Guerre en Ukraine, inflation : 2023, un avenir troublant débute<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine lors d'une réunion à Paris en 2019.
Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine lors d'une réunion à Paris en 2019.
©Alexey NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

Perspectives pour 2023

Les sanctions économiques et financières envers la Russie nous rappellent que l’économie est une arme stratégique. Ce retour de la guerre symbolise, pour l’Europe, l’échec d’un système international en trompe-l’œil.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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En ce début d’année, j’aimerais souligner, sans rechercher l’exhaustivité, des défis pour l’année 2023. Non pas ceux qui accompagnent ce premier quart de siècle : défi climatique, défi alimentaire, défi démocratique, réduction des inégalités, vieillissement démographique… Comme si le passage d’une année à l’autre faisait repartir à zéro le compte à rebours de nos urgences. Je parle des enjeux qui se jouent ici et maintenant, hérités de l’année qui vient de se finir et dont les arbitrages affecteront le temps long.

Il y a 1 an, on pouvait espérer que l’économie mondiale allait se relever de la crise sanitaire sans trop de séquelles. L’inflation qui pointait ne devait être que transitoire et les chaînes d’approvisionnement devaient se remettre des confinements. Des espoirs qui ont été balayés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’Europe a fait, en 2022, un étrange voyage, forcé, dans un monde qu’il croyait oublié, ou relégué aux marges : la guerre.

Comme tout affrontement d’hier, ce conflit nous parle d’acteurs, de victimes, mais aussi de nous, de nos mondes, rêvés ou réels. Cette guerre signe la décomposition d’un monde - celui que l’Occident a voulu depuis trente ans, référence universelle - alors que tentent de percer des mondes contraires. Elle n’est pas régionale car l’Occident semble vouloir y lire l’affrontement métaphysique des démocraties et du totalitarisme mais aussi parce que le reste du monde signifie son dédain. Si la Russie est isolée au plan économique, elle ne l’est pas au plan politique. On n’est pas seul quand la Chine, l’Inde, les pays de l’ASEAN, les pays les plus importants de l’Afrique et du Golfe persique refusent ou évitent de s’aligner sur l’Occident.

A cet égard, les sanctions économiques et financières envers la Russie nous rappellent que l’économie est une arme stratégique. Ce retour de la guerre symbolise, pour l’Europe, l’échec d’un système international en trompe-l’œil. Le mascaret économique et démocratique devait être inarrêtable, l’ouverture des échanges et l’affichage de l’humanisme occidental, faire de la dynamique démocratique « l’horizon indépassable de notre temps »…

Mais la stratégie d’isolement de la Russie interroge le plus long terme : comment la mondialisation, portée par des accommodements réputés « universels », survivra-t-elle à un affrontement où une des premières réponses à l’agression a été le débranchement de la Russie du système bancaire SWIFT ? L’effet pourrait être lourd de conséquences pour les pays émergents, dont le dialogue perdure avec Moscou, et confirmer la volonté de constituer des espaces économiques plus étanches.

Si ce conflit a rappelé aux Européens leur dépendance aux livraisons russes de pétrole et de gaz, l’urgence est à la reconfiguration de leur système énergétique qui doit se combiner aux ambitions de la transition énergétique. Avec les perturbations logistiques, la flambée du prix des matières premières et le risque de fragmentation durable de l’économie mondiale, les objectifs de déploiement affichés par l’Union européenne constituent un immense défi industriel.

Par ailleurs, ces dernières années ont engagé l’ensemble des économies dans un étranger périple en « absurdie », celle d’une dette qui semble infinie et quasi-gratuite pour les Etats, sous la tutelle bienveillante des banques centrales, avec une réaffirmation en trompe-l’œil du rôle des Etats sur les grands choix d’investissement, notamment ceux dont dépend l’avenir de la planète. Or, ce régime d’exception est en passe de se transformer en régime permanent, dont nous ne possédons pas encore les logiciels de pilotage, de contrôle et de modération. 

Enfin, un autre défi est celui de la sortie mentale, culturelle et intellectuelle de ces dernières crises. En 2023, nous aurons le sentiment ambivalent d’être dans la sortie des crises sanitaire et géopolitique et d’être engagés dans un monde en rupture - et non dans le monde d’après - avec l’espoir d’une cicatrice moins profonde sur la croissance, l’emploi et le commerce international.

N’oublions pas, toutefois, que les recompositions d’après-guerre ressemblent rarement aux projets. L’Histoire est en train de s’écrire sous nos yeux. Nous sommes en train de vivre une transformation aussi importante que la montée de l’interventionnisme des Etats après la Seconde guerre mondiale ou la libéralisation / mondialisation des marchés des années 1990.

Au revoir 2022, bonjour 2023. Une année trouble qui se termine, un futur troublant qui débute.

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