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La famille la plus influente de la Principauté monégasque ? Non, ce ne sont pas les Grimaldi...
©Reuters

Bonnes feuilles

Le Prince Albert voulait donner un nouvel élan à Monaco, s'affranchir de l'image de paradis fiscal qui colle au Rocher. Mais, SAS doit faire face à de nouvelles menaces qui risquent de renvoyer la Principauté à ses vieux démons. En outre, l'affrontement entre le "tsar de Monaco", le multimilliardaire russe Dmitri Rybolovelv, patron du club de football, et le marchand d'art suisse Yves Bouvier, autour d'une vente de tableaux de maître qui pourrait nuire à sa tranquillité. Extrait de "Monaco, plongée en eaux troubles", de Laurent Chabrun, éditions First 2/2

Laurent Chabrun

Laurent Chabrun

Laurent Chabrun est journaliste d'investigation et a longtemps collaboré au magazine L'Express. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels "La Fortune engloutie des Orléans" (avec Franck Hériot, Plon, 2005), "Les Corrompus de Saddam Hussein" (avec Franck Hériot, Plon 2006) et "Affaires marseillaises" (First, 2014). Il a également écrit "Monaco, plongée en eaux troubles" (First, 2016).

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Si les Grimaldi sont la famille régnante de la Principauté, les Pastor en sont les bâtisseurs. Aussi, quand, le 6 mai 2015, Hélène Pastor, l’une des héritières de l’empire, est abattue par un tueur à la sortie de l’hôpital l’Archet de Nice, où est hospitalisé son fils Gildo, victime d’un accident vasculaire cérébral, bon nombre d’observateurs désignent la mafia, et en particulier la mafia russe, comme étant à l’origine de cet assassinat. Pour certains, l’exécution au fusil à pompe à canon scié chargé de chevrotine d’Hélène Pastor et de son chauffeur-secrétaire, à 19 h 10, devant un établissement public, avait été conçue, par sa visibilité, pour donner un tragique avertissement aux Pastor afin qu’ils abandonnent leur mainmise historique sur les constructions dans la Principauté. Mais aussi sur les appartements de la ville, dont ils détiendraient le tiers…

L’épopée des Pastor commence par l’arrivée de Jean-Baptiste Pastor, tailleur de pierre né en Ligurie. Nous sommes alors encore au XIXème siècle et, avec la construction du stade Louis-II, le modeste artisan passe, en 1936, au statut de chef d’entreprise. La période de l’occupation italienne, puis allemande, ne nuira pas aux intérêts de la famille, même si les Pastor doivent, après-guerre, s’expliquer sur leurs relations avec un trafiquant au service des Allemands avec lequel ils ont été, un temps, en affaires.

Cette ombre dissipée, les Pastor vont associer leur nom et leur fortune à la plupart des grands chantiers qui transformeront la Principauté. Gildo, le fils de Jean-Baptiste, se rend acquéreur de tous les terrains qui deviendront le quartier du Larvotto, au Sud-Est de Monte-Carlo, face à la mer. Puis, les promoteurs " vendent " à Rainier l’idée d’enterrer la voie ferrée afin de construire sur les terrains libérés des immeubles résidentiels avec vue sur mer.

La richesse des Pastor vient de cette époque. À la mort de Gildo, ses trois enfants, Victor, Hélène et Michel, se seraient partagé 50 000 mètres carrés d’habitations à Monaco. Un patrimoine exceptionnel qui génère une richesse qui ne l’est pas moins, plusieurs dizaines de milliards d’euros. Plus que le " tsar " Rybolovlev, ou même que les Grimaldi, qu’on crédite d’une dizaine de milliards d’euros en patrimoine : propriétés, collection de timbres, et plusieurs magasins de souvenirs, participation dans la SBM, tableaux…

À côté de cette activité originelle, les deux frères, Victor et Michel, ont pris l’initiative d’ouvrir Suisscourtage en 1988, qui sélectionne les compagnies d’assurances les plus compétitives dans chaque secteur d’activité pour faire des offres à ses clients. Ils possèdent aussi les restaurants du Maya Bay ou encore le Ni Box, un vaste espace de loisirs avec discothèque, bowling, restauration, patinoire.

Les enfants de Michel suivent une autre voie. En 1995, le frère de Victor et d’Hélène est devenu propriétaire d’Hédiard, l’épicerie fine de luxe, avant de la céder en 2007 à un homme d’affaires russe, Sergueï Pougatchev. Président du club de football de l’AS Monaco de 2004 à 2008, il a été très actif au sein de la Chambre de développement économique de la Principauté.

Via son Centre immobilier Pastor, il a notamment édifié le Houston Palace, le Columbia Palace (105 mètres de hauteur), Garden House, le Novotel ou encore le Floridian Palace. Ce grand collectionneur d’art était également l’un des actionnaires principaux d’Artcurial, qui figure dans le top 20 des plus grandes maisons de vente aux enchères du monde dans le segment " Art et objets de collection ".

Atteint d’une longue maladie dès les années 2000, qui finira par l’emporter en 2014, Michel avait repris le réseau d’agences immobilières John-Taylor, fondé voilà cent cinquante ans. Une de ses filles, Delphine (qui a épousé en 2012 un banquier genevois), a repris depuis quelques années la tête de cette entreprise, laquelle se développe désormais un peu partout, y compris en Suisse avec l’appui du Genevois Abdallah Chatila.

Sa soeur, Alexandra, mariée avec le chanteur David Hallyday, styliste, s’occupait dans le passé de la maison de couture Ichthys. Et, depuis le décès de leur père, c’est désormais Jean-Baptiste (1984) qui s’occupe des promotions. Il s’est notamment chargé de la maîtrise d’ouvrage de la dernière, Monte-Carlo View (une tour de 19 étages), dessinée par le célèbre architecte Jean-Michel Wilmotte. Jean-Baptiste a épousé en 2012 Valentina Marzocco, fille de Paolo, un promoteur impliqué dans l’affaire de la tour Odéon pour complicité de corruption.

Enfin restent les deux enfants d’Hélène : soit Sylvia et son demi-frère Gildo, récemment victime d’un accident vasculaire cérébral. Hélène gérait, via son agence H. P-P., le parc d’immeubles qu’elle avait reçu en héritage : le Bahia, l’Émilie Palace, le Trocadéro – où elle réside –, le Continental, le Gildo Pastor Center et le Schuylkill, essentiellement des immeubles de grand standing sur l’avenue Princesse-Grace ou sur l’avenue de Grande-Bretagne, avec vue sur la mer. Des immeubles bâtis lors de la grande opération de construction lancée par Rainier et les Pastor après l’enfouissement de la voie ferrée.

Personnalités incontournables de la Principauté, partenaires des grands constructeurs français comme Bouygues, avec lequel certains des Pastor vont monter de nombreux projets immobiliers et poursuivre l’extension en mer de Monaco, ces piliers n’ont pas été frappés, avec l’assassinat d’Hélène Pastor et de son chauffeur à Nice, par une puissance criminelle étrangère. On peut, plutôt, supposer que la mort d’Hélène Pastor, dans des conditions d’une violence extrême, est simplement due à la cupidité d’un des membres de sa famille…

C’est, en tout cas, la thèse la plus probable, selon les enquêteurs qui ont eu à traiter cette affaire. Le suspect principal du dossier est en effet Wojciech Janowski, le compagnon de la fille d’Hélène Pastor, Sylvia. Voulant mettre la main sur l’héritage de belle-maman en l’éliminant, Janowski, par ailleurs consul polonais à Monaco, se serait confié à son coach sportif, Pascal Dauriac, lequel aurait contacté l’un de ses cousins, qui, à son tour, aurait recruté les deux tueurs, deux jeunes Comoriens issus des cités marseillaises.

Une telle équipe ne pouvait, évidemment, que se faire pincer… Toujours présumés innocents en attendant d’être jugés, ses membres n’ont évidemment rien à voir avec le crime organisé international et russe en particulier. Une simple affaire de famille…

Extrait de Monaco, plongée en eaux troubles  - Une enquête inédite dans les " coulisses " de la Principauté, de Laurent Chabrun, publié aux éditions First, mars 2016. Pour acheter ce livre cliquez ici

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