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L’épuisement du petit patron français devant la relance de l’activité…
©Rob Carr / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Rien ne change

La relance de l’activité en France, le petit patron français l’attendait avec impatience pendant le confinement. Mais une fois arrivée, elle ne fait vraiment pas rêver. Elle pousse même à l’épuisement et au désir de partir. Voici pourquoi.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La relance de l’activité est le mot d’ordre officiel. Le problème est qu’aucun petit patron (mais je gage que très peu de gros font mieux que lui) ne sait exactement où il met les pieds en rouvrant son entreprise. Disons même que, comme me le disait mon expert-comptable Olivier Bouteille, personne ne sent l’avenir, et personne n’est capable de préjuger de la façon dont ça va se passer. Et c’est dans ce contexte anxiogène que l’État a repris sa manie de tout réglementer, de tout compliquer, et de passer outre toutes les marges de manoeuvre qui permettaient encore de tenir. 

La relance de l’activité, c’est le cirage complet pour le petit patron

Comme me le disait Olivier Bouteille, mon expert-comptable, la semaine dernière, personne ne sait où il va. Il est impossible aujourd’hui de sentir, dans cette espèce de semoule où chacun pédale en essayant d’avancer, vers où le marché, les marchés vont. La consommation est une inconnue absolue. Les Français dépenseront-ils rapidement l’épargne accumulée pendant le confinement ? Si oui, pour acheter de quoi ? Les modes de consommation vont-ils évoluer vers plus de durable, de local, d’écologique, de « primaire », ou bien reprendront-ils leur cours habituel ? 

Ces questions sont sans réponse aujourd’hui. Et pourtant, il faut reconstituer les stocks, rouvrir, payer les salariés, les cotisations, les fournisseurs…

La situation est particulièrement compliquée pour les commerçants et les restaurateurs, qui sont encore exposés à la peur du consommateur devant la contagion, et dont le comportement est très incertain. Certains, comme Michel Sarran, que nous citons, ont même annoncé qu’ils attendraient avant de rouvrir. "Il ne faut pas se précipiter, rouvrir trop tôt, trop vite tant que le virus circule, c'est dangereux. Nous devons avoir la certitude de garantir la pleine sécurité de nos employés et de nos clients", a-t-il écrit sur Twitter.

Affronter les risques de contagion du personnel

Comme le montre très bien une étude de la CPME sur la question, la première étape de la reprise passe par un travail de conviction auprès des salariés. Certains ont peur de reprendre. D’autres ont pris goût au télétravail et souhaiteraient le continuer, au moins pour une part majoritaire de leur temps. D’autres qui n’y ont pas eu accès adoreraient l’essayer. 

Bref, l’employeur doit remotiver ses équipes, les rassurer. Et pour peu qu’il ait un problème de trésorerie, ce travail d’explication fait monter la température. Qui s’occupe de savoir si le patron est angoissé, s’il a peur, s’il a envie de rester chez lui ? Dans tous les cas, la démotivation des salariés devant la reprise est un problème diffus, difficile à cerner, mais qui affectera la productivité des entreprises (et des administrations, déjà très basse) et leur chiffre d’affaires. 

La bureaucratie d’avant est déjà revenue

Mais la relance de l’activité n’est pas encore arrivée que déjà la manie bureaucratique a repris ses droits. Le petit patron, comme avant le confinement, doit mobiliser un temps grandissant de sa vie quotidienne dans des paperasses sans intérêt inventées par des chefs de bureau en mal d’occupations et de légitimité. Bien entendu, ces inventions rococo sont toujours pratiquées au nom de l’équité, de la solidarité, de la bonne gestion de l’État. Mais ce qui est un passe-temps pour le chef de bureau qui invente et une torture ruineuse pour celui qui le subit. 

Il suffit de voir les procédures de protection du salarié dans les entreprises pour comprendre que tout ce que le ministère de la Santé (et souvent au-delà) compte de bureaucrates obsessionnels s’est ligué pour empoisonner la vie du petit patron qui a le malheur de ne pas laisser ses salariés au chômage. La lutte obstinée de l’administration française contre l’emploi privé a repris, et elle sévira au moins autant qu’avant…

Continuer des semaines de 100 heures quand tout le monde s’arrête ?

Le sujet en filigrane est celui de la persistance d’élites incompétentes malgré la crise. On aurait pu penser que le confinement et l’effondrement économique produiraient une remise à plat du lourd appareil bureaucratique que les élites ont mis en place pour encadrer et surveiller le pays. Faute d’une remise à plat, on aurait pu espérer une prise de conscience des méfaits de cette bureaucratie sur le bien commun : sur l’hôpital, sur l’école, sur le dynamisme des entreprises et de la richesse. 

Que nenni ! le Ségur de la Santé, les discours sur l’industrie, montrent que les élites sont bien décidées à ne rien changer à ce qui nous plombe. Les hôpitaux resteront sous le joug d’une caste de comptables sans imagination qui forent la roche jusqu’à l’épuisement de la haveuse. Les entreprises ne vont pas tarder à retrouver les cortèges d’inspecteurs en tous genres qui viennent leur soutirer toujours plus d’argent comme les gabelous goûtaient la soupe des paysans pour vérifier qu’ils avaient payé le juste impôt sur le sel. 

Et malheur à tous ceux qui se défouleront sur les réseaux sociaux… Les gabelous les y surveillent et ne manqueront pas les soumettre à l’inquisition fiscale. 

Dans ces conditions, faut-il encore passer cent heures par semaine au travail, alors que tout indique que des vacances succèderont au confinement, puis des mesures sur le temps de travail qui justifieront que les entrepreneurs soient à l’avenir les seuls à encore consacrer leur énergie à un pays qui les déteste ?

La tempête fiscale approche…

Depuis bientôt trois mois, l’État a nationalisé la masse salariale du secteur privé… sans le moindre fifrelin pour financer cette audacieuse opération. On sait que l’ensemble coûte déjà 450 milliards au contribuable. L’excès de cette dépense est tel que la dette publique paraît désormais hors de contrôle. 

Les responsables de la BCE (c’est passé inaperçu en France) n’ont pas caché leur inquiétude sur ce point. Selon toute vraisemblance, malgré les plans sur lesquels Macron et la Commission Européenne communiquent, qui devraient apporter des centaines de milliards aux pays en difficulté, il faudra tôt ou tard lever massivement l’impôt pour financer des dépenses publiques que personne n’envisage, semble-t-il, de réduire. Il est à peu près acquis qu’une taxe sera levée pour financer les EHPAD, une autre servira à aider les commerçants victimes de pertes d’exploitation, et l’héritage sera taxé au premier euro pour renflouer les caisses. 

Mais le programme fiscal ne devrait pas s’arrêter là. Songez donc bien que vos 100 heures par semaine vont désormais servir à éponger le chômage partiel dont vos salariés qui n’ont pas tous envie de revenir travailler ont bénéficié… Pendant ce temps, les fonctionnaires, eux, échappent à l’effort. 

Article publié initialement sur Le Courrier des Stratèges

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