Idées reçues sur l'assurance : votre mutuelle vous rembourse-t-elle mal ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient « Idées reçues sur l'assurance » aux éditions du Cavalier bleu.
Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient « Idées reçues sur l'assurance » aux éditions du Cavalier bleu.
©FRED DUFOUR / AFP

Bonnes feuilles

Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient « Idées reçues sur l'assurance » aux éditions du Cavalier bleu. Les assurances nous accompagnent au quotidien et pourtant, nous en avons une connaissance souvent lacunaire. Elles nous apparaissent techniques et déshumanisées, d'autant que, lorsque nous les sollicitons, c'est qu'un problème plus ou moins grave est arrivé... Extrait 2/2.

Cédric Pironneau

Cédric Pironneau

Cédric Pironneau, spécialiste de l'assurance, est cofondateur de SPVIE Assurances, acteur majeur du courtage en assurance.

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Jérémy Sebag

Jérémy Sebag

Jérémy Sebag, spécialiste de l'assurance, est cofondateur de SPVIE Assurances, acteur majeur du courtage en assurance.

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Avec le sentiment de « payer trop », le sentiment d’être mal remboursé est l’autre « versant » des personnes qui se disent mécontentes de leur mutuelle. Alors les mutuelles françaises remboursent-elles mal ? Répondre à cette question est complexe car il y a presqu’autant de contrats d’assurance que d’assurés. D’évidence le taux de remboursement dépend du contrat souscrit par l’entreprise, qui peut être plus ou moins généreuse. Il dépend également du coût de l’acte médical effectué dont on a vu qu’il pouvait être très différent en fonction de l’endroit où l’on habite, mais aussi du médecin que l’on choisit librement (certains dépassent les honoraires, d’autres non).

Bref, il n’y a pas de règle générale quant au remboursement, mais une possibilité, quasi infinie, de situations qui peuvent évoluer tout au long d’une vie, au gré des changements de carrière, des déménagements, des aléas conjugaux et autres « pépins » de santé ainsi que des choix de l’assuré lui-même à la fois en tant que « consommateur » de soins (assumer vouloir voir des spécialistes qui pratiquent des dépassements d’honoraires) et en tant qu’assuré (combien est-on prêt à payer pour se couvrir du risque santé ?)

Si certaines personnes estiment devoir bénéficier de meilleurs remboursements, en plus de ceux proposés par le contrat souscrit par leur entreprise, elles peuvent souscrire à une « surcomplémentaire ». Une surcomplémentaire santé est ainsi un supplément à la complémentaire santé. Elle a pour but de mieux rembourser des postes tels que les frais d’optique ou dentaires, les dépassements d’honoraires ou encore les « médecines douces » (acupuncture, homéopathie, hypnose, kinésiologie, ostéopathie…).

L’intérêt pour les salariés est de consolider la prise en charge de leurs frais de santé grâce à un troisième niveau de garantie, le premier niveau étant l’Assurance maladie et le deuxième étant la complémentaire santé d’entreprise.

Prenons un exemple concret : un salarié se fait poser une couronne dentaire qu’il paie 580 euros avec une base de remboursement Sécurité sociale (BR) de 107,50 euros, remboursée à 70 % du BR, soit 75,25 euros au titre de la prise en charge de la Sécurité sociale. La complémentaire de l’entreprise offre un remboursement fixé à 130 % de la BR, soit 139,75 euros (130 % de 107,50 euros). Soit un remboursement de la Sécurité sociale et de la mutuelle entreprise qui s’élève 215 euros. Le reste à charge (ce que le salarié doit payer de sa poche) sera de 365 euros. Mais s’il a souscrit un contrat surcomplémentaire il pourra faire baisser encore ce reste à charge. Imaginons que ce contrat de surcomplémentaire prévoie une garantie de 225 % plus un forfait de 100 euros, l’assureur lui versera donc au maximum à ce titre la somme de 241,87 euros (225 % de la BR de 107,50 euros + 100 euros de forfait = 341,87 euros). Finalement, son reste à charge ne sera plus que de 23,13 euros. Bien sûr, pour bénéficier de cette couverture surcomplémentaire il faut cotiser plus : bénéficier d’une meilleure couverture est aussi un choix personnel et dépend de l’aversion au risque de chacun.

Par ailleurs, l’État a imposé par la loi (avec les contrats dits « responsables ») de bloquer le montant maximal de remboursement à deux fois la base (BR) pour tenter de limiter la croissance des dépenses de santé. Ce choix est du fait de l’État, pas des mutuelles. Il en résulte que, par exemple, cette mesure étant nationale, le coût du reste à charge est mécaniquement plus élevé pour les urbains (là où les dépassements d’honoraires sont plus fréquents) que pour les ruraux. Ainsi, avec ces contrats, les remboursements couvrent 100 % de la base Sécurité sociale, mais pas 100 % des soins dont les montants excèdent souvent ces montants (spécialistes, optique, dentaire…). 100 % de la base donc mais pas 100% du coût réel, ce qui peut entraîner des confusions, des incompréhensions voire des frustrations de la part de certains assurés qui peuvent avoir le sentiment que la promesse du remboursement n’est pas tenue.

Le système français permet également d’avancer la plupart des frais de santé (un patient sur 8 sort de l’hôpital sans avoir par exemple un centime à débourser et la présentation de la carte vitale et de son attestation d’assurance suffisent la plupart du temps à être remboursé directement sans avoir à avancer au préalable le moindre euro !). Ce système efficace et généreux présente toutefois un inconvénient : il ne permet pas aux assurés de savoir combien coûtent réellement les soins ou actes dont ils bénéficient. Cela peut générer un rapport faussé au prix, et donc au remboursement.

Ainsi, prenons l’exemple d’une personne hospitalisée cinq jours pour une opération chirurgicale (non complexe et se déroulant correctement) dans une clinique privée conventionnée. Ce séjour a un coût réel de 6 699 euros (opération comprise). Sur ce montant, la Sécurité sociale prend en charge deux tiers du coût environ soit 4 346 euros, c’est-à-dire la plus grande part des frais d’hospitalisation et de chirurgie. Si le patient ne disposait pas de complémentaire ou de surcomplémentaire, il devrait donc s’acquitter personnellement de 2 353 euros à la sortie de l’hôpital, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas pris en charge par le régime général (ticket modérateur, dépassement d’honoraires, forfait journalier, chambre individuelle et éventuels frais de confort comme la télévision, etc.). En d’autres termes, sans mutuelle, un séjour à l’hôpital serait ruineux, mais il est rare que le patient en ait conscience car, s’il est bien assuré, il n’a pas besoin de sortir sa carte de crédit en quittant l’établissement de santé. Cette impression erronée de gratuité n’aide pas à prendre conscience de l’ampleur du remboursement supporté par la Sécurité sociale et les complémentaires.

Enfin, deux populations sont moins bien couvertes que la moyenne : les retraités et les fonctionnaires. Les retraités sont couverts dans le cadre de la loi Évin qui leur donne le droit de conserver à l’identique le contrat dont ils bénéficiaient quand ils étaient encore actifs (avec les mêmes droits et les mêmes cotisations). Dès la deuxième année de retraite, les cotisations peuvent augmenter. Et, au bout de trois ans, la cotisation est libre. Cette loi est critiquable : alors que la consommation médicale est le double à 72 ans qu’à 42 ans (et que les questions de santé sont différentes : grossesse par exemple), il y a peu de sens (pour l’assureur comme pour l’assuré) de conserver les mêmes garanties et les mêmes remboursements. On pourrait toutefois imaginer un dispositif de cotisation durant la vie active pour financer la prise en charge des coûts de santé qui explosent à la retraite.

Les fonctionnaires viennent quant à eux à peine de bénéficier d’un remboursement de leurs cotisations de complémentaire santé de 15 euros par mois, versés par l’État ou les collectivités concernées, depuis 2022. Un montant bien inférieur au coût réel des complémentaires. Ce remboursement est une première étape vers la prise en charge de la mutuelle santé qui sera élevée à hauteur de 50 % dès le 1er janvier 2024. En cela, ils bénéficient d’un régime moins favorable aujourd’hui que les salariés du privé. C’était jusqu’à présent un choix de l’État-employeur qui ne s’imposait pas les règles qu’il édictait pour les employeurs privés.

Toutefois, la tendance générale est nettement à la baisse du reste à charge : entre 2009 et 2020, le reste à charge des ménages est ainsi passé de 15,6 milliards d’euros à 13,6 milliards d’euros, soit une baisse de -12,8 %, alors que la CSBM (agrégat central des comptes de la santé qui représente la valeur totale des biens et services consommés pour la satisfaction des besoins de santé individuels) a augmenté de +23 % sur la même période (+17 % en prenant en compte l’accroissement de la population). Ainsi, le reste à charge des ménages est passé de 244 euros par habitant en 2009 à 202 euros par habitant en 2020, soit une baisse de -17 %, selon une étude de l’Institut national de la consommation.

Ce reste à charge en France est également le plus bas de tous les pays de l’OCDE.

Ainsi, la France est la championne du monde de la couverture santé. La générosité des assureurs et mutuelles n’y est pas pour rien.

Extrait du livre de Cédric Pironneau et Jérémy Sebag, « Idées reçues sur l'assurance », publié aux éditions du Cavalier bleu

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