ISF : il fallait taxer les grosses assurances vie<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
ISF : il fallait taxer les grosses assurances vie
©

Fiscalité

La réforme de l'ISF et la suppression conjointe du bouclier fiscal sont-elles justes et efficaces ? On pouvait faire mieux, à commencer par taxer les grosses assurances vie, estime Hervé Mariton, député UMP de la Drôme.

Hervé Mariton

Hervé Mariton

Hervé Mariton est ancien ministre, député-maire de Crest, délégué  général de L’UMP chargé du projet, et président de Droit au Cœur.

 

Voir la bio »

La réforme de l’ISF est-elle satisfaisante et réussit-elle à ne pas entamer les recettes fiscales dont nous avons besoin. Permet-elle une certaine justice sociale ?

C’est courageux d’entamer une réforme de l’ISF. L’objet même du travail de parlementaire, c’est d’améliorer les réformes. Je regrette que l’on n’ait pas adopté le projet de suppression totale de l’ISF. Le gouvernement a calé sur le projet visant à taxer les très gros contrats d’assurance vie. La question de l’assurance vie dans notre pays est taboue, les grands contrats se sont cachés derrière les petits pour faire échouer ce scénario. Cela aurait mérité un peu plus d’attention, pour permettre une suppression de l’ISF. Je pense que cette réforme aurait été plus forte et plus efficace ainsi. Le gouvernement a choisi dans son projet une autre voie. Mais ma première satisfaction, en voyant la réforme présentée par le gouvernement, c’est que 300 000 foyers ne seront plus concernés par l’ISF.  De plus, la loi que j’ai proposée et que le gouvernement a adoptée, explique que cette réforme doit être active dès 2011. Sans cette loi, la réforme aurait été effective en septembre 2012, donc après les élections présidentielles, ce qui n’avait pas de sens.  

Bercy n’a pas su résister à la difficulté que l'on rencontre souvent. Elle consiste à travailler sur le bas de la colonne, là où se trouvent le plus grand nombre de gens. Il y a une réforme de l’ISF qui est favorable aux grandes, voire même, très importantes fortunes. Puis une autre réforme qui est nettement moins favorable aux fortunes se situant entre 1,3 et  2 millions d’euros, puisque en dessous d’1,3 million, on ne paye pas l’ISF. Le lissage de la réforme permet que les contribuables n’y perdent pas, mais autour de 1,4 million d’euros, il existe encore des contribuables qui y perdraient.

En tout cas, on est, en valeur absolue et en pourcentage, dans des gains et des réductions d’impôts par rapport à la réforme, très inférieurs à ceux réalisés par les fortunes très élevées. Que le gain soit plus faible en valeur absolue, ce n’est pas choquant. Mais que le gain soit nettement plus faible en pourcentage, cela pose un problème. En effet, pour financer la réforme, Bercy a mis dans le filet une grande cohorte qui est celle du bas de la colonne. Le problème est que pour atteindre très rapidement des chiffres de rapport important du nouvel impôt, on prélève l’impôt au premier centime et non pas au-dessus du plancher. L’impôt est prélevé au premier euro alors qu’il est déclenché à partir d’un plancher. Cela pose un vrai problème de principe.

On pouvait très facilement mettre la barre bien au-dessus, si on considère que l’ISF part bien d’un plancher d’1,3 million d’euros. Par ailleurs, il y a des contrats d’assurance vie qui se chiffrent en millions d’euros, sur lesquels, aujourd’hui, il y a un problème de justice fiscale. La plupart échappent à la fiscalité ordinaire.

Certaines personnes vont être fortement taxées alors que les très riches ne le seront pas ou moins, à vous entendre. Est-il impossible de faire payer les grandes fortunes en France ?

Cela ne va pas simplifier l’acceptation sociale de l’ISF. Mon collègue Gilles Carrez dit souvent que l’ISF est un impôt honni des Français. Autour d’1,3 million d’euros, il va y avoir un problème. Il y a plus de monde en dessous de 2 millions d’euros qu’au-dessus. Comme ils sont plus nombreux, on essaye de les appréhender. Pour ceux qui ne bénéficient plus du bouclier fiscal cela peut être une réforme couteuse au final pour eux.

Et quelles seront les répercussions au niveau de la transmission du patrimoine ?

Je commence à voir monter des réclamations de notaires sur l’alourdissement massif de la transmission du patrimoine. Le président de la République a dit : « au lieu de taxer le patrimoine, nous allons taxer les revenus du patrimoine ». La réalité de la réforme c’est qu’on taxe moins le patrimoine, encore moins ses revenus mais on taxe son flux. Il y une grande différence entre revenu du patrimoine et flux du patrimoine. Typiquement, on taxe les successions et les donations. L’augmentation des droits de succession sur les héritages les plus importants, ce n’est pas grave. Le passage de 6 à 10 ans sur la période de transmission, avec une franchise de 160 000 euros par donataire, c’est audible. Mais si on ajoute à ces deux dispositions, la proposition qui vise a diminuer de 50 % le droit de donation payé par un donateur de moins de 70 ans, c’est redoutable. Plus clairement cette réforme explique que pour certains l’impôt sera quasiment doublé.

Ne faut-il pas tout remettre à plat ?

Non je ne pense pas. Quand je vois les raisonnements périlleux de Thomas Piketty [économiste proche du PS, NDLR] l’écho donné à ses travaux, la manière dont sont présentés ses chiffres avec des présentations arithmétiques malhonnêtes, la manière dont il conseille des prélèvements obligatoires, je suis choqué. Je ne veux pas qu’on fasse table rase du passé. Mais chaque réforme doit être regardée de très près. J’ai fait partie du groupe de travail, avec Bercy, pour préparer la réforme de la fiscalité du patrimoine. Ce travail de préparation a permis d’éviter des choses assez  baroques comme la fiscalisation des plus-values d’attente. Une fois que le gouvernement a présenté sa copie, et on revient sur le rôle même du Parlement, il est du devoir de celui-ci de ne pas considérer sa copie comme parfaite. L’ISF aujourd’hui n’est pas familiarisé et encore moins conjugalisé. Par ailleurs, l'abattement de 150 euros pour chaque enfant à charge n’a pas été réactualisé depuis fort longtemps. De plus, si deux personnes célibataires ont un patrimoine d’un million d’euros et se marient, se pacsent ou déclarent leur concubinage, elles se retrouvent avec un patrimoine de 2 millions d’euros, donc elles payeront l’ISF. C’est une amende à l’union. Si on pouvait avancer sur ces deux questions, ça ne serait pas inutile. En particulier pour rendre la réforme moins injuste à l’égard des jeunes actifs, car d’un côté cette réforme favorise les riches de plus de 70 ans. Ce n’est pas un projet de société en soi. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !