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Israël-Hamas : la porte du dialogue s’entrouvre légèrement
©Reuters

Tabou brisé

"Je ne crains pas les négociations avec quiconque est prêt à nous parler" a déclaré cette semaine Reuven Rivlin, le président israélien. Et d'ajouter "la reconstruction de la bande de Gaza est dans notre intérêt". En affirmant ne pas être opposé à une dialogue avec le Hamas, mouvement islamiste palestinien contrôlant la bande de Gaza, le président de l'Etat hébreu a brisé un tabou.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Atlantico : Mercredi 27 mai, le président israélien, Reuven Rivlin, a évoqué la possibilité d’engager un dialogue avec le groupe terroriste Hamas qui est à la tête de la bande de Gaza. En Israël, le rôle du président est essentiellement honorifique. Néanmoins, quel est le poids de Reuven Rivlin au sein du gouvernement ?

Gil Mihaely : Sur le plan constitutionnel, Israël est une "4eme République" avec un président "reine d’Angleterre". Néanmoins, une fois élu pour cinq ans – souvent à la fin d’une longue carrière – il peut "déborder" du cadre institutionnel par la force de son personnage. C’était le cas de Shimon Pérès, le prédécesseur immédiat de Rivlin. Quant à ce dernier, il s’agit de quelqu’un de spécial. Tout d’abord ses origines : Rivlin est issu d’une famille juive lithuanienne installée à Jérusalem en 1809. Il est donc le fils de l’un des piliers de ce qu’on appelle "l’ancien yichouv", c’est-à-dire la communauté juive pré sioniste. Le frère de sa grande mère paternelle était un héros : le premier juif à assurer la sécurité des propriétés des juifs en Palestine ottomane, il est considéré comme le "papy" mythologique des forces de défenses israéliennes. Enfin son père, Yoel Rivlin, était professeur d’islamologie et d’arabe dans la toute jeune université hébraïque de Jérusalem. C’est lui qui a traduit, en 1936, le Coran en hébreu et plus tard les contes de mille et une nuits… Au sein de la droite israélienne, Reuven Rivlin est donc un "spécimen" rarissime et les liens avec les habitants non juifs du pays fait partie de son histoire personnelle. Il a grandi dans une maison où l'on parlait arabe et où l'on vouait à cette langue un culte. Il a été toujours entouré d’intellectuels juifs et arabes imbibés par la culture arabe classique. Il connait parfaitement l’Islam et s’il y a aujourd’hui quelqu’un en Israël capable de parler (je ne dis pas négocier) avec des membres du Hamas en arabe et presque comme un des leurs, c’est bien lui. Néanmoins, il est difficile de savoir s’il s’agit d’un ballon d’essai donc d’une initiative réfléchie et coordonnée avec Netanyahou puisque bien évidement personne ne dira la vérité avant d’écrire ses mémoires dans trente ans…  

Le Hamas ne reconnait pas Israël. De plus, son existence repose sur la résistance à l'Etat hébreu qu'il considère être son oppresseur. Dans quelle mesure ce mouvement islamiste palestinien serait-il prêt à dialoguer avec son ennemi ?

Tout d’abord, le Hamas existe et gère tant bien que mal un territoire partageant des frontières avec Israël. Des échanges indirectes existent ne serait-ce que pour négocier des cessés le feu et regeler des problèmes quotidiens. Ensuite, le Hamas dure et cherche à faire évoluer sa stratégie. Son défi numéro un aujourd’hui n’est pas l’élimination de l’Etat d’Israël, mission impossible, mais essayer d'assurer son pouvoir à Gaza et miner celui de l’autorité palaisienne en Cisjordanie pour éventuellement s’en emparer aussi. La violence contre Israël est un moyen pour arriver à ces deux objectifs et non plus – comme il pourtant clairement indiqué dans ces documents officiel – une stratégie. La dernière guerre à Gaza l’été 2014 a été déclenché essentiellement parce que le gouvernement du Hamas était à la fois sous une importante pression égyptienne (depuis la chute des Frères musulmans, le Hamas est perçu par le Caire comme un ennemi et le business des tunnels  est durement affecté) et à court d’argent pour payer les salaires de ses fonctionnaires… Donc au minima, le Hamas est obligé de "surclasser" la destruction d’Israël en un espoir-idéal sans date précise (au même titre que la venue du Messie) et s'en contenter – comme tous les pays arabes depuis 1948 – en attendant des relations plus ou moins étroites avec Israël pour pouvoir atteindre des objectifs plus terre à terre…                        

Quels sont les intérêts du gouvernement israélien à engager des pourparlers directs le Hamas ? Et quels sont ceux du Hamas ?

Pourparlers est un grand mot… Pour Israël aujourd’hui une solution définitive n’est pas possible et il faut donc "gérer" le conflit au moindre coût. Ainsi, le Hamas est un "bon client" car pour lui non plus un accord définitif n’est pas à l’ordre du jour. Il faut donc trouver une manière de rendre les irruptions violentes plus espacées et moins meurtrières. Et cerise sur le gâteau, cela permet à Israël  de jouer Gaza contre Ramallah et vice versa.    

"Israël et le Hamas ont des intérêts communs, comme la paix et le calme pour encourager la croissance et la prospérité (…)" a expliqué le général Turgeman, commandant de la région miliaire sud. Le récent tir de roquette vers le sud Israël provenant de la bande de Gaza en début de semaine a été attribué au Jihad islamique palestinien et Benjamin Netanyahu a précisé que le Hamas était responsable de cette violence. Les tirs de roquette sont-ils en passe de devenir le sport national d'un autre groupe terroriste que le Hamas ? Ce dernier aurait-il changé de stratégie face à Israël ?

Quand on dit que le Hamas "contrôle" Gaza le mot contrôle n’a pas le même sens qu’en Europe. La "République arabe de Gaza" souffre des mêmes problèmes que le Yémen, la Syrie, l’Irak, le Liban, la Libye voire l’Algérie et la Tunisie et il est donc impossible pour quiconque d’y assurer un niveau de gouvernabilité occidentale. Même l’Egypte, pourtant le plus vieil Etat arabe, n’arrive pas à contrôler le Sinaï !  En même temps, le Hamas est aujourd’hui un moindre mal non pas parce qu'il est foncièrement modéré mais tout simplement parce qu’il est au pouvoir et souhaite y rester. Quand le Fatah était au pouvoir, le Hamas jouait le rôle du Jihad islamique… Maintenant ses leaders ont d’autres intérêts et donc une autre vision du monde.    

Propos recueillis par Rachel Binhas

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