Immobilier et transition énergétique : la catastrophe silencieuse qui vient<!-- --> | Atlantico.fr
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Un immeuble aux fenêtres condamnées, à Marseille, en février 2021.
Un immeuble aux fenêtres condamnées, à Marseille, en février 2021.
©NICOLAS TUCAT / AFP

Passoires thermiques

La législation sur les passoires thermiques va aggraver la crise du logement. Les locataires et les propriétaires seront pénalisés.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Un plan contre les passoires énergétiques fait craindre une pénurie de logements. Quelle est son ampleur ?

Philippe Crevel : On parle d'ici le 1er janvier 2025 de 600.000 logements en France qui ne seront plus susceptibles d'être mis à la location.  Sur 38.000.000 logements en France en résidence principale, 58% sont des propriétés et 40 pourcents environ sont en location. La plupart des appartements parisiens se trouvent entre les classes énergétiques D, E et F sachant que ce sont les appartements classés G qui ne seront plus mis en occasion à partir de 2025.

 En 2028 c'est F qui est visé et en 2034 c'est E donc on serait à plus de 2.600.000 logements qui seraient interdits pour finir. 

La question des passoires thermiques et de leur rénovation doit-elle particulièrement nous inquiéter  ?

C'est un plan entre 2025 et 2034 qui impose des travaux de rénovation qui peuvent être importants pour un certain nombre de logements. Ça peut soit conduire les propriétaires à retirer de la location et ça ne peut que restreindre l'offre qui est déjà limitée en France soit de vendre de manière anticipée le logement -c'est un peu ce qui se passe aujourd'hui-. 

La 3ème solution est d’effectuer des travaux sachant que ces travaux coûtent plus cher avec l'inflation et qu’il y a une absence d'offre sur le secteur du bâtiment qui a du mal à répondre à la demande. Pour un certain nombre d'investisseurs locatifs, ce sont des problèmes à la fois de coûts et de réalisation technique. 

Et pour les futurs locataires est-ce que ça pourrait constituer une situation où ils se retrouveraient avec une vraie pénurie de logement disponible pour leur location ?

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600.000 logements dans toute la France sont visés donc c'est vrai que sur un marché tendu -en particulier dans les grandes agglomérations où se concentrent une partie non négligeable des passoires thermiques- ça peut compliquer la donne. C'est pour ça qu'il est important à mon avis qu'il y ait un accompagnement des propriétaires pour réaliser les travaux dont profiterons les locataires -les passoires thermiques ont souvent des montants de chauffage importants et souvent des conditions de vie dégradées-. Il ne faut quand même pas oublier que ce plan a pour objectif d'améliorer les conditions de vie des locataires et il faut évidemment qu’il n’aboutisse pas à une raréfaction de l'offre. 

Il faut évidemment associer à un accompagnement des propriétaires pour effectuer des travaux mesure d’incitation et aides le cas échéant pour les propriétaires les plus modestes pour améliorer les conditions de vie des locataires. 

Comment éviter que cela se traduise justement par une raréfaction de l'offre trop importante ?

Premièrement il faut une action d'accompagnement de la filière du bâtiment pour former des professionnels. Aujourd'hui il y a un manque de professionnels sur tout ce qui est économie d'énergie et même parfois sur des activités de bâtiments classiques. Et déterminer des aides peut-être plus importantes que ce qui n'existe aujourd'hui pour réduire les coûts pour les propriétaires les plus modestes qui devront faire face à des travaux de rénovation thermique importants.

Est-ce que le risque aussi n'est pas que la rénovation thermique face augmenter les prix des loyers et donc privé un certain nombre de de de ménages ou de de personnes modestes de de potentialité d'accès à des logements aujourd'hui

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Mais au fait, quel impact a vraiment l’inflation sur le budget de l’Etat ?

Il y a peu de logement modeste en centre-ville et en plus ce sont des passoires thermiques c'est vrai. Les propriétaires pourraient évidemment répercuter une augmentation des coûts de rénovation -sachant que malgré tout il ne faut pas oublier que dans un certain nombre de grandes villes dont Paris il y a un encadrement des loyers- et c'est pour ça qu'il faut des mesures quand il y a des encadrements de loyers qui permettent de prendre en charge une partie des coûts de rénovation.

Il faut faire le bilan des éventuels surcoûts pour les locataires et d'autre part les gains en matière thermique pour avoir une vision complète. 

Est-ce que les dispositifs actuels pour lutter contre les passoires thermiques sont-ils suffisants et assez incitatifs pour éviter qu'on se retrouve avec une crise du logement ?

On a un problème qui est le manque de logement dans certaines agglomérations, dans les grandes villes, la région parisienne mais également maintenant les grandes agglomérations en région et également dans certains lieux touristiques comme la Corse, le bassin d'Arcachon où les locaux ont de plus en plus de mal à se loger. Le problème de la crise logement existe et il y a un problème qui dépasse les questions énergétiques qui est la réflexion du foncier. Il y a évidemment entre la non-artificialisation des sols et la nécessité de loger tout le monde des contradictions. 

D’une part il y a une volonté des pouvoirs publics et des Français de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'autre part de limiter les dépenses d'énergie. C'est pour ça que la loi climat a prévu des mesures coercitives qui sont malgré tout les seules qui fonctionnent pour réaliser les travaux qui avaient déjà été prévu en 1973 lors du premier choc pétrolier où il y a eu des demandes pour réaliser des travaux d’améliorations en ce qui concerne ce qui était donc thermique au niveau des immeuble.

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Est-ce qu’au vu de la perspective de ces interdictions des passoires thermiques on se dirige vers une catastrophe vue l'état de la situation et vous pris aujourd'hui ?

Nous sommes pris dans d'énormes contradictions. Nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous ne voulons pas forcément dépenser plus et nous souhaitons dépenser moins pour l'énergie mais nous ne souhaitons pas forcément dépenser plus pour les loyers. Les propriétaires ne sont pas forcément prêts à dépenser plus en travaux surtout s’ils considèrent qu'ils ne peuvent pas répercuter sur les loyers. C'est vrai que c'est explosif et comme nous sommes dans une société où il n’y a pas énormément de consensus, ça peut être une source de colère et de mécontentement. Donc oui c'est complexe et il faut de la pédagogie, il faut de l'accompagnement.

On voit qu’en ce moment la question est celle du pouvoir d'achat de la vie chère et donc il y a des revendications de hausse du salaire et de hausse du pouvoir d'achat de manière générale, si justement ces hausses sont accordées mais que de l'autre côté le parc immobilier coûte de plus en plus cher, est ce que on se retrouve dans une situation perdant-perdant ?

Depuis une trentaine d'années, les Français doivent faire face à des augmentations des prix du logement, loyer où acquisition. Ce qui explique en grande partie un ressenti de perte de pouvoir d'achat. Il n’y a pas eu de perte de pouvoir d'achat en France en matière réelle mais il y a une perte de pouvoir d'achat relatif. C'est-à-dire que les dépenses réengagées ont augmenté ce qui a un peu restreint les dépenses libres. Donc il est certain que si ce processus se poursuit il y aura les mêmes conséquences, certaines frustrations et un sentiment d'injustice.  Je dirais que ce n'est pas lié simplement à la transition énergétique, c'est lié à l'appréciation des prix de l'immobilier depuis une trentaine d'années qui est forte et qui pénalise les jeunes actifs et ceux qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale et qui n'ont pas à rembourser leurs emprunts. C'est la problématique globale du logement, on n'a pas réussi en France à construire suffisamment de logements depuis une trentaine d'années. 

Est-ce qu’il est possible de tenir tous les pans de l'équation et ede faire en sorte que tout ça aille ensemble ?

On retient que la communication politique aujourd'hui est de plus en plus complexe parce qu’à la fois on est en temps réel car il y a une pression des réseaux sociaux, des chaînes d'information permanentes. Et on doit faire face à une succession de crises rapides d'une ampleur sans précédent et c'est vrai que l'exercice est complexe pour les gouvernements. Il faut à la fois expliquer en pleine crise ukrainienne qu'il faut faire de travaux pour économiser l'énergie et également réduire les émissions de gaz à effet de serre et que cela se traduira certainement par des dépenses supplémentaires. Donc c'est vrai que c'est compliqué et on voit que ce n'est pas un exercice facile pour les gouvernements. 

Comment expliquer l’essoufflement des transactions et la chute des prêts que l’on semble constater ? Quelle est la responsabilité des taux d'usure ?

Nous étions sur un niveau de transaction post-Covid élevé. Il est assez logique qu’il y ait un retour à la normale. Il est accentué par la hausse des taux d’intérêts. Le ressenti des courtiers en matière d’emprunt est relativement démenti par les statistiques des emprunts, qui progressaient encore en aout dernier. Ce qui peut expliquer le sentiment, c’est que les courtiers sont moins favorisés par les banques qu’ils ne l’étaient auparavant. L’augmentation des taux avec des prix de l’immobilier qui restent élevés augmente l’exclusion que représente, quoi qu’il arrive, un achat immobilier surtout pour les primo-accédants sans apport.

Concernant les taux d’usures, ils sont révisés trimestriellement selon les taux d’intérêts du trimestre précédent. C’est un ajustement avec retard qui peut expliquer certaines difficultés. Mais c’est un plafond fait pour protéger les épargnants. 

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