Sur le fil
La France menacée d’un Big One ? Cette ligne de faille de la société française que révèle la tempête Wauquiez
La Californie vit dans l’attente du grand tremblement de terre qui dévastera Los Angeles le jour où la faille de San Andreas se réveillera. En ce qui concerne le système politique français, les tensions s’accumulent mais à quoi nous mèneront-t-elles ?
Maxime Tandonnet
Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.
Il commente l'actualité sur son blog personnel
Atlantico : S'il n'est pas question de défendre Laurent Wauquiez, ne peut-on pas voir dans cette affaire et les réactions qu'elle entraîne, un témoignage d'une vraie ligne de faille entre un pouvoir politique autocentré (et incapable de sortir de son agenda) et une population qui ne croit plus du tout à la parole officielle ?
Ne peut-on pas voir une forme d'hypocrisie dans les réactions des politiques (Laurent Wauquiez n'est pas le premier à taper sur la gérance coûteuse d'Alain Juppé par exemple, et tout le monde peut tenir des propos "trash" en off) ?
En effet, je pense que cette hypocrisie est terriante. Il faut faire semblant de s'indigner, de pousser des cris d'orfraies. M. Wauquiez touche à un point sensible quand il parle de "dictature". Bien sûr le terme est excessif au regard de la la réalité historique des dictatures. Mais l'usage de mots excessifs pour choquer et provoquer une prise de conscience fait partie de la liberté d'expression. A l'époque de la présidence Sarkozy, combien de fois les médias et l'opposition ont fait usage des mots fascistes, réactionnaire, raciste, sans que cela ne gène personne? Les âmes sensibles, aujourd'hui, ne supportent pas que Wauquiez ait parlé de "dictature". Or, au-delà de l'actuelle équipe au pouvoir, Laurent Wauquiez, en historien et en intellectuel politique, soulève-là une question fondamentale qui est celle de l'équilibre des pouvoir. Un système qui concentre dans un visage, un reflet médiatique, un nom, toute la substance du pouvoir politique, se substituant au gouvernement, au Parlement, aux partis politique, aux collectivités territoriales, ne peut que sombrer dans l'impuissance et l'échec. Le culte de l'image personnelle, la personnalisation à outrance du pouvoir conduisent au désastre. C'est tout ce que Laurent Wauquiez a voulu dire aux étudiants de l'école de commerce de Lyon. Visiblement, il a dit une vérité qui dérange pour susciter une telle déferlante de haine.
A l'heure où 83% des Français ont une image négative de la politique, que 9% seulement continuent à faire confiance aux partis (Cevipof janvier 2018), Laurent Wauquiez (s'il venait à assumer ses propos) ne pourrait-il pas paradoxalement incarner ce « langage du peuple » tant voulu par les Français et jusque-là jamais vraiment obtenu ?
Je pense que le peuple, le corps électoral est profondément fatigué des gigantesques polémiques qui caractérisent la politique française depuis plus d''une dizaines d'années. Il n'y a pas de "langage du peuple", ou le penser serait extrêmement méprisant. Les Français ne sont pas des imbéciles. Je suis bien convaincu que nul ne gagnera jamais de popularité dans la France profonde, ou périphérique, par des provocations stériles en particulier des attaques personnelles. Les dirigeants et responsables politiques ou médiatiques traditionnellement, sous estiment l'intelligence des Français et voient dans le peuple une entité indéfiniment manipulable par les émotions ou les mensonges. Les politiques doivent réinventer leur manière de parler aux gens en s'adressant à eux sur le ton de la vérité et de la sincérité. Il faut parler aux Français des problèmes de la désindustrialisation, de la balance commerciale, de la dette publique, des enjeux de l'immigration et du développement de l'Afrique, de la faillite du régime politique français, de la nécessaire refondation de l'Europe et de la démocratie. Le premier homme ou femme politique qui l'aura enfin compris aura pris un avantage décisif...
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