du privé après une carrière complète ». Seule condition, presque toujours remplie : avoir cotisé double, comme tout sénateur en a la possibilité pendant ses quinze premières années dans la « maison » (480  euros de cotisation «  salariale  » par mois). Cette cotisation double est aujourd’hui interdite. La réversion (retraite de veuf et veuve d’élus) est aussi bien plus favorable que dans le régime général, soit un taux de « réversion » de 66 % de la pension d’un sénateur contre 50 % dans la fonction publique et 54 % dans le privé. Enfin, « les plus vernis étaient les sénateurs issus de la fonction publique (39 % de l’Hémicycle) », écrit Sauvegarde Retraites. Ils pouvaient continuer à cotiser 7,85  % du salaire qu’ils auraient touché dans leur administration d’origine, l’État ajoutant 60,14 % comme pour tous ses agents. Au final, ils cumulaient donc retraite pleine de fonctionnaire et retraite de sénateur, sans plafond. Aujourd’hui, c’est également interdit depuis quelques années.

La pension mensuelle moyenne nette de retraite d’un sénateur, hors les 10 % de majorations pour enfants, était en juin 2015 d’environ 4 512 euros. L’âge auquel les sénateurs peuvent prétendre au versement de leur retraite est passé progressivement de 60 ans, pour ceux nés avant 1951, à 62 ans, pour les autres nés à compter de 1955. La durée de la cotisation a été relevée à 41 ans.

Cette apparente générosité n’empêche pas la caisse des sénateurs d’afficher une belle santé financière. Et ce, malgré la mauvaise situation démographique de ses ressortissants : 1,7 pensionné pour 1 cotisant (contre 1 retraité pour 1,4 actif dans le régime général). Par quel miracle ? Un soutien massif des contribuables ? Pas vraiment : la cotisation « employeur », versée par le Sénat, représente 2,4 fois la cotisation « salariale » des sénateurs. C’est plus que dans le privé mais nettement moins que dans la fonction publique ou tout autre régime spécial (pour les députés, le contribuable verse 7 fois plus que les élus eux-mêmes !).

Tout vient du fait, selon Sauvegarde Retraites, que le régime des sénateurs est « remarquablement géré ». Reposant sur la capitalisation collective, solution qui a la faveur de l’association, le régime mène tous les trois ans un audit au cours duquel il actualise ses prévisions et lance des appels d’offres pour sélectionner les gestionnaires de ses fonds. De fil en aiguille, depuis sa naissance en 1905, il a cumulé une « cagnotte » dont la composition n’est pas connue mais qui s’élevait fin 2008 à 575 millions d’euros. Résultat : les seuls intérêts générés par ces placements assurent plus de la moitié des pensions versées chaque année. Une performance telle que – et il s’agit de la seule critique de Sauvegarde Retraites – la part « employeur » devient « non seulement amorale mais inutile. À quoi bon conserver une subvention qui ne fait que grossir des réserves qui augmentent à vue d’œil, d’année en année ? ». Selon les calculs de l’association, placée au taux raisonnable de 4 %, cette cagnotte pourrait atteindre 1 milliard d’euros en 2050… Avec ou sans compléments de retraites, les sénateurs retraités ont de beaux jours devant eux…

Tout est organisé pour qu’on ne sache rien sur les avantages et privilèges en tous genres qui existent au palais du Luxembourg. La majorité n’oublie pas l’opposition. Les élus savent faire profiter les fonctionnaires – qui n’oublient pas, de leur côté, de fermer les yeux des parlementaires en leur permettant de s’octroyer des avantages extravagants. Les « gros » savent que les « petits » pourraient les dénoncer, alors ils leur graissent la patte. 

L’encours des prêts du Sénat aux sénateurs et à leurs collaborateurs s’élève à 90 millions d’euros. Où un employeur est-il aussi généreux avec son personnel ? Quel est le rapport de tout cela avec l’intérêt général ? Mystère. Mais, encore une fois, le président Gérard Larcher et son successeur Pierre Bel ont commencé à faire le ménage. Depuis 2013, les sénateurs ne peuvent plus bénéficier de prêts du Sénat, des crédits qui leur avaient été accordés à partir de 1953. Sous réserve de ne pas dépasser une capacité d’endettement de 33 %, les fonctionnaires titulaires peuvent demander à bénéficier de prêts sur vingt-cinq ans jusqu’à 259 000 euros au taux de 2,5 %, ce qui est le prix moyen sur le marché immobilier. On se souvient que sous la présidence de Christian Poncelet en 2008, les sénateurs pouvaient contracter des prêts immobiliers à 0 % sur vingt-cinq ans. Ces crédits ont permis à plusieurs dizaines de sénateurs de province de s’acheter de luxueux appartements dans la capitale, puis de les louer. L’encours de ces cadeaux princiers aux parlementaires atteint encore aujourd'hui 15 millions d’euros à rembourser.

Extrait de Le Sénat - Un Paradis pour des parlementaires fantômes, d'Yvan Stefanovitch, publié aux éditions du Rocher, juin 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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