La réforme de l’assurance chômage passe à côté des besoins réels des entreprises et des chômeurs les plus éloignés de l’emploi <!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement va proposer une réforme de l'assurance chômage.
Le gouvernement va proposer une réforme de l'assurance chômage.
©LOIC VENANCE / AFP

Marché du travail

La réforme de l’assurance chômage souhaitée par le gouvernement est une bonne idée sur le principe mais ne sera pas facile à mettre en œuvre.

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Co-auteur notamment, avec Franck Morel, de "Un autre droit du travail est possible" (Fayard, mai 2016). 

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Atlantico : Comme vous l’avez expliqué dans les colonnes de L’Express, la réforme de l’assurance chômage voulue par le gouvernement est une bonne idée sur le principe, mais elle ne sera pas facile à mettre en œuvre. Pourquoi cette difficulté ?

Bertrand Martinot : L’idée, poussée par le gouvernement, que les conditions d’éligibilité et de durée d’indemnisation dépendent de la conjoncture économique paraît très logique. On sait que le taux de retour à l’emploi est très sensible à la conjoncture, de même que le nombre de démission (qu’elles soient réalisées dans le cadre d’une procédure de démission classique ou dans le cadre d’une rupture conventionnelle qui donne droit au bénéfice de l’assurance chômage).

La difficulté est la question du timing : les statistiques sur lesquelles se basent la décision de modification des paramètres de l’assurance chômage sont a priori retrospectives et ne correspondent pas nécessairement à la situation conjoncture au moment où la décision est prise, et encore moins à la situation (par nature imprévisible) qui prévaudra lorsque les nouvelles règles rentreront en vigueur.

Par exemple, si l’on prend les décisions sur la base des dernières données connues sur les créations d’emplois (près de 170 000 créations nettes dans le secteur privé pour le seul premier semestre de cette année), on est tenté, selon cette logique, de restreindre les conditions d’indemnisation. Mais est-ce que cette conjoncture exceptionnellement favorable perdurera en 2023 ? On peut sérieusement en douter.

A cet égard, on peut rappeler deux précédents particulièrement fâcheux, qui peuvent servir de contre-exemple : l’instauration d’une dégressivité systématique des allocations (allocation unique dégressive) par Mme Aubry, ministre de travail, quelques mois avant la récession de 1993. Ou encore le rétablissement d’un système beaucoup plus « généreux » en 2000, en plein boom économique…

D’autres solutions seraient-elles préférables, plus simples à appliquer, tout en étant justes et efficaces ? Ya-t-il une bonne solution ?

Il n’y a évidemment pas UNE solution unique.

La réforme de 2019 (entrée en vigueur en octobre 2021 en raison de la crise sanitaire) a déjà permis de rationaliser considérablement le système, en diminuant le niveau des allocations pour les personnes enchaînant de manière prolongée des épisodes d’emplois et de chômage (les « permittents »).

Il reste maintenant sans doute à améliorer le versant « accompagnement au retour à l’emploi » des demandeurs d’emploi et améliorer l’efficacité des formations financées à destination de ce public. De ce point de vue, il faut sans doute aller beaucoup plus loin dans les dispositifs de type « préparation opérationnelle à l’embauche », qui sont effectuées en lien avec une offre d’emploi existante plutôt que de financer des formations longues (diplômes professionnels de l’éducation nationale notamment) parfois déconnectées avec les besoins des entreprises et qui nécessitent un investissement en temps et en énergie souvent excessifs.

Y-a-t-il à l’étranger des exemples dont il serait possible de s’inspirer ?

Pas véritablement. Le seul grand pays étranger qui ait mis en place un lien direct entre les conditions d’éligibilité (durée de cotisation préalable) à l’assurance chômage est le Canada, la condition est en outre régionalisée (au niveau des Etats fédérés) et porte sur le niveau de chômage régional.  

Mais en pratique, la plupart des pays modulent les paramètres de l’assurance chômage : durant les récessions, les Etats-Unis ou le Royaume – uni double la durée maximale d’indemnisation (passant de 6 à 12 mois). Parfois des allocations spécifiques sont instituées. Dans le cas de la France, le gouvernement a suspendu sa réforme pendant la crise du Covid et a même créé en urgence une allocation pour certains demandeurs d’emploi, pour que leurs droits ne s’éteignent pas. Il a également pris des mesures pour que les périodes d’activité partielle ne viennent pas diminuer les droits à indemnisation.

A quel point cette réforme de l’assurance chômage est-elle nécessaire ? Est-ce que c’est vraiment sur ces modalités d’assurance chômage que se joue le chômage ? Quelle est la place du contexte macro-économique ?

S’il est un point commun à toutes les réformes réussies en matière de lutte contre le chômage, c’est bien l’institution d’un système d’assurance chômage incitatif à la reprise d’emploi. De ce point de vue, la France a considérablement amélioré son système en 2019 et s’est rapproché des bonnes pratiques observées à l’étranger.

Les points d’amélioration sont désormais plutôt à l’extérieur du régime ‘assurance chômage, et sont de deux ordres.

D’une part, l’accompagnement des demandeurs d’emploi de longue durée reste insuffisamment intensif, ce qui renvoie à la nécessité d’améliorer notre service public de l’emploi, quitte à e compléter par des opérateurs privés ayant une forte expérience dans le domaine de l’emploi, de la formation et des reconversions professionnelles.

D’autre part, il y a l’angle mort des politiques d’insertion sociale et professionnelle en faveur des quelque 2 millions de bénéficiaires du RSA (en forte hausse depuis 5 ans), dont plus de la moitié de ne sont pas inscrits à Pôle emploi et ne sont soumis à quasiment aucune obligation d’insertion et de recherche d’emploi. Du point de vue du défaut d’accompagnement et de renforcement des droits et devoirs, le rapport de la cour des comptes sur le RSA publié en début d’année est assez accablant. On a globalement assez peu progressé sur ce volet depuis le RMI…

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