L’autre guerre qui attend Nicolas Sarkozy : celle du retour de Jean-François Copé<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-François Copé est toujours dans la course à la présidentielle.
Jean-François Copé est toujours dans la course à la présidentielle.
©Reuters

Retenez-moi ou je fais un malheur

Jean-François Copé, en guerre contre Nicolas Sarkozy qui l'a lâché dans l'affaire Bygmalion, est prêt à s'allier à Alain Juppé et François Fillon. Il demande à ce dernier de "tourner les pages de leurs querelles passées". Après l'alliance Juppé/Bayrou, le pacte Villiers/Buisson/Zemmour, c'est un nouveau front qui s'ouvre pour le président des Républicains en vue de la primaire de 2016.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Les deux hommes se font face, ça fait des années qu'ils ne se sont pas retrouvés ainsi en tête à tête. La voix du premier s'élance, sans butter : "Jérôme, fais passer le message à François. Il faut que l'on se voit pour tourner les pages de nos querelles passées". Le ton de l'homme, calme, ne laisse entrevoir ni rancune ni colère. Juste une nécessité. Car en politique, si les amis sont rares, les ennemis le sont plus encore. Jérôme Chartier est le porte-parole de François Fillon. Face à lui, un Jean-François Copé bien décidé à se frayer un chemin de retour, quelles que soient les couleuvres à avaler. Après tout, Nicolas Sarkozy s'est réconcilié avec Dominique de Villepin pour mieux affronter Juppé, le maire de Meaux n'est pas moins obstiné. Pour faire plier l'ancien président qui s'oppose toujours à sa résurrection politique mais surtout n'hésite pas à se défausser sur lui dans l'affaire Bygmalion, Copé est désormais prêt à tout. Même à se réconcilier avec son pire ennemi. Et ce rapprochement, inimaginable il y a encore quelques mois, est, à lui seul, la preuve de sa détermination. Avis au locataire du 8ème étage du 238 rue de Vaugirard qui voit ainsi se dresser face à lui une nouvelle ligne de front. Après celle de l’ouest, constituée par Alain Juppé et François Bayrou qui vise à l’attaquer sur son flanc gauche, après le front imaginé par Patrick Buisson qui souhaite, en poussant une candidature Zemmour, fragiliser le patron de Républicains sur la droite, voici que se profile le pacte des "pires ennemis". Et ceux-là sont prêts à tout.

Ce message, à peine codé, de Jean-François Copé n'est pas le premier. Depuis que Nicolas Sarkozy s'est laissé aller, après l'été, à charger l'ancien secrétaire général de l'UMP sur le mode "Bygmalion, c'est pas moi c'est lui", Jean-François Copé, furieux, a décidé de riposter à l'arme lourde. Première salve : le 6 octobre. Alors que s'ouvre le bureau politique qui doit décider de retirer à Nadine Morano la tête de liste régionale en Meurthe-et-Moselle après ses propos sur "la France, un pays de race blanche", Jean-François Copé s'assoit en face de l'ancien chef de l’État. Une façon de dire : cette fois, c'est entre toi et moi. La tension monte entre les deux hommes. "Je ne partage, ni sur le fond ni sur la forme, ce que Nadine a dit mais je trouve insupportable le procès qui lui est fait", lance Copé. Et Sarkozy de lui rappeler, ce qu'il appelle, son dérapage sur les pains au chocolat. Ambiance.

Quelques jours plus tard, deuxième salve, cette fois adressée par procuration. Dans Le Nouvel Obs, Jérôme Lavrilleux, ancien collaborateur et ami de Jean-François Copé, rhabille l'ancien chef de l’État pour l’hiver : "Dans Bygmalion, il dit : "C’est pas moi, c’est Copé." Il se défausse, il vit dans un monde irréel, et ne sait pas assumer. Les grands chefs sont pourtant ceux qui assument. L’ingratitude est la marque des faibles". Le double coup de semonce est violent d'autant qu'il laisse présager une réplique encore bien plus puissante.

En effet, Jean-François Copé prépare, en toute discrétion mais avec le plus grand sérieux, son retour sur la scène politique. C’est son arme nucléaire à lui. "Jean-François n'est pas testé pour l'instant dans les sondages, explique un proche, et s'il l'était, il ne serait sans doute pas très haut mais regardez Nadine Morano, il a suffi qu'elle annonce sa candidature pour gagner 5 à 6 points. Si Jean-François Copé se présente, à qui pensez-vous qu'il prendra des points ?". Ce proche n'en dira pas plus tant la réponse est évidente. Nicolas Sarkozy serait bien entendu la première victime. Or les primaires, si les équilibres restent tels qu'ils le sont aujourd’hui, se joueront à quelques milliers de voix. Un Copé pourrait donc coûter la victoire à l'ancien Président. D'autant que le Maire de Meaux semble tout disposé, non seulement à se rapprocher de son pire ennemi Fillon, mais aussi à discuter de son ralliement au second tour. "Celui qui aurait le plus d’intérêt à récupérer Copé, c’est Juppé. Il lui serait utile et ils sont d'accord sur pas mal de choses. Copé n'est pas si caricatural qu'on le dit, l'histoire des pains au chocolat a été mal comprise", réfléchit à voix haute une amie.

Oh bien sûr, ça n'est pas pour accabler Nicolas Sarkozy que l'ancien patron de l'UMP peaufine son come-back. Ça n'est pas en pensant à lui que Copé sillonne la France depuis des mois et des mois. Non bien sûr, comme le rappelle son ancien collaborateur Jérôme Lavrilleux : Président "il y pense depuis qu’il est tout petit". Les deux hommes continuent à se voir, une fois par mois, à titre amical. "Nous échangeons sur ce qui nous est arrivé, nous arrive et pourrait nous arriver", explique le député européen qui ajoute : "pendant que certains s'ingénient à lui envoyer des bassines de boue, il travaille en silence. Je le connais depuis 1996, j'ai été son collaborateur de 2004 à 2014, il a toujours été porté par cette idée qu'il avait un message à faire partager aux Français. On ne pourra jamais lui enlever ça".

Et c'est pour tester la validité de ce message que le maire de Meaux a entrepris un tour des régions de France qui le portera cette semaine en Côte d'Or et dans l'Indre où il rencontrera l'ancien secrétaire d’État Nicolas Forissier. "Je parcours cette France dite "périphérique" : Cantal, Cher, Dordogne, Oise, Corrèze, Vaucluse, Nord… Cette France si belle, mais parfois délaissée où les Français qui y vivent se sentent souvent tenus à l’écart, victimes de la mondialisation, alors qu’ils possèdent en eux tant d’atouts et d’énergie", explique-t-il. A chaque fois, il visite des entreprises, rencontre des électeurs et... "dort sur place et pas dans des palaces", sourit, un brin taquin, l'un de ses proches.

Parallèlement, il s'est attelé à un livre programme, "le plus abouti qu'il ait jamais écrit". Il l'a commencé au printemps, l'a poursuivi cet été, durant ses vacances en famille dans les Vosges. Il y apporte actuellement les dernières touches. Au fil des pages de cet ouvrage très personnel, il utilise sa propre histoire afin d'analyser, à travers elle, les difficultés des Français, puis il propose un certain nombre de réformes à faire en matière d'emploi, d'éducation et de sécurité et une méthode pour les appliquer. Jean-François Copé aimerait systématiser le gouvernement par ordonnance. Selon lui, il faut présenter les réformes aux Français lors de la présidentielle, les faire valider aux législatives et puis les imposer comme le Général de Gaulle l'a fait en 1958. Alain Juppé avait aussi pratiqué de la même manière en 1996 pour réformer la Sécurité Sociale. Ces idées ont, peu à peu, émergé des réunions thématiques que Jean-François Copé organise depuis des mois. Pas question de participer aux conventions organisées par Nicolas Sarkozy au sein du parti Les Républicains. "Il a dit qu'il ferait de la politique autrement à travers Génération France, c'est ce qu'il fait", prévient une amie.

Des déplacements, un livre-programme, autant de petites pierres blanches qui tracent la route d'une candidature aux primaires. Une seule chose manque, l'argent. Et dans les équipes de Copé, la question suscite un léger malaise. François Fillon, Alain Juppé, Bruno Le Maire et même Nicolas Sarkozy en cherchent depuis des mois, Jean-François Copé, lui, ne prépare rien. Convaincu qu'une campagne sobre sera "une nécessité vitale" car cela participera "de l’expression de la sincérité du message". Il a "tiré de nombreuses leçons de ce qui s'est passé et la première d’entre elle c'est que le fond doit toujours primer sur la forme sinon vous êtes un coup marketing", affirment ses proches. Le peu d'argent dont dispose Génération France et les quelques dons que la campagne de promotion du livre pourrait attirer, devrait donc suffire.

Une chose, en revanche, qui ne fera pas défaut à Jean-François Copé, s'il souhaite se présenter, ce sont les soutiens de parlementaires. Quarante cinq d'entre eux avaient fait, fin août, le déplacement jusqu'à Chateaurenard pour la rentrée politique de l’ancien patron de l'UMP. Quelques semaines plus tard, à Reims, lors des journées parlementaires des Républicains, les élus se bousculaient pour faire des selfies avec lui ou lui serrer la main. "Pour un type que l'on disait laminé, déchiqueté, le nombre de parlementaires qui n'ont pas peur de le soutenir est impressionnant. Ça n'est pas le pestiféré qu'on a voulu décrire", souligne Jérôme Lavrilleux.

Reste désormais à soigner son image auprès du grand public, et pour ce faire Jean-François Copé, qui a longtemps entendu qu'il n'était pas le même dans sa ville et à Paris, souhaite mettre en avant "l'homme de Meaux" afin de décoller dans les sondages et d'écrire la suite de l'histoire. "L'été prochain, il y aura un nouveau Chateaurenard, juste avant le début de la campagne officielle des primaires, ce sera un moment important", pronostique une amie.

L'ancien patron de l'UMP se sera peut-être alors réconcilié avec François Fillon qui pourrait bien être tenté, lui aussi, de faire du passé table rase pour mieux abattre Nicolas Sarkozy. Alain Juppé aura, qui sait, fini par entendre son appel silencieux. Un front anti Sarkozy, une alliance objective de ses pires ennemis, voilà de quoi faire trembler l'ancien président. A moins qu'il n'y ait, d'ici là, "rabibochage" car "les ennemis aujourd’hui sont parfois les amis de demain", chuchote-t-on dans l'entourage du Maire de Meaux.

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