La Chine s’est montrée efficace en 2020 mais a quand même commis 3 erreurs majeures et voilà lesquelles<!-- --> | Atlantico.fr
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Xi Jinping Chine Pékin
Xi Jinping Chine Pékin
©STR / AFP

Signes inquiétants pour 2021 ?

Alors que l'économie chinoise bénéficie des meilleurs indicateurs pour 2021 après la crise du coronavirus, certains analystes estiment que la Chine a commis des erreurs majeures. La reprise "en K" de son économie, la disgrâce d'Alibaba et de Jack Ma et l'état des entreprises publiques vont-elles nuire à la situation du pays dans les mois à venir ?

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico.fr : Après avoir triomphé du virus, la Chine semble narguer l'Occident avec une économie qui bénéficie des meilleurs indicateurs pour 2021. Mais si beaucoup considèrent la Chine comme la grande gagnante de cette année 2020, certains analystes estiment que le pays a commis quelques importantes erreurs. Le gouvernement aurait par exemple tendance à trop sous-estimer la reprise "en K" de son économie, c'est-à-dire avec des secteurs d'activité qui ont bien rebondi et d'autres qui subissent encore la crise...

Emmanuel Lincot : Nuançons les choses: d'elle-même et ce, à la veille d'une  viste d'experts enfin autorisés à se rendre pour le compte de l'OMS sur son territoire pour enquêter sur les origines du virus, la Chine vient de revoir considérablement à la hausse le nombre de ses victimes liées à la pandémie de la Covid-19. Comment en ce sens, peut-on donner le moindre crédit aux statistiques chinoises concernant l'état réel de son économie ? Et si croissance il y a, de quelle croissance parlons nous ? A qui profite-telle ? Premier indicateur: la consommation des ménages n'est pas au rendez-vous. La majorité des Chinois épargne car l'avenir est incertain. N'oublions pas que plus de la moitié de la population vit avec 140 dollars mensuels et que la Covid-19, associée aux mesures protectionistes américaines, a considérablement affaibli le maillage économique du pays. Par ailleurs, le découplage industriel déjà en cours, annoncé par le Japon et les Etats-Unis, représente un vrai dilemne pour les autorités chinoises dans le domaine de la high tech. Sans les micro-processeurs d'origine étrangère, les velléités chinoises d'atteindre une totale autonomie sont vaines. Xi Jinping se tourne vers l'Europe car il sait que Joe Biden sera aussi ferme que rationnel à son encontre. Aujourd'hui même, un accord de "principe" sur les investissements entre Bruxelles et Pékin a été signé. Mais il ne s'agit que d'un accord de principe, précisément. Macron y est dans les faits beaucoup moins favorable que Merkel. Bref, la Chine est plus isolée qu'on ne le croit et il est urgent d'attendre car la situation est beaucoup moins saine côté chinois qu'on nous le dit. 

Selon la journaliste de Bloomberg Shuli Ren, spécialistes des marchés asiatiques, la Chine a eu tort de museler les milliardaires critiques de l'action du gouvernement. C'est le cas de Jack Ma, fondateur d'Alibaba, qui tombe en disgrâce alors que la Banque centrale chinoise a ordonné le démantèlement d’Ant Group, le bras financier du groupe. Qu'impliquerait la chute de ce géant de la tech et de la finance ?

Xi Jinping est entrain de museler l'élite entrepreunariale de son pays. Elle dissimule d'ailleurs de moins en moins son ras-le-bol concernant les mesures idéologiques prises par le régime. Elles sont inefficaces et un frein à l'innovation. La disgrâce de Jack Ma s'inscrit dans une logique inhérente aux systèmes dictatoriaux: ils sont par 'nature' vampiriques, se nourrissent de la chair de leurs enfants et organisent une crise permanente. Les gens ont peur en Chine. Ils ne le disent pas aux étrangers parce que la peur entretient la peur. Mais dans une socièté où la confiance est absente et l'arbitraire c'est à dire des sanctions qui à tout moment peuvent s'exercer à votre encontre est la règle, plus personne n'ose entreprendre véritablement. Nous entrons dans une logique d'hyper-nationalisation, ce qui est naturellement contraire aux lois du marché. C'est d'ailleurs un avertissement pour les Occidentaux.

Selon Shuli Ren à nouveau, la Chine pourrait souffrir des défauts de remboursement de ses entreprises publiques. L'Etat est-il trop indulgent envers celles-ci, alors que le secteur privé subit lui de fortes contraintes ?

C'est un autre indicateur qui nous montre que l'économie chinoise n'est pas dans le meilleur de sa forme. L'Etat soutient à bout de bras les entreprises d'Etat car il pense pouvoir les prémunir ainsi de la concurrence étrangère. La pratique du "shadow banking" ou des financements opaques a par ailleurs nourri nombre de projets à l'avenir incertain dans le domaine des infrastructures et dans des pays endettés auprès desquels la Chine a fait miroiter un avantage à les voir adhérer aux projets des Nouvelles Routes de la soie. Non seulement la conjoncture internationale leur sera pour longtemps défavorable mais la Chine ne pourra pas franchir le seuil qui lui est pourtant nécessaire en vue de changer définitivement de paradigme économique si elle n'encourage pas son secteur privé. 

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