L'homme qui ne voulait pas être pape : le livre qui révèle ce qui s'est vraiment passé lors de la renonciation de Benoit XVI <!-- --> | Atlantico.fr
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De nombreuses pressions internes à la Curie auraient poussé le pape Benoît XVI à se retirer.
De nombreuses pressions internes à la Curie auraient poussé le pape Benoît XVI à se retirer.
©Reuters

Fatum

Le dernier livre de Nicolas Diat, une enquête sans précédent dans les coulisses du Vatican, met en lumière d'autres raisons à la renonciation de Benoît XVI que le simple argument de l'âge. Commentaires du blogueur Koz et du philosophe et journaliste Gérard Leclerc.

Atlantico : Nicolas Diat, dans sont dernier ouvrage, "L'homme qui ne voulait pas être pape" (lire les bonnes feuilles ici et ici), avance que de nombreuses pressions internes à la Curie ont poussé le pape Benoît XVI à se retirer. De même, les scandales du Vatileaks et des prêtres pédophiles n’y seraient pas étrangers. Cette théorie vous paraît-elle fondée ?

Koz : Les hypothèses présentées par Nicolas Diat me paraissent fondées et étayées. Au fur et à mesure, les différentes menées et intrigues ont sans doute fini par avoir raison de la santé de Benoît XVI. C’est selon moi la conjonction de deux facteurs : son grand âge, et ce qu’il a dû supporter en interne. Le scandale du Vatileaks ne contenait rien de scandaleux en soi, mais était problématique par le fait que des personnes en interne avaient des visées spécifiques, essayaient de lui nuire. Cela a effectivement contribué à amenuiser sa santé, à l’amener à penser que face à ce genre d’affaire il fallait quelqu’un disposant d’une plus grande vigueur. Il lui fallait passer la main à quelqu’un qui pourrait prendre le dessus sur la Curie. On pourrait lui reprocher d’avoir été trop indulgent, alors qu’il aurait fallu sanctionner un certain nombre de personnes, qui ont pu continuer à mener leurs petites affaires.

Dès avant son élection, une opposition forte existait entre les cardinaux Ratzinger et Sodano, et cela ne s’est pas arrangé pendant le pontificat. Les conclusions de l’enquête sur le Vatileaks sont restées secrètes, néanmoins on a le sentiment que peu de personnes ont été inquiétées. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on compare l’état  du pape Benoît XVI à l’époque de sa renonciation, notamment lors de sa rencontre à Castel Gondolfo avec François, où courbé, il avançait péniblement, avec son allure qui était bien meilleure quelques semaine après, il ne fait aucun doute que sa charge pesait littéralement sur ses épaules.

Gérard Leclerc : Benoît XVI était à l’évidence fatigué physiquement et moralement. A son âge, le poids des responsabilités papales était sinon insupportable, au moins pénible. Il devait gérer des problèmes considérables dans cet état de fatigue, c’est donc la conjonction des deux qui a entraîné sa démission.

Parmi les problèmes à régler, on sait que des choses ne fonctionnaient pas au sein du Saint Siège, et que les commandes de l’appareil ne répondaient plus. Le pape Benoît, sentant que ses forces se dérobaient, s’est dit que la conduite de l’Eglise lui serait toujours plus pénible.

Pour ce qui est des cas de prêtres pédophiles, Benoît XVI a pris toutes les décisions qui s’imposaient, il n’y a pas de raison pour que le pape François apporte quoi que ce soit de fondamentalement nouveau. Ce n’est donc pas cela qui l’a fait renoncer.

En revanche, ce qui touche à l’adaptation de la curie romaine a été beaucoup plus déterminant. Un certain nombre de pesanteurs et d’oppositions étaient insurmontables par lui. François est un pape beaucoup plus autoritaire, et il est en train de prendre des décisions qu’aucun de ses deux prédécesseurs n’avait pu et su prendre. Bien souvent le pape était « subordonné » à la curie, alors qu’elle est censée le servir. Le nouveau pape va exiger qu’elle soit un instrument de l’autorité pontificale, et non l’inverse.

Le pape Benoît XVI était-il insuffisamment politique pour faire face aux agissements ou à l’incompétence de certains membres de son entourage ?

Koz : Le pape François se met à réformer la curie, ce qui montre une fois de plus qu’il est beaucoup plus politique que son prédécesseur. L’indulgence dont faisait preuve Benoît XVI n’aura plus cours désormais. Visiblement, il est essentiellement spirituel. Sa beauté est très grande sous cet aspect-là, mais sa fidélité en amitié l’a certainement desservi. Bien que cela ne soit pas surprenant pour un catholique d'être porté sur la miséricorde, le gouvernement de l’Église exige par moments de rétrograder certaines personnes et de remanier ses équipes.

Sa décision de se retirer a-t-elle été le fruit d’influences, ou l’a-t-il prise de son propre chef ?

Gérard Leclerc : Il n’en a parlé à pratiquement personne, sauf à son frère. C’est donc une décision purement personnelle, qui n’a pas été précédée de la consultation de certains cardinaux. Conscient de la nécessité d’une réforme de la curie, je suis persuadé qu’il est aujourd’hui très satisfait de la manière dont François a pris les choses en main.

Malgré la réalité de l’âge et des questions de santé, Jean-Paul II était resté jusqu’au bout. Comment expliquer que Benoît XVI ait décidé de se retirer ?

Gérard Leclerc : La raison est psychologique, ces deux personnalités étaient très contrastées. Jean-Paul II était un mystique, qui considérait que sa mission de pape devait aller jusqu’à la consommation totale de ses forces. Il s’agissait, comme l’a dit son secrétaire, de « monter au Golgotha », de faire de sa vie et de sa mort un exemple d’autant plus parlant que la question de la fin de vie se pose de plus en plus à nos sociétés. Sa façon de montrer comment un chrétien pouvait mourir était en quelque sorte un apostolat.

Telle n’est pas la vision de Benoît XVI, dont la psychologie est plus rationnelle que mystique. Il a considéré que le fait de ne plus disposer des facultés nécessaires était un motif suffisant pour renonce à sa fonction.

Bien que de nombreux papes aient dû être fortement diminués dans les dernières années de leur pontificat, aucun, à l’exception d’un seul cas très ancien, n’avait jusqu’alors pris la décision de renoncer avant sa mort. Plus qu’avec Jean-Paul II, est-ce en rupture avec tous les autres papes que Benoît XVI s’est positionné ?

Gérard Leclerc : Je pense que c’est la fin du pontificat de Jean-Paul II qui l’a lui-même poussé vers cette décision, qui est une forme d’adaptation à la modernité. On constate dans les régimes monarchiques que la renonciation est quasiment devenue une règle, on l’a vu coup sur coup en Belgique et aux Pays-Bas. La "retraite" est entrée dans les mœurs, même de la papauté. Et plus encore que cela, ce sont des motifs raisonnables qui ont poussé l’intellectuel Ratzinger à reconnaître devant Dieu qu’il n’avait plus la force de remplir son office.

Le pape émérite exerce-t-il selon vous une forte influence sur le souverain pontife actuel ?

Koz : Je ne pense pas qu’il y ait à proprement parler une influence, ou même un besoin d’influence. Ils se trouvent tous deux dans une communion spirituelle assez forte, avec certes des tempéraments différents, mais sur le fond ils sont très similaires. L’un et l’autre sont attachés à la simplicité, simplicité qui se traduit de manières très différentes. Benoît XVI n’avait pas remisé les ornements, mais il s’effaçait devant sa mission. Lors des JMJ notamment, il ne voulait pas se mettre en avant ; il a introduit des temps de prière en silence, ou tout le monde, y compris lui, était tourné vers Dieu. François, lui, utilise des signes qui rendent sa simplicité plus visible. De plus, du temps où il n’était que cardinal, Benoît XVI s’inscrivait contre l’opulence dont certains cardinaux pouvaient témoigner, et le cardinal Bergoglio n’était pas non plus très en cours au sein de la curie. Ce qui montre tout de même que même si cette dernière a ses défauts, lorsque les cardinaux du monde entier de réunissent, ils ne choisissent pas le pape parmi ceux qui ont le plus de défauts...

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