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Comment le secteur industriel français retrouve (enfin) une dynamique positive
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Positif ?

Alstom devient allemand, les emplois industriels ne reviennent pas, et pourtant un vent d'optimisme souffle sur le secteur secondaire français, une première depuis l'an 2000.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Atlantico : Dans un contexte de retour de la croissance, aussi bien en France, que dans la zone euro, quelle est la situation actuelle du secteur industriel ? 

Philippe Waechter : La dynamique industrielle est très robuste actuellement en zone Euro et en France. Les enquêtes menées auprès des chefs d'entreprise progressent rapidement et se comparent avec les niveaux atteints en 2010 mais aussi parfois comme c'est le cas en France avec des perceptions de l'activité qui datent d'avant la crise de 2008. Cela laisse penser à une hausse rapide à venir dans la production effectivement observée. Cela soutient les perspectives haussières des chiffres de croissance. 

Ce mouvement haussier traduit le rattrapage d'activité après des années de fortes contraintes internes et externes. Internes parce que les politiques économiques étaient restrictives et ne permettaient pas aux entreprises de s'ajuster correctement à leurs propres déséquilibres. Externes parce que le commerce mondial a évolué trop lentement entre l'été 2011 et la deuxième partie de l'année 2016. Les entreprises s'ajustaient en interne à une politique restrictive et ne bénéficiaient pas d'impulsion externe résultant du commerce mondial. Cela s'est traduit par un niveau d'activité durablement faible dans le secteur manufacturier. Pour mémoire la production manufacturière française est toujours 10% au-dessous du niveau constaté au premier semestre 2008 avant la crise. Seule l'Allemagne en zone Euro s'en est bien tirée en raison de ses liens très denses avec l'Asie.

La situation change depuis quelques mois. Les politiques sont neutres (budgétaire) ou franchement accommodantes (monétaire) et le commerce mondial reprend. La zone Euro en profite et cela se traduit par ses signaux très favorables. 

D'une façon plus générale la conjoncture s'améliore dans tous les secteurs d'activité, de l'industrie aux services en passant par la construction. C'est cette homogénéité qui est plaisante à observer car elle montre que la reprise profite à tous. Pour la France cet optimisme est général dans l'industrie. Les chefs d'entreprise perçoivent un dynamisme de l'activité économique globale comme ils n'en ont jamais vu depuis octobre 2000. Il y a en France une véritable rupture.

Quelles sont les causes de ce retournement de tendance ? Quels sont les principaux clients du secteur industriel français, entre demande intérieure française, demande intra-zone euro, et demande extérieure à la zone ? Quelle est la demande qui tire le secteur industriel vers le haut ? 

Il y a à la fois une reprise française via un rattrapage de l'activité après toutes ces années de vaches maigres. C'est ce que j'expliquais à la question précédente. Ce phénomène est important et se retrouvent dans de nombreux pays de la zone Euro. Cela s'explique par le changement dans la dynamique des politiques économiques. L'intérêt de cette situation est que les pays de la zone échangent beaucoup. De la sorte, l'accélération au sein de chaque pays se propage aux autres accentuant ainsi la hausse de l'activité. Cela crée une dynamique vertueuse et autoentretenue à l'échelle de la zone Euro. Ce phénomène est assez classique et accompagne toujours les périodes de forte croissance de la zone. Cette simultanéité des cycles européens est un phénomène important. C'est une des raisons pour lesquels l'intégration européenne est bénéfique à tous. Se couper plus ou moins de nos voisins serait une erreur terrible. 

Une autre raison est la reprise des échanges à l'échelle mondiale. Tous les pays développés et émergents ont une activité manufacturière qui s'accroit. L'Europe profite de cette situation d'autant qu'elle échange beaucoup avec les pays émergents. Cela renforce encore la progression de l'activité du secteur.

Alors que la robotisation et l'automatisation sont appelées à se développer au cours des prochaines années, peut-on anticiper les besoins en main d'œuvre du secteur industriel ? Ce secteur peut-il encore être un puissant relais de création d'emplois ? 

Avant de faire de la prospective, il est important de souligner que depuis plusieurs trimestres, en sympathie avec l'amélioration de l'activité évoquée ci-dessus, l'emploi industriel est stabilisée après une longue période de repli. L'emploi du secteur manufacturier, y compris l'intérim du secteur, est quasiment stable depuis plus d'un an. C'est une étape considérable. L'emploi hors intérim s'est lui stabilisé au deuxième trimestre de cette année. On peut s'attendre à une hausse de l'emploi manufacturier en raison de l'activité qui progresse plus rapidement. 

Attention cependant, les emplois perdus ne seront pas retrouvés. Il y aura moins d'emplois industriels que par le passé et les emplois seront généralement plus qualifiés que ceux que l'on observait dans les années 60 ou 70 par exemple. Les cols bleus sortant massivement des ateliers de l'Ile Seguin est une image du passé que l'on ne retrouvera plus. L'emploi industriel existera encore mais davantage dans les postes de conception et de surveillance et forcément en nombres bien inférieur.

Néanmoins l'industrie reste importante comme source de productivité. C'est comme pourvoyeur d'impulsion que le secteur industriel est important pour une économie. Cependant, les évolutions récentes de l'emploi dans ce secteur posent la question de la distribution de ces gains de productivité. Auparavant ils étaient redistribués aux ouvriers alimentant ainsi la demande interne. C'est la période des 30 glorieuses. Aujourd'hui les ouvriers sont nettement moins nombreux mais les gains de productivité toujours importants. Ils ont tendance à aller aux détenteurs du capital. Cela change fondamentalement l'équilibre macroéconomique. C'est aussi sous cette aspect que le secteur manufacturier est important.

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