Justice post-Taubira : un tuyau crevé fuyant par tous les bouts<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
La justice française est à bout de souffle.
La justice française est à bout de souffle.
©Flickr

A bout de souffle

Détenus relâchés faute de pouvoir être présentés à un juge, désorganisation de l'application des peines à cause de la contrainte pénale, mutineries, évasions... : la justice française apparaît aujourd'hui ravagée après le passage de Christiane Taubira.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

Voir la bio »

Privé d'un stratège visionnaire, le ministère de l'Intérieur pose des rustines. Au moins, réagit-il encore : le moment venu, une équipe ministérielle décidée sortira l'Intérieur de l'ornière et rendra aux forces de l'ordre l'envie de vaincre. Pire est le sort de la Justice : ravagée par Mme Taubira, elle est sur le flanc. Les connaisseurs de la sphère régalienne l'annoncent déjà :  passée la présidentielle, le futur Garde des Sceaux aura la tâche la plus ingrate du nouveau gouvernement. En attendant, dans la réalité des faits et sur le terrain, la justice part en quenouille. Montrons-le.

D'abord, le chaos des "transfèrements". Selon la loi, tout prévenu doit pouvoir s'expliquer de vive voix devant un tribunal. Ne peut-on le juger ? Il est libéré. Jadis, ces extractions de prévenus vers les tribunaux relevaient des policiers et gendarmes mais désormais, la tâche revient au personnel pénitentiaire. C'est raté : manque de personnels, pagaille, etc. De ce fait, 24% des détenus ne peuvent aujourd'hui être présentés au juge - près d'un sur quatre. Conséquence : le procès est reporté, ce qui encombre encore plus les tribunaux ; ou, pire encore, l'individu est froidement libéré ! Ces derniers temps, à Quimper, Poitiers, Brest, Chartres, etc. des multirécidivistes, un bourreau d'enfant, un agresseur armé, etc., ont ainsi été élargis. "Des individus dangereux", souligne la tempérée Union syndicale des magistrats (USM), qui dénonce une "situation ubuesque et scandaleuse" - et fréquente.

Ensuite, les mutineries. Poitiers-Vivonne, Aiton (Savoie), Valence : des heures durant, des détenus cagoulés saccagent et incendient ces lieux de détention, détruisent la vidéo-surveillance. A Maubeuge, à La Farlède (Var) "les agressions se multiplient". A Valence (deux émeutes en trois mois), les dégâts dépassent le million d'euros : 46 cellules hors d'usage. Alarmés, les syndicats de la pénitentiaire s'indignent de ce que "l'administration donne tout aux détenus".

A l'origine de ce ravage de la Justice, Mme Taubira et sa cour, dont la doctrine survit en mode furtif chez son pâle successeur. En voici un échantillon, œuvre d'un Diafoirus-sociologue (Libération, 9 août 2013) "Prisons : osons suspendre les incarcérations. A défaut de 'fermer les prisons' dans un avenir proche (ce qui demeure tout de même une 'utopie raisonnable') initions une politique vigoureuse, progressiste, où soit privilégiée résolument le 'toujours moins carcéral'. La prison, en 2013, n'est-elle pas, à bien y réfléchir, une pénalité aussi dépassée que le furent, en 1789, pour les hommes de la Révolution, les mises à mort spectaculaires de l'Ancien régime ?""Toujours moins carcéral" ? Pâmée, Mme Taubira institue la "contrainte pénale", version judiciaire de l'hospitalisation à domicile - on est bien mieux chez soi. S'ensuit un désastre confirmé par l'USM, pour qui "la contrainte pénale a désorganisé l'application des peines".

Evasions : le mois passé, plusieurs détenus se sont enfuis, parfois à pied, d'une ambulance... Ou en escaladant un grillage de la maison d'arrêt (Béthune, un criminel irakien poursuivi pour "violence avec arme")... Et ce braqueur qui sprinte hors de la Cour d'assises du Loiret et s'évanouit dans la nature...

Quant aux sanctions, là aussi, l'avachissement est palpable :

- Ayant braqué une pizzeria, deux criminels (le vol avec arme est un crime) "ont fait l'objet d'une composition pénale". Or cette procédure s'applique aux contraventions ou délits mineurs (menaces téléphoniques... abandon de famille... fausses alertes... outrages... sévices contre animaux) ; on y accomplit des travaux utiles, on y répare ses méfaits... Là, on en use pour un crime ! De même a-t-on récemment vu des terroristes bénéficier d'un aimable "placement sous bracelet électronique".

Encore s'agit-il de ceux qu'on a attrapé. Car plus largement, le débit de la Justice ralentit.

Ainsi, dans les tribunaux correctionnels, les "affaires poursuivables" (celles où l'auteur de l'infraction est identifié) ont diminué de 8% de 2012 à 2015, passant de 1 379 086 (2012) à 1 264 619 (2015), moins 114 467. De même les condamnés, qui étaient 293 405 en 2012, ne sont-ils plus que 276 388 en 2015, moins 6%.

Déplorons enfin le chaos des peines de prison fermes "non exécutées" : des malfaiteurs devant être incarcérés, mais en fait libres comme l'air : un stock de 80 000 à 90 000 individus - nul ne sait. Le public, le Parlement, le Garde des sceaux lui-même... Nul ne dispose de données fiables et récentes sur l'exécution des peines. Les plus à jour datent de trois ans... Telle est la justice post-Taubira : un tuyau crevé fuyant par tous les bouts. 

 (Comme d'usage, toutes nos sources et références sont disponibles sur demande)

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Quand Jean-Jacques Urvoas juge "pire que ce qu’il craignait" l’état dans lequel Christiane Taubira a laissé la JusticeFermeture des tribunaux correctionnels pour mineurs : même effaré par le bilan trouvé à la chancellerie, le nouveau ministre de la Justice persiste dans la grave erreur de Christiane Taubira

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !