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La Chine se dote d’un empereur aux pouvoirs exorbitants et aux ambitions démesurées. Mais comment nous en protéger ?
©WANG ZHAO / AFP

Atlantico Business

Xi Jinping s’est installé au pouvoir avec une ambition très simple, faire de la Chine le centre du monde.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Jamais depuis Mao Tse Toung, un président chinois n’aura acquis autant de pouvoir. Le 19ème congrès du parti communiste s’est achevé pour lui en apothéose avec un pouvoir absolu sur tous les rouages de la gouvernance. Xi Jinping a obtenu comme Mao, d’inscrire sa pensée dans la Constitution, ce qu’aucun empereur n’avait réussi à faire depuis la mort du grand timonier.

Xi, qui avait été obligé de composer avec certains de ses adversaires lors de son premier mandat, se retrouve seul aux manettes avec la possibilité de nommer des hommes à lui au comité central du parti communiste et au bureau politique avec l’ambition de mettre d’ici 2022 la Chine au centre du monde. En clair, il a promis aux participants du 19ème congrès que la Chine serait le pays le plus puissant du monde. Plus puissant en terme démographique. Plus puissant en terme économique. Le plus puissant financièrement et (ce qui paraît plus compliqué) en terme militaire.

En attendant, le nouvel empereur s’est organisé pour contrôler l’ensemble de la société, supprimer tous les foyers de corruptions, tous les contrepouvoirs et neutraliser internet et les réseaux sociaux.

En contrepartie, il promet à son peuple de bénéficier du progrès économique et social, il lui promet des lendemains radieux et idylliques, il promet la paix et la protection, il promet même une révolution verte pour empêcher la Chine d’être menacée par la pollution et la raréfaction des matières premières.

A partir de ce sacre, les occidentaux ne se posent que deux questions basiques :

Un : Faut-il croire à ce scénario qui ferait de la Chine le pays le plus puissant du monde ?

Deux : Face à ce bulldozer qui déborde des frontières, comment faut-il s’en protéger ?

Premier point : il faut évidemment croire à la réalité de ce scénario. Il est même assez auto-réalisateur. Pour les chinois, le scénario ne fait aucun doute. La Chine a les moyens de devenir l’économie la plus puissante du monde. Son impressionnante démographie l’oblige à développer une stratégie offensive. Avec 1,4 milliards habitants, la Chine dispose d’un réservoir à main d’œuvre pas chère de près d’un milliard d’individus qui n'ont besoin que d'un bol de riz par jour, mais qui ont une soif de progrès économique insatiable.

XI  a promis de réaliser leur rêve. Mais par ailleurs, la Chine a déjà près de 400 millions d’habitants qui vont constituer très rapidement une classe moyenne et qui vont se mettre à consommer comme des occidentaux.

L’usine du monde peut continuer à tourner encore longtemps et fournir à l'occident l'essentiel des produits de consommations ou d’équipements courants (textile, objets moulés ou manufacturés, électronique, meubles et sans doute voiture) qui sont déversés dans nos hypermarchés à des prix qui défient toute concurrence.

Mais d’un autre côté, la Chine offre aux occidentaux des marchés dont ils ne peuvent plus se passer pour tirer leur propre croissance avec des produits un peu plus sophistiqués que les chinois ne savent pas fabriquer, mais qu’ils apprennent à concevoir.

Le modèle chinois permet à Pékin d’impacter la consommation mondiale, mais pour éviter d’être à la merci de cette consommation, Pékin dispose d’excédents financiers considérables qui lui permettent d’investir directement en Occident pour, à terme, influencer les modes de production. La stratégie chinoise est diabolique parce que d’un côté, elle offre des débouchés et de l’autre, des moyens pour les financer.

Appuyée sur ces deux jambes, la consommation occidentale d’un côté qui fait tourner les usines et l’investissement de l’autre qui introduit le pouvoir dans les choix stratégiques, la Chine a effectivement les outils pour se hisser au centre du monde.

La Chine a la possibilité de faire entrer dans le monde de la consommation moderne près de 100 millions de ses habitants par an. Dans dix ans, la presque totalité des chinois pourra donc prétendre à un niveau de vie tel qu’il était dans les années 1970 en Europe.

Pendant ce temps, le programme de Xi Jinping est d’accélérer les transferts de technologie pour rattraper le retard que la Chine peut avoir dans des secteurs stratégiques comme les transports, les grands équipements collectifs, le traitement des eaux, les équipements de santé, …

A ce sujet, le programme 2022 a placé dans ses priorités de mener à bien la révolution verte. Arrêter la pollution, diversifier les sources d’énergie et protéger les capacités de production alimentaire. Dans ce domaine, Xi Jinping s’avère plus ambitieux que les promoteurs de la Cop 21. Il faut dire qu‘il dispose de moyens assez expéditifs pour barrer la route aux intérêts particuliers. Sans parler du soutien des populations qui, dans toutes les régions, sont assez violents sur l’état de l’environnement. Les municipalités qui se sont fait virer par Pékin pour négligence écologique ne se comptent plus.  

Deuxième point : si ce pouvoir sans partage est incontournable dans le projet de Xi, l’occident a- t-il les moyens de répondre à un tel risque hégémonique ?

La situation des occidentaux va de fait devenir compliquée. D’autant que le système mis en place par le 19ème congrès a verrouillé toute possibilité de contestation interne.

Ce que les hommes d’affaires qui travaillent beaucoup en Chine disent, c’est que le peuple chinois n’a pas dans sa culture de prédispositions pour la conquête d’ordre militaire. D’ailleurs, il est peu probable compte tenu des moyens relativement modestes que le potentiel militaire soit formaté pour exercer au delà des frontières naturelles de l’Asie. En revanche, la Chine a toutes les possibilités d’exercer sa suprématie dans le domaine économique et financier.

Le film des premiers mois de la présidence de Donald Trump est édifiant. Le président américain est arrivé à la Maison Blanche en promettant de couper les ponts aves la Chine. Son objectif étant de récupérer une industrie délocalisée en Amérique du sud.

Très rapidement, Donald Trump a changé son fusil d’épaule. Il a d’abord reçu le président chinois dans sa résidence en Floride, puis il a mis en sourdine ses projets de protectionnisme. La nouvelle gouvernance américaine a très vite appris la responsabilité et la contrainte de marché. Les conséquences du protectionnisme aveugle étaient impossibles à assumer par le peuple américain et d’abord par le bas de la classe moyenne.

L’Europe aura plus de difficultés parce que l’Europe ne fonctionne pas comme les Etats-Unis d’Amérique.

L’Europe offre un marché formidable de plus de 200 millions d’habitants avec un pouvoir d’achat confortable. Les européens sont donc de très bons clients de la Chine.

Mais l’Europe, c’est aussi un ensemble de 27 égoïsmes nationaux qui ne sont pas équipés pour aller ensemble chasser sur les terres chinoises et surtout pour opposer une attitude commune face aux investissements chinois.

Alors, on peut considérer que l’arrivée des capitaux chinois est sans importance politique pour gérer les aéroports, les équipements de transports ou même dans les terres agricoles qu’ils achètent en quantité, ou les productions agro alimentaires, mais on a sans doute tort.

L’Europe aurait intérêt à se donner les moyens pour éviter d’avoir besoin des banquiers chinois.

On doit pouvoir s’entendre et négocier avec Google, Facebook ou Amazon mais on aura beaucoup plus de mal à discuter avec Alibaba. Et Alibaba n’est qu’un exemple de monstres sacrés chinois dans l’univers du digital.

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