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Le nombre de personnes souffrant d'insomnies a augmenté depuis le début de la pandémie.
Le nombre de personnes souffrant d'insomnies a augmenté depuis le début de la pandémie.
©Image par Sammy-Williams de Pixabay

Stress de la pandémie

Plusieurs études montrent que la qualité du sommeil de nombreuses personnes s'est dégradée depuis le début de la crise sanitaire, du fait des changements d'habitudes provoqués par les confinements, mais aussi le stress et l'anxiété engendrés par l'épidémie.

Marc Rey

Marc Rey

Marc Rey est Neurologue spécialiste du sommeil et président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance qui promeut le sommeil auprès du grand public.

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Atlantico : Plusieurs études montrent que le nombre de personnes souffrant d'insomnies a augmenté depuis le début de la pandémie. Comment l'expliquer ?

Marc Rey : Effectivement, on s'inquiète des impacts qu'a eu l'épidémie sur le sommeil depuis à peu près mars 2020. Il y a eu des études françaises, dont une étude intitulée Coconel dans laquelle on a interviewé 1000 Français toutes les semaines, tout au long du confinement et du déconfinement. Une autre étude, CoviPrev, a été organisée par la Direction générale de la santé et a suivi un certain nombre de paramètres, dont le sommeil, l'anxiété et la dépression.

On s'est donc intéressés très tôt à ce sujet. A l'Institut national du sommeil et de la vigilance, très tôt, nous avons donné des conseils pour faire en sorte que cette altération du sommeil soit minimale.

A-t-on des données chiffrées sur le nombre de personnes touchées par ce phénomène ?

Il y a eu des impacts qui ont été dépendants des mesures prises. Le premier confinement a entraîné un décalage dans l'heure d'endormissement pour une grande majorité de sujets qui ne travaillaient plus et qui, donc, se levaient plus tard ou à la même heure. Il y a eu une désorganisation du rythme veille- sommeil très importante à l'occasion du premier confinement en France, ainsi qu'au niveau international. Il y a eu un décalage et une altération du sommeil ; parfois une augmentation de la durée de sommeil, mais au détriment de la qualité : les gens se levaient plus tard mais avaient un sommeil beaucoup plus fragmenté par de nombreux éveils.

Nous avons mené une étude à l'INSV, entre le 8 et le 15 janvier 2021, pour essayer d'évaluer l'effet du deuxième confinement. Nous avons relevé qu'il a été moins délétère sur le plan des heures de coucher et de lever. Les gens s'étaient rendus compte que le premier confinement les avait vraiment perturbés. Ils sont revenus sur des heures de sommeil plus régulières, mais on a toutefois observé une augmentation de la dépression, de l'anxiété, du sentiment de tristesse et de désarroi.

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Toutes les populations ne sont pas touchées de la même façon. C'est plus marqué chez les femmes, chez les jeunes et chez les gens à faible niveau de revenu. Une étude américaine montre par exemple qu'aux Etats-Unis, les Afro-américains ont plus de troubles du sommeil parce qu'ils sont dans des situations plus stressantes d'une façon générale.

Ce manque de sommeil a-t-il pu avoir des effets sur la pandémie ou sur la santé en général, en affaiblissant les corps ?

Nous savons que le fait de manquer de sommeil, d'être en privation chronique de sommeil, favorise les phénomènes infectieux. Un certain nombre d'études publiées avant la pandémie montrent que, par exemple, la production d'anticorps est divisée par trois si on fait une nuit blanche après une vaccination. Vous multipliez aussi le risque de rhume quand vous êtes en privation de sommeil, etc.

Ce que l'INSV a observé, c'est que dans l'échantillon que nous avons recruté lors de notre enquête en janvier, 114 sujets ont été Covid-positifs dans l'année. Ces gens-là se plaignaient beaucoup plus de sensations d'anxiété, de dépression et se plaignaient beaucoup plus de troubles du sommeil que le reste de l'échantillon. Nous voyons donc un effet assez clair sur le fait que, si vous manquez de sommeil, vous devenez plus fragile. Mais est-ce que c'est parce que les gens manquaient de sommeil qu'ils ont été plus fragiles et qu'ils ont fait un Covid ; ou ont-ils fait un Covid ce qui les a fragilisés ? Pour l'instant, on ne peut pas voir la relation de cause à effet avec les données dont nous disposons. Par contre, il est clair que le fait de manquer de sommeil est quelque chose qui va nous fragiliser et nous rendre susceptible de développer l'infection.

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Le premier point est de garder des horaires réguliers de coucher et de lever. C'est quelque chose de très important parce que le rythme veille-sommeil est en interaction avec nos autres rythmes biologiques. Un deuxième point très important est d'arrêter d'être exposé à des écrans, que ce soit les écrans de tablette ou d'ordinateur, au moins une heure avant le coucher. Parce que les écrans qui sont enrichis en lumière bleue vont empêcher la sécrétion de mélatonine qui apparaît quand il fait noir et favorise le sommeil. Si je m'éclaire, j'envoie au corps l'information que c'est le matin et donc forcément, j'aurais moins sommeil. Enfin, il faut éviter de se trouver face à des situations stressantes. Nous avons eu sur cette période dans les médias des décomptes journalistes du nombre de morts, on nous montrait les cercueils qui sortaient de l'hôpital, on nous disait qu'on ne pourrait plus travailler, etc. Quand vous regardez ça pendant une heure avant d'aller vous coucher, vous avez du mal à vous endormir.

Il y a néanmoins un élément positif dans tout ça. C'est que le dérèglement du sommeil a été tel que dans notre enquête, 25% des sujets interrogés ont cherché à l'améliorer. Sur 1 010 personnes interrogées entre 18 et 65 ans, un quart a cherché à améliorer leur sommeil avec des horaires plus réguliers, avec une pratique d'activité physique, avec une réduction des écrans, etc. Et ça a marché dans 70% des cas. Cet effet de la pandémie sur le sommeil a sensibilisé nos compatriotes au fait que le sommeil est quelque chose d'important. Ce n'est pas une perte de temps et le fait d'être en privation de sommeil ou de mal dormir a un impact très négatif sur notre santé.

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