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La France n'aime pas le numérique, des politiques aveugles feront de nous un peuple de nains du digital
©wikipédia

Les entrepreneurs parlent aux Français

La stupeur. L’étonnement. L’incompréhension. Il semble que toutes les institutions mettent le pied sur le frein face au numérique. On freine, on freine, sans vraiment savoir pourquoi. Les institutions françaises et les politiques, vêtus de la même incompétence et atteints du même aveuglement semblent dire aux leader du digital : "Allez créer des emplois ailleurs, chez nous c’est avec les règles du milieu du siècle dernier ou bien circulez !"

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Si notre pays s’était permis un début de réflexion, suivi d’une consultation de ceux qui connaissent et travaillent sur cette nouvelle économie, de façon équilibrée et objective, et que la conclusion de ce travail avait été de tout « mettre » sur la case Urssaf, on aurait pu être déçu, mais au moins le débat aurait eu lieu. Au lieu de cela, l’Etat donc on connaît le côté « très éclairé », proche du terrain, et doté d’une vision ouverte et articulée sur le digital, sort du garage des chars de l’armée rouge et tire dans le tas. Pauvre France !

Sur ces sujets, 2 grands absents, Emmanuel Macron, considéré comme ouvert et libéral et Axelle Lemaire, censée être chargé du numérique. 2 personnes dont nous avons à la fois une bonne image, et dont on pensait qu’ils portaient l’espoir d’une vision nouvelle. Silence total, rien ne bouge chez eux sur le sujet. Pas une déclaration fracassante. Le numérique est « En marche » mais sans eux…

En tant que cofondateur de l’Observatoire de l’Ubérisation (www.uberisation.org), je me dois de rester neutre et objectif, même si le citoyen qui vit dans la couche immédiatement inférieure, explose devant l’hystérie collective qui frappe nos gouvernants. Il ne s’agit en aucun cas de donner un blanc seing et de laisser aux VTC, le beurre et l’argent d’Uber, mais de développer une vision au lieu de prétendre jouer aux inquisiteurs de base, qui brûlent les sorcières numériques du fait d’un délit de faciès digital.

Quels sont les 4 actes, les 4 péchés capitaux de nos élites dépassées par la vitesse de la nouvelle économie ?

Acte 1.On interdit UberPop. Coupable de pouvoir donner à ces milliers de jeunes en état de survie, un complément de revenu qui leur permettrait de relever la tête, voir plus loin, voir un avenir possible. Dès le départ, on ne tenta pas de comprendre, de prendre en compte ceux qui prenaient, après leur 8h de travail quotidien, leur voiture personnelle pour transporter des Parisiens malades de transports en communs sales, souvent en panne ou en retard, dénués de toute sécurité et, comble de l’ironie pour le métro, pollués comme la rue de Rivoli aux heures de pointe. On ne s’interroge pas sur la raison qui les pousse à un tel courage, une telle abnégation. On interdit. Fin de la partie, carton rouge avant même la première faute. La faute capitale était de trouver une solution au pouvoir d’achat, à l’emploi, qui ne soit pas apportée par l’Etat, mais pas une société privée, américaine de surcroît !

Acte2. On commence à chatouiller Heetch. Des jeunes qui ramènent des jeunes, pour un prix faible, un prix suggéré sans être imposé, avec une limite de 7000 euros par an de revenus. Bref, une forme de covoiturage, proche de ce que fait Blablacar. Mais Blablacar, pour une raison inconnue, est sanctuarisé, et Heetch « luciférisé ». Ils ramènent ces jeunes, qui pourraient être nos enfants, en banlieue, à toute heure de la nuit, à la place de taxis qui ne veulent plus y mettre les roues. Allez, ils sont déjà quasi interdits. Trop vertueux. On ne peut quand même pas devoir la vie de nos enfants à autre chose qu’à des campagnes sur la sécurité routière aussi déprimantes qu’inutiles et inefficaces!!

Acte 3. La loi El Khomri, qui était plutôt partie d’un bon sentiment, même si en rebaptisant Khomri, une Loi qui aurait du porter le nom de Macron, elle était entachée du pêché originel, d’usurpation. Bardée d’amendements de toute nature, par des députés manifestement assez inoccupés pour avoir le temps de déposer 5000 demandes de modification de la Loi, de la gauche stupide à la droite cynique, elle a laissé au passage une petite signature, sous forme de tatouage sur le secteur du numérique. En imposant, ou suggérant fortement, une présence syndicale pour ce secteur, composé d’indépendants qui choisissent ce métier pour être enfin libérés d’un système et de syndicats qui ont tout fait pour que leur job n’existe jamais, et qui, en guise de récompense, les voient réapparaître dans l’équation grâce au législateur. Bravo les artistes.

Article 4. Les amendements AirBnb. Brillant aussi. Proposés par la gauche et validés par la droite, qui dans un bel élan d’aveuglement et d’incompétence, ont montré cette fois, avec un sens aigu du timing, ce que pouvait signifier l’union nationale tant réclamée par les français. Savoir s’associer pour le bien supérieur de la nation. Cette union, nous la souhaitons tous, et la seule fois où ils décident de la mettre en œuvre, c’est au nom de l’intérêt inférieur de l’incompétence. « Je ne comprends pas donc je tue », je rejette. Questionnés sur le sujet, certains amis sénateurs avouaient devant un café avoir voté avec le groupe, sans se poser de questions. Sans commentaire. Le pouce baissé par le leader de la meute évite la réflexion des petits soldats de la cécité numérique.

Sur le logement, la loi a déjà une dizaine de couches de législation qui ont déjà tout prévu. Pas de place pour le moindre courant d’air. Et pourtant, en regardant au microscope, nos élus ont décelé une infime faille. Et l’ont vite colmatée. Avec une obligation déclarative, comme au bon temps de la guerre ou du communisme. On déclare à la milice, et on porte bien haut son étoile jaune, marquée « numérique danger ». Au même moment, Sapin, un homme qui doit aimer les tombes, pousse à la délation fiscale. Pétain doit se retourner d’aise dans sa tombe. La délation comme mode de bonne administration. J’ai honte pour mon pays. Celui des lumières et de la démocratie, qui a vaincu avec l’aide des américains, la dictature sanguinaire qui coûta la vie à près de 20 millions de personnes. Courte mémoire.

La France va devenir un champ de ruine du digital, un monde dans lequel les générations futures viendront se promener avec amusement, afin de découvrir ces générations passées, qui auront condamné leur avenir au nom du passé.

Que faire alors ? Passer la Nuit Debout à la Halle Freyssinet, pour réclamer l'allègement de la peine de mort du digital en peine correctionnelle ? Se jeter semi nus, façon Femen, sur les législateurs, qui manifestement doué d’une libido hors norme, pourraient bien aimer cela ? En tous cas, il faut appeler à un Grenelle (n’ayons pas peur des mots) du digital, grâce auquel nous pourrions nous doter d’une vision, de valeurs, d’un projet de société qui intègre le numérique au lieu de le rejeter, et de prendre des mesures en conséquences. Exactement ce que l’observatoire de l'ubérisation prépare pour le mois d’octobre. Mais j’en viens à penser qu’au train où vont les choses, octobre c’est trop loin. Il faut au plus vite décider du statut des actifs en France, le rendre plus lisible et plus cohérent et faire une place, sans requalification, à ceux qui souhaitent rester indépendants, sans chercher à faire leur bonheur à leur place. Entendre ces centaines de milliers d’hommes et de femmes, qui ne veulent pas d’un système « normal », tracé par le passé, alors que le digital formate l’avenir.

Il faut écouter ceux qui savent, le font, l’organisent, le vivent, le pensent, concerter et écouter, réunir autour de la table, l’Etat et le Privé, les parties prenantes, et proposer un « New deal ». Prendre des mesures au service d’une vision est plus digne d’un pays démocratique en panne de croissance que de rétablir une gestapo, une dictature aveugle, au service d’un système qui souhaite se maintenir sous le prétexte fallacieux et mensonger, de la préservation des acquis et du respect de la Loi.

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