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Les élections législatives n'ont pas permis à Emmanuel Macron d'obtenir une majorité absolue.
Les élections législatives n'ont pas permis à Emmanuel Macron d'obtenir une majorité absolue.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Vote sanction

En recevant les leaders des oppositions, Emmanuel Macron installe un rapport de force poussant ses adversaires vers un blocage constitutionnel.

Jean-Pierre Marongiu

Jean-Pierre Marongiu

Jean-Pierre Marongiu est écrivain, conférencier, ingénieur, expert en Management et Directeur général et fondateur du thinktank GRES : Groupe de Réflexions sur les Enjeux Sociétaux.Perpetuel voyageur professionnel, il a parcouru la planète avant de devenir entrepreneur au Qatar où il a été injustement emprisonné près de 6 ans, sans procès. Il a publié plusieurs romans et témoignages dont : Le Châtiment des Elites, Qaptif, InQarcéré, Même à terre, restez debout ! Aujourd'hui conférencier et analyste societal, il met son expérience géopolitique au service d'une approche libérale-souverainiste de la démocratie.

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« En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. »  Georges Clemenceau

Alors que les observateurs, plutôt moins que plus impartiaux, se rejoignent pour dire que tout le monde a perdu ces législatives, les acteurs de la campagne eux avaient tous l’air de se réjouir. L’ivresse d’une nuit de débauche à peine dissipée c’est le mal de crâne post-électoral qui progressivement s’insinue dans une assemblée désassemblée.

Les macronistes reconnaissaient leur déroute tout en martelant qu’ils occupaient une majorité relative et constituaient la première force politique du pays.

Les constituants hétéroclites de la Nupes très occupés à défaire leur alliance aussi factice que de circonstance célébraient la mise à mort du tyran à grand coup d’un menton égocentrique.

Le RN pavoisait se gargarisant d’une vague sans précédente et d’un record de nombre de députés oubliant qu’après la gifle des présidentielles que le score des législatives ne leur permettait pas, tant s’en faut, de gouverner.

Les autres acteurs dépités, mais radieux, de pouvoir au coup par coup faire pencher un vote ou deux à l’occasion.

Et les Français dans tout ce chaos parlementaire, retrouveront-ils un semblant de démocratie ? Ou bien réaliseront-ils que plus personne n’est aux commandes du bateau France qui par bien des aspects ressemble à un navire fantôme voguant çà et là au gré des vents pernicieux de la Commission européenne ?

Les Français, enfin la minorité d’entre eux qui se sera déplacée, ont fini par bloquer la machine gouvernementale. Il existe néanmoins une raison pour les abstentionnistes de se congratuler, deux récifs majeurs auront été évités :

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Tout d’abord, Emmanuel Macron va être contraint de négocier pour le moindre de ses caprices ultralibéraux, Jupiter est donc rentré dans les rangs des bouseux. Doit-on y voir une vengeance des Gilets jaunes ?

La seconde bonne nouvelle est de n’avoir pas donné au Chon, comprendre le Che Guevara mélanchonien, un poste de Premier ministre aux allures de véritable sinistre.Celui qui appelait, au lendemain du deuxième tour, à la création d’un groupe Nupes pour incarner à lui seul leader d’opposition de gauche en est pour ses frais oratorios. La Nupes mort-née a rejoint le bloc républicain aussi bas du front que des urnes.

« Toute classe qui aspire à la domination doit conquérir d'abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l'intérêt général. » Karl Marx.

Alors quoi ? Un gouvernement de coalition nationale ? Une liste de compromis à la carte avec les oppositions ? Un appel au bon sens dont on cherche encore où donc le Général de Gaulle a-t-il pu le ranger.

Emmanuel Macron en refusant la démission d’Élisabeth Borne interdit le vote défiance à l’Assemblée nationale nouvellement élue, en considérant que voter la défiance équivaudrait à redistribuer les sièges durement acquis… Ainsi donc, le piègé redevient piégeur.

De quoi seront faites les semaines à venir ?Dissolution ou pas, confiance ou non, le futur proche jusqu’à la rentrée sera fait de discussions interminables. Et puisque le 49-3 n’est plus possible, l’idée d'un gouvernement d’urgence sanitaire avec l’émergence d’un variant aussi inattendu qu’opportun ou bien l’instauration d’une urgence sécuritaire restent une option envisagée pour la Macronie afin de tenir à distance les gueux.

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Quatre dispositifs existent dans la Constitution pour gouverner sans majorité absolue :

- L’article 49-3 qui ne peut être utilisé que deux fois par an pour l’adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale et d’un autre projet de loi.

-Les ordonnances qui permettent de réduire le nombre de passages devant le Parlement.

- Le référendum de l’article 11

-Le vote bloqué de l’article 44 

Aucun de ces dispositifs n’est démocratique dès lors que l’on dénie le résultat des urnes. La France dans sa configuration actuelle est ingouvernable.               

Les forces politiques en présence font mine d’ignorer que 54 % de la population s’est abstenue, lassée des discours creux, des magouilles, des affaires, de l’arrogance, de l’incompétence d’une classe politique en rupture avec le réel ou simplement nombriliste.

Oubliées les notions de nation, d’identité, de liberté d’expression et d’opinion pourtant au cœur de la campagne présidentielle, la préoccupation du jour est la distribution des marrons d’un feu qui ne cesse de couver. 

Emmanuel Macron n’a pas remporté les législatives, mais il a moins perdu que les autres courants politiques. La Première ministre a été reconduite, le cap incertain d’une stratégie incohérente a été maintenu, une conduite des affaires de l’État constituée de coups de gouvernail dans le zig puis dans le zag, le navire France n’est plus qu’un bateau ivre égaré en pleine tempête. 

La situation s’est déjà produite en 1988, il manquait alors 14 voix à Michel Rocard, il était envisageable à l’époque de débaucher quelques grincheux et faire adopter ses textes. Aujourd’hui, c’est 40 voix qu’il manque à Emmanuel Macron pour prolonger son règne. Il va donc tenter de pousser les oppositions à la faute en obtenant un vote de rejet sur un texte populaire.

En recevant les leaders des oppositions, Emmanuel Macron installe un rapport de force poussant ses adversaires vers un blocage constitutionnel. Une dissolution du type 1968 pourrait lui permettre de retrouver une majorité. Les oppositions ont tout intérêt à le laisser gouverner et le rendre responsable de la situation économique du pays. 

Il s’agit d’une partie de poker menteur dans un entre-soi politique sur le dos d’une population excédée et de moins en moins dupe.

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