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La grande recomposition de la présidentielle 2017 est-elle en train de préfigurer une union des droites ?
©Capture d'écran

Un plagiat et une alliance

De façon inattendue, Nicolas Dupont-Aignan a choisi de rejoindre Marine Le Pen pour le second tour de la Présidentielle. Une alliance qui apporte son lot de conséquences pour la droite française. Ajoutez à cela le plagiat du discours de François Fillon par Marine Le Pen et il semble se profiler la très convoitée et longtemps théorisée Union des droites.

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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Atlantico : Quelles sont les conséquences à attendre d'une telle décision pour la droite française ? L'Union des droites, longtemps théorisée, mais non pratiquée, est elle devenue une possibilité ? Quels en sont les obstacles, et quels sont ceux qui ont été "levés" ?

Vincent Tournier : Le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan est un événement important. Depuis qu’elle a pris la tête du FN, Marine Le Pen a clairement montré que son objectif est de chercher à rompre l’isolement dans lequel s’est enfermé son père. Telle est la raison pour laquelle a été créé le Rassemblement Bleu Marine (RMB), qui a consisté à regrouper divers groupuscules à l’occasion des élections législatives de 2012 : il s’agissait alors de créer une sorte de sas entre le FN et les partis de gouvernement afin d’attirer les souverainistes de gauche ou de droite, autrement dit les proches de Jean-Pierre Chevènement et de Nicolas Dupont-Aignan,  tous ceux qui sont déçus par la politique pro-européenne des partis traditionnels. La principale composante du Rassemblement Bleu Marine était le SIEL (Souveraineté, Indépendance et Libertés), parti créé en 2011 par Paul-Marie Coûteaux. Toutefois, cette stratégie d’union a fait long feu : le RBM n’a pas vraiment joué le rôle qu’il était censé jouer et, finalement, en novembre dernier, le SIEL a quitté le Rassemblement Bleu Marine.

L’alliance qui vient d’être scellée avec Nicolas Dupont-Aignan permet donc de donner un nouveau souffle à une stratégie qui était jusque-là dans l’impasse. Pourquoi Dupont-Aignan a-t-il accepté de franchir le Rubicon ? C’est une question qui reste pour l’instant sans réponse. Ce qui est sûr, c’est qu’en faisant ce choix, Nicolas Dupont-Aignan a brisé un tabou, bien plus fortement que ne l’a fait le SIEL ou les autres groupuscules qui ont rejoint le RMB. En effet, Debout La France est un parti à peu près digne de ce nom (il revendique 15 000 adhérents) et il bénéficie d’une certaine notoriété et même d’une légitimité médiatique.

Malgré tout, il faut ramener les choses à leur juste proportion. Nicolas Dupont-Aignan reste une personnalité relativement périphérique dans la vie politique française, même s’il a réussi une belle percée au premier tour en frôlant le seuil des 5% (il n’a fait que 1,8% en 2012). Il est donc difficile de dire si cette alliance est susceptible de modifier radicalement les choses et de constituer un précédent.

Marine Le Pen a pu reprendre dans son discours du 1er mai, mot à mot, une partie d'un discours prononcé par François Fillon en avril dernier. Peut-on dire que l'union des droites serait d'ores et déjà être une réalité ? Sur quels points ? Quelle est la "ligne" politique théorisée sur une telle union ? 

Il est excessif de parler d’une union des droites. Ce qui est sûr, c’est ce que cette affaire du plagiat constitue un très joli coup politique. Reprenons la séquence qui vient de se jouer. Depuis le soir du premier tour, Marine Le Pen a concentré sa communication sur les électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Ce choix peut paraître étrange mais il est au contraire très rationnel car c’est là qu’elle peut gagner le plus de voix ou, en tout cas, qu’elle peut semer le plus de doute et fragiliser la rhétorique de ses adversaires. Pour les électeurs de François Fillon, l’alliance avec Dupont-Aignan constitue déjà un message fort. De plus, ces électeurs sont plus faciles à convaincre que ceux de Mélenchon car ils sont plus proches de ses thèmes de campagne. D’après les sondages, 30% de électeurs de Fillon comptent voter Marine Le Pen, contre seulement 18% pour les électeurs de Mélenchon, mais beaucoup songent à s’abstenir. Le camp de Mélenchon est donc dans un profond désarroi, comme le montre l’attitude de leur leader qui a refusé d’appeler à voter pour Emmanuel Macron, ce qui est logique puisque ce dernier n’a cessé d’être raillé comme le « candidat de la finance ». Donc, en se présentant comme le défenseur du « modèle social » et des services publics, Marine Le Pen sait qu’elle peut sérieusement faire douter certains électeurs, surtout ceux qui sont issus de milieux populaires. C’est donc à eux qu’elle s’adresse en priorité. Pour autant, il lui faut aussi envoyer des signaux aux électeurs de Fillon, mais elle doit le faire sans donner le sentiment de se contredire. Cette affaire du plagiat lui permet de faire coup double : d’une part elle lui donne l’occasion de rappeleraux électeurs de droite que son discours est très proche de celui de François Fillon ; d’autre part, elle lui permet d’indiquer qu’il existe des personnalités, en l’occurrence Paul-Marie Coûteaux, qui ont déjà sauté le pont, donc qu’il existe déjà des liens organiques ou des passerelles.

On peut encore ajouter deux remarques sur cette affaire. La première est que le plagiat n’a pas été initialement repéré par les journalistes, alors que telle était sans doute l’intention première de Marine Le Pen, ce qui montre qu’il y avait une stratégie bien conçue, même si les journalistes n’ont pas été à la hauteur. La seconde est que Marine Le Pen a fait preuve, tout au long de cet entre-deux tours, d’une grande habileté politique, multipliant les coups d’éclat et ayant toujours une longueur d’avance, contrairement au premier tour où elle a plutôt sembléen retrait.

Par comparaison, Emmanuel Macron a mis du temps à se lancer dans la campagne du second tour,partantsans doute trop vite dans l’idée que tout était joué après le premier tour, ce qui lui a d’ailleurs valu de se faire sermonner par François Hollande. Emmanuel Macron est apparu passif, et sa polarisation sur le thème de l’antifascisme laisse également dubitatif, d’autant queMarine Le Pen semble avoir anticipé les coups de son adversaire. On a vu par exemple qu’elle est allée rendre hommage aux déportés en déposant une gerbe de fleurs à Marseille. 

Cette opération s’est faite en toute discrétion, sans convier la presse ; elle a donc été peu mentionnée par les grands médias, mais les sites de la communauté juive l’ont bien répercutée, ce qui peut accroître le brouillage de l’image du FN. Bref, on voit que le FN maîtrise désormais très bien la communication, ce qui va obliger ses adversaires à faire preuve de plus de finesse. Avec Jean-Marie Le Pen, c’était presque trop facile.

Quelles seraient les conséquences d'une telle union, quelle serait la "nouvelle" ligne de fracture dans une telle hypothèse ?

Il est encore trop tôt pour répondre. Il faut attendre le résultat des élections législatives, lesquelles vont constituer une étape décisive pour les recompositions à venir. C’est à ce moment-là que l’on va voir si les partis de gouvernement s’effondrent totalement ou s’ils résistent. Le résultat du FN va aussi avoir un impact très important. Les projections lui prédisent une soixantaine de parlementaires. Le rapport entre le FN et la droite traditionnelle constituera un indicateur clef. Si le FN est en mesure d’offrir des places de parlementaires, ce qu’il était bien en peine de faire jusqu’à présent, la donne peut changer assez sérieusement.

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