Happy Birthday ! Mais pourquoi la reine d'Angleterre est-elle si populaire ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Happy Birthday ! Mais pourquoi
la reine d'Angleterre est-elle
si populaire ?
©

God save the Queen

Ce samedi, la reine Elizabeth II célèbre son 86e anniversaire. En son honneur, 41 coups de canons seront tirés au cœur de Hyde Park ainsi qu'un peu partout dans la capitale britannique. Une journée de réjouissances qui réaffirme la popularité de la souveraine chez les Anglais.

Marc Roche

Marc Roche

Marc Roche a été journaliste au Soir, au Quotidien de Paris et au Point, avant de rejoindre l'équipe du Monde. Il publie également dans des journaux britanniques (The Independant, The Guardian) et participe à l'émission Dateline London de la BBC News. Ses écrits concernent principalement les institutions financières (Goldman Sachs) et la monarchie britannique.

Il est notamment l'auteur de Elizabeth II : Une vie, un règne et Elizabeth II : La dernière reine aux éditions La table ronde.

Voir la bio »

Atlantico : Le reine Elizabeth II fête ce samedi son 86e anniversaire. L'événement donnera lieu à Londres à quelques réjouissances, puisque 41 coups de canons seront tirés en son honneur à Hyde Park et dans d'autres lieux célèbres de la ville. Après plus d'un demi-siècle de vie et de règne que représente la figure de la reine pour les anglais ?

Marc Roche : La société britannique voit en la reine Elizabeth II le symbole de la stabilité constitutionnelle car son règne est basé sur une règle de succession simple et intangible qui la maintient au-dessus de la mêlée politique. Ensuite face aux forts mouvements indépendantistes de l'Écosse, elle est aussi le symbole de l’unité de la nation. C’est la représentante du Commonwealth, grand réseau d’Outre-Mer qui permet au pays, si on utilise une expression pugilistique, de boxer en-dehors de nos frontières et au-delà de son poids. Plus basiquement, elle est chef de la religion anglicane, et des armées. Même si ces fonctions ne sont qu’honorifiques, cette fonction lui donnent une légitimité lors des déplacements en Afghanistan ou aux Malouines par exemple.

Et enfin, l’une de ses plus importantes fonctions, que l’on a tendance à oublier en France, c’est qu’elle est à la tête d’un réseau caritatif et philanthropique qui regroupe près de 6.000 organisations et dont le rôle décisif permet de pallier aux carences de l’Etat-Providence.

Quelle est la particularité du règne d'Elizabeth II ? 

La grande particularité du règne de la reine - bien qu’il est connu des hauts et des bas - est sa longévité. En effet, elle règne depuis soixante ans et si elle tient quatre ans, ce qui ne serait pas étonnant puisqu’elle est en bonne santé, elle battra le record détenu par la reine Victoria.

Ensuite, la reine a eu l’intelligence de ne jamais donner d’interview. Personne ne sait ce qu’elle pense. On devine que politiquement, elle est dans un centrisme à l’ancienne, paternaliste, ainsi si l’on était en France on pourrait penser qu’elle voterait François Bayrou. Mais là encore ce ne sont que des suppositions. La reine, elle-même ne s’est jamais prononcée. On n'a jamais rien su de ce qu’elle pensait des chefs d’Etats étrangers qu'elle a reçu alors même qu’elle a rencontré tous les présidents de la République française.

Cependant, elle n’a jamais risqué sa place au-dessus de la mêlée diplomatique. C’est cet art, qui consiste à régner sans jamais prêter le flan à la critique au niveau institutionnel - elle a tout de même essuyé quelques turbulences publiques notamment lors de la mort de Lady Diana ou encore lors de la question du remboursement de l’incendie du château de Windsor - qui permet d'assurer qu'elle s’est acquittée de sa tâche, exercée avec dévouement, jusqu'à y sacrifier sa famille et ses loisirs. C’est la raison pour laquelle les britanniques lui font honneur lors des événements marquants de sa vie.

Dans sa position de souveraine n'a-t-elle jamais eu la tentation d'intervenir dans les affaires politiques ?

Le Souverain, selon la prérogative constitutionnelle, ne règne que sur "les esturgeons, les baleines et les cygnes de son royaume". Par ailleurs, elle a le droit de donner son avis au Premier ministre, qui peut la consulter, mais elle n’a pas le droit de s’opposer à sa décision. Or, il y a un nombre incalculable de décisions de ses Premiers ministres – elle en a eu douze – avec lesquelles, elle était en désaccord. Les plus connues ont été l’interdiction de la chasse à courre, la décentralisation de l'Écosse et du Pays de Galles décidée par les gouvernements Blair, ou encore l’autorisation du Pacs homosexuel. Mais même si elle avait donné son avis, cela n’aurait rien changé.

En dépit de tout cela, elle n’est jamais sortie de ces prérogatives, et personne ne connaît la teneur de ses conversations avec le Premier ministre, car il n’y a pas de traces écrites, mais les rares indiscrétions qui en sont sorties sont que la reine pose des questions, écoute, mais prend garde à ne pas s’engouffrer dans un débat politique avec lui.

Cette attitude stricte est-elle récompensée par l'attitude des anglais ? La reine est-elle réellement populaire ? 

Elle n’a jamais été aussi populaire que maintenant, ceci dit, ce n’est pas par charisme – moi qui l’ai rencontré plusieurs fois, c’est quelqu’un de froid, distant, réservé, timide, peu portée sur les échanges, qui ne s’intéresse pas beaucoup aux gens et qui vit sous une cloche dorée depuis 1936 quand elle est devenue princesse héritière – mais ce que les britanniques apprécient, c’est que la reine symbolise le calme et la discrétion, à l’inverse de son fils Charles qui lui a donné son avis sur tout et n’importe quoi. D’ailleurs, cette attitude posera problème au moment de la succession bien qu’elle soit encore lointaine. En effet, malgré son âge elle ne laissera pas le pouvoir, car en Angleterre, au contraire des Scandinaves, des Hollandais et des Belges, on n’abdique pas. Donc, elle suivra la tradition. Cela implique que le prince Charles lui succédera même très âgé et il y aura une lieutenance générale du royaume dans laquelle le prince pourrait demander plus de prérogatives.

Cependant, s’il arrivait que la reine devienne sénile, alors selon la loi du Regency Act, le Prince de Galles pourra exercer sa régence.

Il y aura-t-il un risque de discontinuité entre le règne d'Elizabeth II et le futur règne du Prince de Galles ?

Il y a un risque que le Prince Charles en raison de son ordre du jour, très progressiste en matière de médecine parallèle, d’euchuménisme religieux, de lutte contre le racisme, la pauvreté et l’exclusion et à la fois très conservateur, constitue un souverain plus controversé que sa mère. Mais, quand il montera sur le trône il sera âgé et n’y restera pas longtemps, suppose-t-on. En revanche, le Prince William, beaucoup plus conservateur que son père, fera un monarque beaucoup plus dans le moule de sa grand-mère, plus traditionnel, plus effacé et n’intervenant pas dans les affaires politiques.

Dans les familles royales, l’ordre de succession sera respecté quoi qu’il arrive. Le Prince Charles, en dépit de sa nature plus fantasque sera dans la continuité, ainsi que son fils William. Mais Charles ne pourra plus prendre les positions publiques, qu’il prend aujourd’hui en tant que Prince héritier car ce serait bousculer l’équilibre institutionnel qui veut qu’au Royaume-Uni c’est le Premier ministre qui gouverne et c’est le roi qui règne.

Propos recueillis par Priscilla Romain

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !