Gaza : Israël peut-il faire le poids face à un adversaire devenu ultra pro en com’ ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des porte-paroles du Hamas.
Des porte-paroles du Hamas.
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Conflit 2.0

Dans le conflit israélo-palestinien, le Hamas orchestre une stratégie de communication plus efficace que celle de l’État hébreux, qui repose sur des arguments moins émotionnels et plus complexes à faire entendre au sein de l'opinion.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Alors que le Hamas et Israël ont accepté un cessez-le-feu ce jeudi 17 juillet, une vidéo de Tf1 montrant un obus tiré depuis un bateau israélien la veille et tuant 4 enfants dans la bande de Gaza a été reprise par de nombreux médias et sur les réseaux sociaux. Dans le conflit qui l'oppose au Hamas, l'Etat hébreux est-il en train de perdre la bataille médiatique ? Dans quelle mesure les partisans de la cause palestinienne bénéficient-ils d'un avantage ?

François-Bernard Huyghe : Tout ceci n'apparait pas d'aujourd'hui, la guerre de l'information dure depuis longtemps. Au moment de l'opération "Plomb durci", Tsahal avait jugé que les journalistes occidentaux étaient potentiellement pro-arabe et les avait empêcher de tourner des images. Résulat : les jorunalistes tournaient des images du côté palestinien. Tsahal a nénamoins compris son erreur et a notamment investi les réseaux sociaux afin d'augmenter chances que les médias mainstream aillent voir leurs contenus. En témoigne, le compte twitter en français, en anglais et en arabe de Tsahal. Le Hamas possède bien évidemment lui aussi son compte twitter, comme tous les activistes du monde. 

Mais le problème de Tsahal est que leur message est plus complexe à faire passer. Pour le Hamas, il suffit de montrer des victimes, l'horreur et l'attrocité. Cela suffit. Du côté de Tsahal, c'est plus délicat car il faut expliquer que l'armée israelienne, qui a la force, les moyens, attaque les territoires palestiniens en situation de légitime défense. Deuxièmement qu'elle procède à des frappes chirurgicales, qu'elle prévient les civils. Et le troisième message qu'elle doit passer est que le Hamas se cache traitreusement au milieu des hôpitaux, se servant de boucliers humains. Cela fait beaucoup de messages compliqués ! Il suffit pour les Palestiniens de montrer un enfant mort et pour les Israeliens, il faudrait qu'on n'en voit aucun. Si Tsahal a des moyens de communication plus complexes, le Hamas comme le Hezbollah ne néglige pas sa communication.

Mais ce message ne passe pas lorsque vous avez la maladresse de tuer des gamins sur une plage devant des journalistes. C'est sans remède dans ce cas. I

Autrefois, c'était à celui qui vendait un beau reportage à un média de masse. Aujorud'hui c'est à celui qui a a les meilleurs relais.

Tsahal a des avantages parmi ses "relais naturels" dans le monde. Mais il en va de même pour le Hamas. Les Palestiniens ont l'avantage dans l'opinion car les 200 morts civils ne sont pas imaginaires. Les quatre enfants tués sur la plage n'ont pas été tournés en studio. Le rapport de la violence est par nature défavorable aux forts. Tant qu'elles n'ont pas perdu, les guerillas ont gagné : c'est un des principes de l'affrontement asymétique. Même si en comptant de manière classique, Tsahal tue plus, détruit plus. Mais il suffit d'attendre que l'orage soit passé pour les Palestinien de sortir dans la rue et dire "nous avons gagné" pour que l'impact psychologique soit à l'inverse de l'impact militaire.

Les images comme celles de la vidéo de ces quatre enfants peuvent-elles faire rapidement basculer l'opinion ?

Une vidéo non mais l'accumulation au fil des ans oui. peu importe le discours géopolitique, un corps d'enfant est un corps d'enfant.

On est passeédans l'opinion de l'image du soldat israelien courageux à Tsahal comme étant une force de répression sur les enfants qui tirent des cailloux. C'est l'accumulation de plusieurs années de conflit asymétrique qui a mené à cela. Evidemment, pour toute imlage d'attrocité, il y a une réponse. La période où les médias mainstream pouvaient imposer une vision de qui sont les bons et les méchants est révolue.

Autre exemple, que s'est-il passé à la synagogue de la Roquette ? On ne sait pas si des pro-palestiniens antisémites ont voulu attaquer la synagogue ou si des groupes d'extreme droite ont balancé des canettes de bières. Ou les deux. Sur des images de télé, vous ne pouvez pas dire. Si vous adhérez à une théorie, vous trouverez de quoi l'alimenter et de quoi alimenter les détracteurs. Nous sommes aujourd'hui dans une période où toute image est constestable. C'est ce qu'on appelle la metapropagande, l'objectif est de montrer que tout ce qui est favorable à votre adversaire est un trucage.

Des think tanks israeliens parlent d'aillaurs de paliwood (contraction en palestinien et hollywood) et essayent de montrer que les Palestiniens "font du cinéma", qu'ils transportent des faux bléssés sur des brancards. mais les faits sont là, les morts du côté palestinien existent bel et bien. 

Comment chacun des deux camps se sert des médias et des réseaux sociaux ?

Du côté palestinien, on utilise la vieille technique de "l'atrocity propaganda" que l'ont connait depuis 1914. Et il suffit au Hamas de ne pas se montrer à l'écran avec des lances-roquettes. On montre des victimes surtout à des opinions coccidentales qui ne supportent plus de voir les victimes d'un conflit.

Israel doit montrer qu'il s'agit de légitime défense. D'abord Israel a tenté de contrôler les caméras, mais est aujourd'hui plus subtile et envoie depuis son compte twitter des liens vers des documents plus riches pour montrer que Tsahal a pris un principe de précaution dans la guerre comme de prévenir les civils. 

Cette présence sur les réseaux sociaux peut être qualifiée de stratégie organisée et est-elle similaire à celle d'autres groupes ?

C'est à la fois organisé et spontannée. Tout groupe activiste, quelle que soit sa cause, autant les adversaires du général Al-Sissi que les partisans du marriage pour tous sont sur les réseaux sociaux. En termes d'effet de propagation, c'est hyper rentable. Car tour le monde peut mettre une video sur Youtube et des liens sur Twitter. Avec votre smartphone, vous pouvez particper à la propagande de votre cause. Du côté de Tsahal, ils donnent des métériaux à leurs partisans, des arguments poru défendre leur cause. Par ailleurs, les réseaux sociaux échappent à la censure.

C'est un très bon outil sur le terrain.C'est la super démocratisation de la guerre d'information qui était autrefois réservée aux experts. 

La rapidité avec laquelle certaines informations circulent peut-elle au final favoriser la désinformation ? A qui cela bénéficie-t-il ? 

La circulation des informations est immédiate. C'est celui qui tire le plus vite qui a tendance à gagner car l'info devient virale. La vitesse c'est un des facteurs principaux de la stratégie. Si vous mettez votre version des choses, vous augmentez vos chances que les médias classiques relaient votre info.

Que dire de la stratégie de Tsahal sur les réseaux sociaux ? Peut-elle contrer les nombreux militants de la cause palestinienne ?

C'est évidement plus efficace que ce qu'ils faisaient quand ils voulaient interdire caméra. C'est efficace auprès d'un public sympathisant mais vous trouverez de quoi alimenter la thèse que le "arabes sont des terroristes" et que les "sionistes sont des impérialistes". Au point qu'il devient quasiment impossible de se faire une opinion basée sur les faits. C'est un paradoxe alors même qu'il y a de plus en plus d'information. Je ne suis pas sûr que l'on en sache plus sur la vérité que quand tout le monde regardait le JT de TF1.

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