L'exil fiscal, nouveau sport à la mode : quelle est la destination préférée des Français et pourquoi ? <!-- --> | Atlantico.fr
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L'exil fiscal est à la mode
L'exil fiscal est à la mode
©Flickr / Images_of_Money

Au revoir, au revoir Président

Alors que l'affaire Cahuzac semble avoir décomplexé une partie des candidats à l'exil fiscal, nos voisins, plus ou moins lointains, commencent à se livrer une guerre pour attirer les Français sur leurs territoires fiscalement "paradisiaques".

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La situation économique française pousse les Français qui le peuvent vers les paradis fiscaux. C’est devenu le sport à la mode. En langage politiquement correct, les adeptes l’appellent la course à « l’optimisation fiscale ». Il y a donc des sortes de clubs où les Parisiens concernés se retrouvent et se transmettent les bonnes adresses pour pratiquer. En clair, le jeu consiste à trouver le pays de résidence et l’activité qui vont permettre de réduire au maximum la charge fiscale. Tout se passe comme si l’affaire Cahuzac avait déculpabilisé tous ceux qui sont en situation de s’expatrier. C’est tellement vrai que dans ce climat, un certain nombre de pays ont  lancé au grand jour des campagnes de communication pour attirer les contribuables français et les convaincre à l’exil dans des conditions tout à fait légales. C’est le cas du Portugal, du Maroc ou de l’Ile Maurice qui cherchent à devenir pour les Français ce que la Floride est aux Américains. Des régions au climat tempéré toute l’année et où l’impôt et les taxes seraient aussi doux que le Soleil et le sable des plages ou les greens de golf.

Alors ces campagnes ne se traduisent pas encore par des panneaux publicitaires dans le métro, mais dans les magazines de luxe, les appels sont a peine voilés. Les cabinets d’avocat ne désemplissent pas et les pays du Sud baignés par le soleil multiplient les cocktails dans les grands hôtels parisiens pour séduire leurs futurs résidents. Les grandes banques françaises, les fonds d’investissements, les conseillers en patrimoine, font de même.

Aucun avocat spécialiste ne parlera de paradis fiscal, « chez ces gens-là » le terme est tabou, on préfère présenter « des pays ou des sites » qui, dans le monde, offrent une « optimisation fiscale » en clair la possibilité d’y vivre bien en payant le moins d’impôts possible.  Et d’insister sur la facilité d’accès, les équipements médicaux accessibles. Ça compte évidemment mais le plus important, c’est le côté « paradis fiscal » et les paradis fiscaux n’existent que parce qu'il y a des enfers fiscaux.

Depuis un an, beaucoup de contribuables français sont asphyxies par le poids de l’imposition sur tous les revenus (ceux du travail comme ceux du capital) , l’ impôt sur la fortune , les successions et sur les plus-values. On arrive à des taux qui avoisinent les 70%. Ils sont obsédés aussi par l’absence de visibilité économique et fiscale. Beaucoup sont convaincus qu'il peut désormais leur arriver n’importe  quoi. A partir du moment où le gouvernement ne se décide pas à réduire le train de vie de l’Etat, à rétrécir son périmètre d’action et à diminuer de façon significative les dépenses de fonctionnement publiques et sociales, les contribuables en tirent la conclusion que la seule issue pour le gouvernement sera d’augmenter encore et toujours le poids de l’impôt.

Il y a encore deux ou trois ans, les candidats sérieux à l’exil fiscal se présentaient avec des fortunes supérieures à 10-15 millions d’euros. En deçà , les avocats déclinaient les dossiers et expliquaient que les frais étaient difficiles à amortir. Aujourd’hui, on part à Bruxelles pour moins de 5 Millions d’euros et au Maroc pour moins d’un million de patrimoine et un revenu mensuel inférieur à 5000 Euros.

A côté des destinations habituelles sont, en effet, apparues de nouvelles, destinées à  des clientèles plus modestes, des seniors retraités ou des chefs d’entreprise qui peuvent très bien grâce aux nouvelles technologies travailler ailleurs qu'à Paris dans des conditions plus confortables.

Les pays  d’exil traditionnels ont toujours la cote. La Belgique et la Suisse offrent un mode de vie très proche du mode de vie français, la tranquillité et la sécurité en plus. D’où leur succès. Mais disons qu’ils sont quand même réservés aux gens très riches. Bruxelles et Genève ne sont intéressants que pour les contribuables dotés d’un patrimoine important. Il n’y a pratiquement pas d’impôts sur le capital, les successions et donations et les plus-values ; En revanche les revenus (du travail ou des placements) sont imposés. Bruxelles et Genève continuent donc d’attirer les contribuables qui veulent protéger leur fortune personnelle. Deux à trois mille familles possédant un patrimoine moyen de 50 millions d’euros auraient quitté Paris cette année et déménagé en Belgique ou en Suisse. Et cela en toute légalité. Il existe une convention fiscale qui protège cette liberté d’installation. La Grande-Bretagne offre également, et d’une certaine façon, des opportunités fiscales aux grosses fortunes (pas d'ISF, pas d’impôts sur les plus-values, peu d’impôts sur les successions) mais les revenus sont très imposés (plus de 50%). Du coup, la Grande-Bretagne attire les créateurs d’entreprise, (ceux qui se distribuent peu de salaire mais qui espèrent  s’enrichir en vendant plus tard et plus cher leur bébé) les fortunes du Golfe, de Russie ou d’Inde. 

Les pays d’exils fiscal plus exotiques mais totalement légaux sont légions car ces pays ne sont pas sur la fameuse liste noire des paradis fiscaux dressés par l’OCDE mais ils nécessitent l’assistance juridique d’un cabinet d’avocats. Les Seychelles, Hong-Kong, Singapour ont un point commun, ils sont surtout très intéressants pour les entreprises. Pas d’impôts sur les bénéfices, pas de TVA, taux réduit sur les plus-values. Plus près de chez nous, en Europe, l’Irlande offre aux entreprises l’exemption fiscale totale pendant les trois premières années qui suivent l’installation, après le taux d’imposition est limité à 12,5%. Les impôts sur le revenu sont perçus à la source mais contrairement à la rumeur ils ne sont pas indolores, 20% jusqu’à 36 000 Euros par an, et 41% au-delà. Ceux qui sont vraiment protégés et choyés en Irlande, ce sont les artistes, les chanteurs, les écrivains et les inventeurs qui ne paient aucun impôts sur les droits d’auteurs et les royalties à condition d’être résidents exclusifs en Irlande et d y séjourner six mois, au moins la première année d'installation. D'où le nombre de groupe Rock ou Pop internationaux et d’écrivains de Best-sellers qui sont devenus Irlandais. On se doutait bien qu’il n’y allait pas pour le soleil.

Le cas du Luxembourg est particulier, c’est le seul pays cite ici qui soit inscrit sur la liste noire des paradis fiscaux non pas a cause de sa fiscalité,qui n’est pas neutre, mais à cause de sa législation qui protège le secret des affaires. Cette absence de transparence favorise le blanchiment d’argent sale venu du monde entier et cela au sein même de la zone euro, ce qui fait désordre. A priori, le Luxembourg n’est guère attirant pour un particulier sauf s’il veut dissimuler des fonds (mais c’est si rare !!!).

Chypre, qui appartient également a la zone euro, n’est pas juridiquement un paradis fiscal. Depuis son adhésion à la zone euro, Chypre s’est engagée à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, le pays s’est engagé à transmettre les renseignements bancaires etc, mais il faut reconnaître que dans sa pratique, son administration ne fait pas de zèle. Les non-citoyens de l’UE font ce qu'ils veulent. D’où l’afflux de capitaux d’origine douteuse, placés dans les banques de Chypre par des oligarques russes conseillés le plus souvent par des avocats occidentaux. Au niveau fiscal, Chypre offre un taux d’imposition réduit à 10% pour les sociétés non résidentes et un impôt sur le revenu qui va jusqu’à 35%. Les contribuables français n’ont donc aucun intérêt particulier à s installer dans l’île. Hormis l’immobilier qui est aujourd'hui très bon marché. Comme en Grèce. En Italie ou en Espagne.

La France a su, en son sein, ou presque, installer et protéger des enclaves fiscalement light.. Les plus recherchées, les plus convoitées et les plus discutées sont les zones franches. Elles ont été créés de toute pièce au cours des 20 dernières années pour favoriser l’installation d’activités dans des zones industrielles sinistrées, (en Lorraine par exemple). La caractéristique de ces zones franches c’est que les activités installées sont exonérées de tout impôt, taxes et charges sociales. Sans parler d’aides multiples à l’équipement ou à l’investissement. La zone franche préfigure ce que souhaiteraient tous les ultralibéraux, une société sans entraves ni impôt. La zone Franche présente beaucoup d’avantages, elle attire beaucoup d’activités qui pouvaient se délocaliser sans problème, un cabinet médical par exemple, ou un cabinet d’architecte… Mais les zone franches ont souvent joué des effets d’aubaines. Les centres villes se sont progressivement vidés au profit d’une périphérie en zone franche.

Des régions entières sous administration ou tutelle française offrent des avantages fiscaux. Sans parler des DOM-TOM auxquels on a renouvelé année après année le privilège de nombreuses niches fiscales, il y en a d’autres qui pourraient demain attirer des Français de l’hexagone qui regardent des opportunités avec beaucoup de gourmandise.

Wallis et Futuna, ne sont certes guère hospitaliers mais offrent une exonération totale des impôts sur le revenu pour les particuliers et pas d’impôt sur les sociétés. En revanche des droits de douane élevés renchérissent le coût de la vie quotidienne.

Plus attirant, Saint-Barthélemy aux Antilles et la Polynésie française, on ne paie ni impôt sur le revenu, ni impôts sur les sociétés, ni ISF, et très peu de droits de succession ou de donation. Ces îles sont très regardées par les seniors en retraite. On y parle le français, la sécurité sociale fonctionne, le système de santé est de qualité. Seul inconvénient, l’immobilier est inabordable et la vie de tous les jours très chère.

Mais pour les Français, le tiercé gagnant de l’exode fiscal aujourd'hui se compose, du Portugal, du Maroc et de l’Ile Maurice…

Le Portugal est devenu depuis le 1e janvier 2013, un petit paradis fiscal pour les retraités européens et notamment français. Le dispositif lancé par le gouvernement portugais prévoit que les résidents portugais qui perçoivent des retraites de source étrangère soient exonérés d’impôts sur leurs pensions privées. Dans ces conditions, les émigrés de la première heure qui ont travaillé toute leur vie en France vont pouvoir rentrer au pays et ne plus payer d’impôt. (l’avantage peut représenter jusqu’à 30 % de la pension soit pour une retraite vieillesse de la sécurité sociale près de 500 euros par mois).

Mais plus important, les retraités français commencent à faire leur calculs pour émigrer vers les plages de l’Algarve ou des Açores pour échapper à l’impôt. A un moment de leur vie où le quotient familial ne joue plus (les enfants sont partis) où l’immobilier portugais ne vaut plus rien, il va être très avantageux de s’installer au Portugal et demander le statut de résident. Seul condition : attester de 183 jours de présence annuelle au Portugal.

Le gouvernement de Lisbonne espère faire du Portugal, la Floride de l’Europe du Nord et ainsi récupérer des résidents à haut pouvoir d’achat, consommateurs de produits et de services et de générer de l’activité pour sortir de la crise .

Le Maroc applique ce modèle depuis plus de 20 ans et le Maroc a ainsi, déjà attire des milliers de Français, d'Allemands, de Hollandais qui sont venus d'abord en Mobil-home pour passer l’hiver au Sud d’Agadir et qui ont progressivement investi dans l’immobilier. Avec le prix d’un trois pièces en grande banlieue parisienne, le Français exilé peut se payer un palais. Avec une économie de chauffage et une exonération d’impôts sur le revenu, il créé deux emplois à domicile et à temps plein, un chauffeur, un cuisinier ou un jardinier etc et s'offre ainsi un niveau de vie qu' il n’aurait jamais pu se payer en France. Clientèle visée : la classe moyenne française qui se retrouve avec deux pensions de retraites pour un total de 3000 euros. En France, ils doivent se serrer la ceinture. Au Maroc, c’est le paradis.

L’ile Maurice est arrivée sur ce marche assez récemment. Craignant les conséquences d’un ralentissement du commerce de luxe, l’Ile Maurice s’est mise à séduire les candidats à l’expatriation. Dans cette île, produit du mariage réussi entre plusieurs cultures, Maurice offre désormais des avantages fiscaux incomparables aux entreprises qui s’installent sur l’île et qui se préparent à investir une Afrique en plein développement.

Parallèlement, Maurice essaie aussi de séduire les résidents particuliers qui peuvent désormais acheter en pleine propriété des terres et des immeubles (IRS ). L’achat en IRS donne aux étrangers le permis de résidence, c’est un statut équivalent à celui des Mauriciens. Pas d’impôt sur la fortune, pas d’impôts sur les donations, successions et plus-values, un impôt sur les revenus limité à 15%. Jusqu’à l’année dernière, le candidat à l’installation devait investir en immobilier au moins 1,5 Millions de dollars, ce qui réservait l’exercice aux contribuables européens disposant de moyens importants. Aujourd hui, le seuil exigé a été abaissé à 500 000 dollars ce qui élargit le marché. Maurice espère ainsi compenser les effets de la crise mondiale.    

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