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Hier, "rien à voir avec Daech", aujourd’hui, "ils souffrent tous de pathologies psychiatriques" : et la presse tomba dans la folie du déni
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Bonnes feuilles

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, à Paris, Sarah Halimi est battue à mort avant d’être défenestrée. Malgré des preuves flagrantes, il aura fallu près d’un an pour que la justice retienne le caractère antisémite de l’acte. Pire encore, ce crime a longtemps été occulté par les médias. Pourquoi ce silence ? Quelle est cette gêne pour nommer la nouvelle haine des Juifs ? Extrait de "Le Nouvel Antisémitisme en France" chez Albin Michel (1/2).

Courant juillet 2016, le terroriste de Nice devint un psychopathe connu pour sa violence et Daech s’attribua opportunément son geste. Quelques semaines plus tard, l’homme du village de vacances qui agressa à l’arme blanche une mère et ses trois filles fut déclaré schizophrène, et le tueur de Munich reçut un diagnostic de dépression, son acte devint celui d’un forcené ressemblant à celui du Norvégien d’extrême droite qui avait endeuillé son pays il y a cinq ans. L’homme qui tua à la machette une femme enceinte et blessa trois personnes avant de tenter d’attaquer, toujours à la machette, une voiture de police, avait commis un crime passionnel, et celui qui s’était fait exploser à quelques mètres d’un festival de musique en Allemagne en juillet  2016, ses munitions chargées de clous et de métal susceptibles de produire un carnage, avait lui aussi un passé dépressif avec soins psychiatriques et tentatives de suicide. Rien à voir avec Daech, rien à voir avec le terrorisme islamique.

C’est ce que je découvris stupéfaite dans la presse de ces jours-là où se succédaient quotidiennement, en France et en Allemagne, des attentats commis par des musulmans extrémistes qui semaient la terreur mais n’étaient plus des attentats terroristes, n’avaient plus d’auteurs (effacement des noms propres), donc plus de responsables, mais étaient le fait de pauvres types à soigner. Aussi habituée que je sois aux ressources de la perversion, je fus bluffée par la rapidité du camouflage des dénis dans des habits inédits, ceux de la psychiatrisation bienvenue .

Et les journalistes de télévision de répéter docilement ces diagnostics, supposés soutenir des slogans tels que  : « aucun lien avec l’État islamique », participant ainsi, et pris eux-mêmes, dans la transmission des dénis collectifs.

Comme si la propagation de la haine et la propagande n’étaient pas de nature à engendrer des pulsions meurtrières chez ceux qui peuvent s’y identifier. Si toutes ne portent pas la signature explicite de Daech, endoctrinement, djihad, Syrie, ceinture d’explosifs, meurtres de masse, revendications, elles n’en sont pas moins les effets directs.

La folie du déni, qui ne connaît plus de limites, a entrepris un nouvel endoctrinement –  osé, il faut bien le reconnaître  – et qui en sidère plus d’un  : la psychopathologisation des terroristes. Ce phénomène nouveau marque une étape inédite dans la torsion des réalités. Pour les fanatiques du déni, cela pré- sente de multiples avantages  : escamoter tout lien avec ce que nous avons à connaître, à redouter et à combattre, endormir la population, en rangeant au chapitre des faits divers, voire des chiens écrasés, des événements jugés sans lien les uns avec les autres,  faire des bourreaux des victimes, victimes des  autres, victimes de leurs propres pathologies, et surtout faire douter l’honnête citoyen de ce qu’il perçoit, de ce qu’il ressent.

Hier, « rien à voir avec Daech », aujourd’hui, « ils souffrent tous de pathologies psychiatriques » ou « le tueur était fragile psychologiquement ».

Puisque la psychopathologie est à l’ordre du jour, je vais en faire et vous parler de la pensée perverse. Non pas pour gloser sur la structure d’un assassin et tenter de le disculper en le dirigeant vers l’irresponsabilité, ni pour noyer le poisson –  le poison  – de l’antisémitisme dans le dissolvant de la psychiatrie, mais pour donner des outils à opposer à ce paradis de la non-pensée qu’est la perversion. Pour fournir des concepts sur la « pensée » perverse qui ose faire de l’assassinat de Mme Halimi un fait divers dépouillé de tout lien avec son contexte (« rien à voir avec Daech ») et privé par l’instruction, durant onze mois, du caractère aggravant d’acte antisémite. Une pensée ? mais est-ce une pensée, dont le maître mot est le déni, le déni idéologique, les dénis collectifs, le déni d’État, et le déni du déni, autrement nommé forclusion ?

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