La haine de Fillon si tenace à l’égard de Sarkozy finira-t-elle un jour ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce 28 mai a lieu le procès en diffamation de François Fillon contre Jean-Pierre Jouyet.
Ce 28 mai a lieu le procès en diffamation de François Fillon contre Jean-Pierre Jouyet.
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Des envies de meurtres

Ce 28 mai a lieu le procès en diffamation de François Fillon contre Jean-Pierre Jouyet. Ce dernier aurait raconté à deux journalistes du Monde que l’ancien Premier ministre lui aurait demandé que la justice "tape contre Sarkozy" pour éviter qu’il ne revienne aux affaires. Mensonge que cela, réplique Fillon. Une belle empoignade en perspective. Avec en filigrane, les pratiques de journalistes qui trahissent le secret de leurs sources…

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Au cours d’un déjeuner en juin 2014, François Fillon aurait demandé à Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée, d’accélérer les procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy.
  • François Fillon a porté plainte pour diffamation contre Jouyet et deux journalistes du Monde qui ont fait état de ses allégations.
  • Les deux journalistes, face au démenti de Jouyet, ont révélé que c’est ce dernier qui les avait informés. Une violation du secret des sources diversement appréciée.
  • Quel que soit le jugement que rendra le Tribunal correctionnel, cette affaire ne pourra que renforcer la désaffection de l’opinion à l’égard des hommes politiques et des journalistes.


Il y aura du monde ce jeudi 28 mai à la chambre de la presse du Tribunal correctionnel de Paris. D’un côté, un ancien Premier ministre, François Fillon, de l’autre, (en principe), Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire général de l’Elysée et deux journalistes du Monde, Christian Davet et Fabrice Lhomme. Du beau monde. Et aussi quelques avocats prestigieux. Le fougueux Jean-Pierre Versini-Campinchi pour Fillon, le discret Jean Veil pour Jouyet et le chantre de la défense de rupture, François Saint-Pierre pour les deux journalistes… En prime, un spectacle garanti puisque les débats qui commenceront dès 9 heures 30 pourraient durer presque toute la journée. Le thème du spectacle, en forme d’interrogation : Jean-Pierre Jouyet, en laissant entendre que Fillon lui avait demandé au cours d’un déjeuner, le 24 juin 2014, que la justice "tape sur Nicolas Sarkozy" en délicatesse avec l’amende due au dépassement de ses frais de campagne présidentielle, a-t-il diffamé l’ancien Premier ministre ? Et les deux journalistes qui ont révélé que c’est bien Jouyet qui leur avait balancé ce "scoop" au cours d’un entretien à l’Elysée le samedi 29 septembre 2014, sont-ils eux aussi des diffamateurs ? Ce qui est sûr, c’est que le bouillant Versini, qui n’est pas, mais pas du tout, un adepte de la langue de bois ne ménagera pas les deux journalistes du Monde qui ont tout bonnement dévoilé leur source. Ce qui semble, a priori, fort peu déontologique par rapport aux pratiques héritées du prestigieux fondateur du quotidien, Hubert Beuve-Méry. Quant à Jouyet, lui qui fut secrétaire d’Etat aux affaires étrangères de Fillon, il risque de passer de forts mauvais moments.

Retour en arrière. Le 9 novembre 2014, les deux journalistes du quotidien publient un article dans lequel ils révèlent que le 24 juin de la même année, François Fillon, son ancien directeur adjoint de cabinet, Antoine Gosset-Grainville et Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée, ont déjeuné au restaurant Ledoyen, situé à deux pas de la présidence de la République. Rien d’anormal a priori entre un ex-Premier ministre et un ancien membre de son gouvernement. Sauf que le déjeuner, selon les journalistes, n’avait rien d’anodin. En effet, Fillon aurait demandé à Jouyet de "taper" sur Sarkozy pour l’éliminer de la vie politique. Et bon nombre d’observateurs de faire remarquer que l’initiative de l’ancien Premier ministre intervient deux ou trois jours après que les commissaires aux comptes de l’UMP aient décidé d’alerter le Parquet de Paris au sujet de l’amende réglée par le parti alors qu’elle aurait du l’être par Nicolas Sarkozy lui-même… et alors que ces mêmes commissaires aux comptes pendant des mois étaient restés muets. Une coïncidence troublante. Comme si François Fillon en profitait pour déstabiliser son ancien patron avec lequel les relations sont désormais plus que distendues. Exécrables.

Ce papier de Davet et de Lhomme est tiré de leur livre Sarko s’est tuer (éditions Stock) qui vient de paraître. La presse n’y prête guère attention. Excepté l’Obs qui en publie des bonnes feuilles. François Fillon, furieux, dément avoir tenu les propos qui lui sont prêtés. Jouyet fait de même. Le troisième homme, Antoine Gosset-Grainville, présent donc au déjeuner, vole au secours de François Fillon en affirmant que ce dernier n’a jamais tenu les propos avancés par Jouyet. Jusqu’à ce moment, personne ne connaît les sources des journalistes. Mais pas pour longtemps. Un verbatim de l’interview du secrétaire général de l’Elysée, le 20 septembre 2014, au sujet de ce déjeuner du 24 juin 2014, est publié dans Le Monde. Puis, dans la foulée, Lhomme et Davet font écouter l’enregistrement aux journalistes de l’AFP, BFM et France 2. Jouyet reconnaît, un tantinet penaud, qu’il a bien rencontré, le 20 septembre 2014, des journalistes… mais c’était off. Il ignorait que ses propos allaient être rendus publics.  Eh bien, c’est raté. Voilà de quoi être inquiet et perplexe quand on découvre qu’un secrétaire général de l’Elysée fasse preuve de tant de candeur face à Davet et Lhomme qui ne sont pas des enfants de cœur. N’est-ce pas Davet qui déclarait à Libération le 19 novembre 2014 : "Quand Mediapart sort une info, ça me fait mal." Avant d’ajouter être prêt "à aller en prison pour une bonne info" ? Galopent les vacances. L’automne. Jusqu’à ce début novembre 2014 où se déroule la première phase judiciaire du futur procès. En clair, il s’agit d’une audience de référé, présidée par Jean-Michel Hayat, le président du Tribunal de grande instance de Paris. D’emblée, François Fillon, via Me Versini-Campinchi, confirme qu’il dépose plainte contre son ancien ami Jouyet et les deux journalistes du Monde. Et il demande d’avoir accès au fameux enregistrement où Jouyet le mettrait en cause. "C’est le droit normal de la victime", estime le conseil de l’ancien Premier ministre. Et de marteler que cette "affaire n’est pas du ressort du droit de la presse puisque les deux journalistes ont détruit eux-mêmes le secret de leurs sources."


Me François Saint-Pierre, conseil de Davet et Lhomme, s’y oppose. "La démarche de l’ancien Premier ministre est incongrue", plaide-t-il. Finalement, seul le passage de l’enregistrement concernant le déjeuner du 24 juin 2014 devrait être écouté lors de l’audience de ce jeudi 28 mai. A coup sûr, les débats ne seront pas un long fleuve tranquille. L’affrontement entre Fillon et Jouyet  risque d’être violent. Tout comme le sera celui aura lieu entre le député de Paris et les journalistes. Déjà, Me Versini-Campinchi ne s’est pas privé de qualifier ces derniers de "supplétifs de la police", ce qui n’est pas, c’est le moins qu’on puisse dire, un compliment.  De son côté, Jean-Pierre Jouyet qui a évolué dans ses déclarations, admettant finalement avoir effectivement abordé avec Fillon l’affaire Bygmalion, sera passé à la question. Comment lui, a-t-il pu croire, comme il l’a dit, ne pas avoir su qu’il était enregistré ? Peut-être à l’insu de son plein gré ? Etait-il naïf à ce point ? On peut en douter. Ultime question : Jouyet a-t-il prévenu son ami Hollande que deux journalistes du Monde venaient lui rendre visite ? Si oui, pour quels motifs précis ? Une certitude en tout cas : les couples Jouyet et Fillon, qui se recevaient il n’y a pas si longtemps encore, ne se reverront plus de sitôt…

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