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Julien Aubert : "Les Républicains peuvent être le parti qui parle à tous les Français et pas seulement ceux qui ont financé Emmanuel Macron"
©JOEL SAGET / AFP

Présidence des Républicains

Le premier tour pour désigner le nouveau président des Républicains se déroule ce week-end. Plus de 131.000 adhérents sont appelés à se prononcer. En exclusivité pour Atlantico, Julien Aubert dévoile son projet et revient sur cette campagne ainsi que sur l'état du pays et de la droite.

Julien  Aubert

Julien Aubert

Julien Aubert est ancien député de Vaucluse, vice-président des Républicains

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Atlantico.fr : Vous revendiquez une ligne gaulliste, républicaine, patriote et populaire. En quoi votre proposition est-elle différente de ce que sont déjà Les Republicains ?

Julien Aubert : Le parti, dans son état actuel, n'a pas de ligne véritablement définie, il est plutôt la réunion de courants multiples. Néanmoins, si l'on devait définir la ligne majoritaire, elle serait plutôt libérale, voire parfois néo-libérale ; incertaine sur la question conservatisme ; relativement orthodoxe sur le plan budgétaire au mépris parfois de certaines réalités sociales ; et européenne sans avoir véritablement tranché sur le fait de savoir jusqu'où nous sommes prêts à aller.

Entre la nostalgie Sarkozy, le traumatisme Fillon, la tentation Maréchal et le hold-up opéré par Emmanuel Macron sur une partie de l’électorat comme de la l’ADN de la droite, quel territoire politique peuvent occuper les Républicains aujourd’hui ? Et quelles attentes avez-vous perçu en allant à la rencontre des militants ?

Je crois que les Républicains peuvent parler à tous ceux qui ont bien compris qu'Emmanuel Macron se préoccupe en premier lieu des personnes qui l'ont financé avant son ascension au pouvoir, qu'il applique une vision dogmatique de l'économie bien loin des besoins réels du pays et qu'il met en oeuvre des stratégies qui ont déjà été testées par le passé et qui n'ont guère fonctionné... On pense ici, entre autres, à ses positions néo-libérales, et au vague progressisme sociétal qu'il tente de mettre en application. Le parti peut également séduire ceux qui se rendent bel et bien compte que la popularité de Marine Le Pen n'existe que par l'existence même de ces nombreux problèmes et qu'elle ne fait que dire à tout un chacun ce qu'il veut entendre. 

Pour ces raisons, je suis convaincu qu'il y a toujours, dans l'échiquier politique français, la place pour un parti politique qui défendrait les intérêts des classes moyennes et populaires. Un parti qui parlerait aussi bien à l’agriculteur paupérisé, qu'à l'ouvrier déclassé, qu'aux gens de la fonction publique qui ne sentent plus considérés. C'est-à-dire un parti qui parlerait à la France dans toute sa diversité. Un parti qui essaierait de trouver des pistes pour mettre fin à ces divergences territoriales qui sont en train de prendre forme sous nos yeux et à ce décalage social qui apparaît entre des élites qui quittent le territoire français et les autres, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas la possibilité de bouger et qui subissent le poids des impôts sans pouvoir rien y faire. Ce parti serait alors une troisième voie. Mais avant d'en arriver là, le parti doit définir précisément sa ligne, avoir des convictions très claires. Cette troisième voie ne peut prendre forme que si elle répond véritablement aux enjeux actuels, comme par exemple, le sentiment d'insécurité culturel ou la perte de souveraineté et qu'elle se montre ferme par rapport à toutes les lâchetés de ces 20 dernières années en matière éducative ou en matière de lutte contre l'immigration.

Un tel parti résisterait face, par exemple, à Marion Maréchal qui est bien trop libérale sur le plan économique et qui pense pouvoir répondre au sentiment d'insécurité culturel en pointant simplement du doigt les quelques 5 millions de musulmans qui vivent en France. Si aujourd'hui, une partie de la droite est tentée de se rallier à Marion Maréchal, c'est parce qu'elle estime qu'il n'y a pas mieux. Si la droite ose être elle-même, alors il ne sera plus question d'aller regarder plus à droite ou ailleurs ! 

Gérard Larcher doit présenter ce jeudi les résultats des conventions qu’il a organisées dans les régions françaises. Qu’en attendez vous ? Et le bonheur de la droite est-il dans le pré (du local) ?

Je n'ai pas d'attente particulière, je n'ai pas été associé à ces conventions. Je ne connais donc pas les objectifs que Gérard Larcher s'était fixé, ni les premiers résultats obtenus. Pour ma part, je suis concentré sur un mouvement politique qui doit retrouver de sa splendeur.  

En outre, le local peut être un moyen de s'enraciner, il n'est pas question de perdre le lien avec le local. Maintenant, une multitude de victoires locales ne fait pas un programme national. Le renouveau des Républicains ne doit pas se faire en testant nos abducteurs pour essayer d'embrasser le plus largement possible. Il doit d'abord se faire autour d'une ligne politique claire et d'une réelle vision politique. Cette démarche doit donc partir des grands principes pour ensuite s'intéresser au local et non pas d'une logique qui consisterait à écouter les gens et à faire la synthèse de leurs attentes. Néanmoins, peut être que la rencontre de ces deux processus peut donner naissance à quelque chose de plus précis. 

L’époque étant beaucoup au questionnement des choix politiques ayant façonné le monde actuel, que pensez vous avec le recul de ces décisions majeures ?

- Acte unique européen oui ou non ?

Selon moi, les chose ont commencé à déraper à partir de l'Acte unique européen. Nous n'avions pas compris, à l'époque, que la libre circulation des capitaux voulue par Jacques Delors -mais en réalité voulue par les marchés- priveraient les systèmes fiscaux des Etats membres d'une partie de leur liberté. 

- Élargissement de l’UE post effondrement de l’URSS oui ou non ?

L'élargissement à tué l'Europe politique parce que cet élargissement a été fait pour nous aligner sur la vision américaine de la géopolitique, ce qui nous a poussé à nous poser, quelque part, en adversaire de la Russie. Cet élargissement a également changé le centre de gravité de l'Europe, renforçant l'influence Allemande et, diluant, en même temps la prise de décision et paralysant l'Union.

- Création de l’Euro oui ou non ?

La création de l'euro en tant que monnaie unique a été réalisée sur des bases politiques. Le franc, il me semble, avait été surévalué par rapport à son niveau réel de compétitivité, ce qui a profité mécaniquement à l'Allemagne qui a accumulé des excédents commerciaux au détriment de ses voisins. Cela pose la question suivante : cette monnaie était censée rapprocher les peuples, mais elle a plutôt fait diverger les lignes politiques en Europe. De plus, l'euro était censé créer des emplois, ce qui ne s'est pas vu en France. L'euro était également censé devenir une monnaie internationale capable de concurrencer le dollars, cela n'a jamais été le cas non plus. 

- Politique de quantitative easing menée par Mario Draghi oui ou non ?

C'est une politique dont le but est d'éviter la récession européenne, contribuant par là-même à alimenter une forme de spéculation financière avec un risque d'explosion de la bulle, ce qui à mon avis a produit une inflation immobilière et ce qui enfin, ne me paraît pas tenable sur le plus long terme. Je crains donc le moment auquel il faudra arrêter cette politique qui a également été mise en place aux Etats-Unis. 

- Traités de libre échange et acceptation de la Chine au sein de l’OMC ?

Disons que ces traités reposaient sur une théorie économique qui, en principe, était intelligente. C'est-à-dire l'idée était de se spécialiser en fonction de l'intensité en capital ou en travail. Simplement, avec la mobilité du capital et le formidable appétit chinois, aujourd'hui, la Chine est en train de nous concurrencer sur les produits de haute valeur ajoutée. Ce qui fait que les termes de l'échange sont désormais dépassés.L'entrée de la Chine dans l'OMC, notamment, a conduit au sacrifice de nos industries textiles et bien d'autres de nos industries. Aujourd'hui, il conviendrait donc de rééquilibrer les termes de l'échange, ce qui paraît malheureusement impossible.

- Regroupement familial ?

Je pense qu'il a été voulu par la patronat dans les années 70 et qu'il a conduit à une arrivée de population qui a modifié la nature de l'immigration en France et qui dans un contexte de ralentissement de la croissance a fini par profiter au Front National et par créer des problèmes culturels. C'est donc une des grandes erreurs de la droite. Erreur, sur laquelle nous aimerions, il me semble, que les Français se prononcent par référendum.

- Accords de Schengen ?

Ils ont été une formidable opportunité pour les européens, leur donnant la possibilité de voyager et de circuler librement. Mais, étant donné que certains pays ne parviennent pas à contrôler leurs frontières, ils ont fait de l'Europe un haut lieu de l'immigration. Dès lors, le pays ayant la politique la plus attractive en termes de protection sociale ou de demande d'asile paye l'addition pour l'intégralité de l'Europe. Je pense donc qu'une révision de les accords de Schengen est indispensable. Nous devrions ainsi menacer de suspendre ces accords en mettant des gardes aux frontières -en vue de surveiller les migrants illégaux- tant que nous n'obtenons pas une évolution significatives sur le renforcement de Frontex, et sur l'harmonisation des conditions de traitement de l'immigration illégale.

Que manque-t-il vraiment a la France selon vous pour passer de la dénonciation de l’hydre islamiste à une stratégie plus efficace de lutte contre les dérives communautaristes et l’islamisme politique ?

Je pense qu'il faut poser une question très simple aux Français : soit vous êtes attachés au droit de la paix, au droit habituel qui garantit les libertés mais empêche d'arrêter quelqu’un pour de simples soupçons -par exemple d'être fiché S- soit vous considérez qu'il est inacceptable que vous puissiez être assassiné à tout moment parce quelqu'un a perdu pieds et s'est radicalisé. Si vous pensez qu'il faut préserver le modèle actuel, dans ce cas là on ne change rien mais le risque à payer est que vous soyez victime d'un attentat ; si au contraire vous considérez que votre sécurité est primordiale alors il faut revoir le système juridique, considérer que nous sommes en guerre, appliquer le droit de la guerre, créer une Cour de sûreté antiterroriste, arrêter ceux qui de toute évidence sont des mercenaires de Daech, les juger et les enfermer à vie. Cela suppose évidemment de remettre en cause un certain nombre de recours qui sont conçus pour une société en temps de paix et  d'aller vers l'efficacité. C'est vraiment un problème de liberté qui devrait être posé en ces termes. 

Je fais partie de ceux qui pensent que pour lutter efficacement contre l'islamisme, il faut en arrêter avec la lâcheté ambiante, mettre en place une justice et des peines d'exception et traiter les responsables comme les ennemis de la France. C'est-à-dire, quelque part, exactement comme les soldats de Daech nous traitaient.

Selon les enquêtes d’opinion, une part importante des militants LR seraient en faveur d’une alliance avec le RN. On sait que vous êtes contre, comme le sont vos concurrents à l’élection à la présidence. Si vous vous projetez dans l’avenir, voyez-vous néanmoins une différence entre le RN et une nouvelle droite qui tente de se structurer autour de Marion Marechal ? Et autour d’un corpus idéologique nettement moins éloigné du votre... ?   

Non, je crois que cette idée est un mythe. En revanche, je pense qu'il est possible d'unir la droite, toute la droite et rien que la droite. Il y a des individus qui en dehors des Républicains ne sont pas d'extrême-droite, même s'ils votent parfois pour l'extrême-droite, et qui pourraient nous rejoindre. En revanche, je n'ai aucune envie de m'allier avec tous ceux qui adhèrent aux théories de l'extrême-droite. Cela s'adresse à ceux qui ont une vision ethnique de la Nation et ceux qui ne veulent pas d’immigration parce qu'ils n'aiment pas les étrangers. En revanche, tous ceux qui sont opposés à l'immigration parce qu'ils considèrent que le moteur de la civilisation républicaine est à l'arrêt, ont évidemment leur place dans un mouvement Gaulliste. Maintenant, vous noterez que dans le dernier sondage du Figaro, 3/4 des adhérents des Républicains considèrent que le RN est un mouvement d'extrême-droite, donc vous voyez bien que l'idée selon laquelle l'Union des droite est un euphémisme n'est pas passée inaperçue !  

Je pense que ce que les adhérents LR souhaitent avant tout, c'est de gagner en 2022 et pour cela, il me semble clair que se mettre derrière la candidature de Marine Le Pen n'est pas la meilleure façon de remporter la victoire.

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