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Avec la mondialisation, 
l'industrie française doit miser 
sur le haut de gamme
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La compétitivité racontée autrement

Comment l'industrie du luxe peut relancer l'économie française. Épisode (4/5) de notre feuilleton sur la compétitivité racontée autrement.

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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Feuilleton : "La compétitivité racontée autrement"

Episode 1 : Le tourisme, ce grand oublié du discours des candidats
Episode 2 :Compétitivité par la qualité : Allemagne 1 - France 0
Episode 3 :La compétitivité de la France passe aussi par la créativité et le design


Face aux pays émergents, les Français ont le sentiment qu’ils n’ont d’autres solutions que le retour au protectionnisme ou l’alignement par le bas, c’est-à-dire par la baisse des coûts. Pourtant, face aux nouveaux géants, un autre choix est possible : celui de se différencier par le haut.  D’abord en exportant en Chine des produits  technologiques comme des Airbus ou des centrales électriques. Mais aussi et surtout en améliorant la qualité de notre production, en faisant de la « montée en gamme ».

Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil sur l’un des fleurons de notre commerce extérieur : l’industrie du luxe.

Un fleuron qui se fait très discret mais qui représente le second excédent de notre balance commerciale, juste après l’aéronautique, avec un solde de 14 milliards d’euros en 2009 ... soit deux fois le solde de nos exportations de médicaments ou de produits agro-alimentaires !

Le succès du luxe à la française trouve son origine dans le « luxe d’exception », fondé sur un savoir-faire dont la production reste essentiellement artisanale et proche des métiers d’art : travail du cuir, etc. Ce luxe d’exception permet d’asseoir une forte réputation, ce qui permet ensuite de commercialiser des produits de « luxe accessible », en grande série, comme les parfums ou les montures de lunette. Grâce à la maîtrise de la qualité, à l’image de marque, les entreprises du luxe parviennent à fixer des prix relativement élevés par rapport à leurs coûts de production. Pour fixer les idées, les profits (mesurés par l’indicateur comptable du « résultat net ») sont de l’ordre de 13 à 15% dans l’industrie du luxe, contre moins de 5% dans la plupart des industries. Pas étonnant dans ces conditions que la valeur boursière d’une entreprise comme LVMH soit 15 fois plus élevée que celle d’une entreprise comme Peugeot, qui affiche pourtant  un chiffre d’affaires deux fois supérieur !

On peut également noter que le segment du « luxe d’exception » repose sur une forte qualification des salariés, ce qui limite la tentation des délocalisations. En effet, les savoir-faire restent essentiellement tacites et difficilement transférables, tandis que le besoin de contacts permanents, de la création à la fabrication, entre le donneur d’ordre et les PME favorise également la proximité géographique. Le luxe d’exception constitue donc un gage de pérennité de l’emploi en France, sur une grande partie de la chaîne de valeur. Sur le segment du « luxe d’exception », la mondialisation prend même un tour inattendu et paradoxal : loin de nuire aux ouvriers, elle valorise leur savoir-faire, qui va s’exporter dans le monde entier ; « l’intelligence de la main », le travail manuel sont remis à l’honneur. On sort de l’univers du travail à la chaîne, déqualifié et répétitif, pour retrouver celui du tour de main et de l’excellence.

Quel enseignement peut-on tirer de ce succès pour l’ensemble de notre appareil productif ?

Le message essentiel est que pour résister à la déferlante chinoise, la meilleure riposte est la montée en gamme. L’exemple récent de Lejaby l’illustre d’ailleurs parfaitement : forte de la qualification de ses salariées, l’usine spécialisée dans la corsetterie va être reconvertie dans le travail du cuir et du textile haut de gamme, pour le compte d’une maison du luxe.

Autre exemple : la chaussure de ville. Les importations chinoises, massives, se concentrent essentiellement sur le bas de gamme et la gamme moyenne. Il existe donc un créneau à valoriser, surtout à l’exportation : le haut de gamme. Les Italiens l’ont bien compris et ont massivement investi avec succès ce segment de marché, en misant sur la différenciation des produits : innovation technologique (Geox), qualité des matériaux et de la finition, logique de petites collections tournées vers les dernières tendances de la mode.

Les Français ont aussi des atouts pour s’imposer sur ce marché : dans la région Rhône Alpes, à Romans, existe une tradition d’excellence dans la belle chaussure depuis le milieu du XIXe siècle. On dit même de la ville de Romans qu’elle est le berceau, la capitale mondiale de la chaussure. Des ouvriers hautement qualifiés y fabriquent des paires depuis 1850 pour des chausseurs de renom. Mais faute de créativité, ce secteur a décliné lentement, au point de frôler la mort il y a quelques années (faillite de Charles Jourdan, de Stephane Kélian) ; non pas à cause des Chinois mais parce que nous n’avons pas su nous renouveler. Quelques marques comme Clergerie ont survécu et, après avoir délocalisé leur production à l’étranger, reviennent aujourd’hui produire dans la région, tandis que de nouvelles entreprises comme Louboutin se développent, en dépit de coûts salariaux plus élevés.

En misant sur le haut de gamme et la qualité, l'industrie française de la chaussure est en train de renaître de ses cendres et de partir à la conquête du monde.

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