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Grève du 5 décembre : le conflit social sur les retraites place écolos & décroissants au pied de leurs 1001 contradictions
©LUCAS BARIOULET / AFP

Fibre sociale

Après les sabotages d'Extinction Rebeliion et les positions affichées, les militants de l'écologie et de la décroissance dévoilent au grand jour la vraie nature de leur idéologie.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico.fr : Des sabotages d'Extinction Rebellion aux prises de paroles concernant la réforme des retraites, les militants de l'écologie "décroissantiste" semblent révéler, dans le contexte social actuel, la vraie nature de leur idéologie. 

En soutenant les grèves, tout en refusant le développement d'alternatives au transport en commun, les écologistes radicaux ne montrent-ils pas qu'ils n'ont pas forcément la fibre sociale ?

Pierre Bentata : Ceux qui, parmi les écologistes, se comportent de la sorte n'ont d'écologiste que le nom. C'est une antienne bien connue qui se confirme ici: derrière le vernis écologiste des courants radicaux tels qu'Extinction Rebellion, il y a un marxisme primaire qui désire imposer à tous un mode de vie unique. Mais il s'agit d'un marxisme particulier, puisqu'il reprend à son compte la dialectique de la lutte des classes avec tout ce que cela implique d'anticapitalisme et même de refus de la liberté individuelle mais refuse la notion de croissance économique. C'est donc un marxisme sans création de richesse, sans prospérité, bref, le marxisme tel qu'il s'est toujours concrétisé dans les faits.

Partant de ce constat, il est clair que "la fibre sociale" ne peut qu'être absente du logiciel de ces activistes. La liberté de chacun et l'émancipation de tous sont subordonnées à la révolution anticapitaliste et antisystème. Voilà comment on peut lire sur le compte twitter d'Extinction Rebellion que les trottinettes électriques ont été détruites au motif qu'elles seraient des "casseuses de grève". Au fond, il n'y a rien de vraiment nouveau: derrière la moraline de ces écologistes d'un genre particulier, et fort heureusement minoritaires, se cache, bien maladroitement, les velléités totalitaires des révolutionnaires rouges. 

D'autre part, défendre la retraite par répartition, est-ce cohérent avec la défense d'une forme de décroissance économique ? 

Bien sûr que non! Et c'est là que l'on voit apparaître dans toute sa splendeur l'incohérence d'une idéologie politique devenue croyance religieuse. La retraite par répartition consiste à financer les retraites d'aujourd'hui grâce aux richesses créées par ceux qui sont actifs aujourd'hui. Ce système n'est viable qu'à condition qu'il existe plusieurs actifs occupés pour un retraité - au moins 4 actifs par retraité dans l'idéal. Avec l'allongement de l'espérance de vie et la baisse de taux de fertilité, le système devient mécaniquement intenable. Pour le sauver, il n'existe alors que deux solutions: accroître la richesse créée par chaque actif, afin que chacun finance davantage les retraites ou accroître le nombre d'actifs. Or, c'est deux solutions sont immédiatement et par nature disqualifiées par les adeptes de la décroissance puisqu'ils tiennent la croissance économique et la croissance démographique pour responsables de ce qu'ils considèrent être une crise écologique. 

Le paradoxe qui consiste à vouloir protéger un système de retraite qui est en tout point opposé à leurs recommandations générales s'explique alors par le fait que la raison a cédé la place au dogmatisme: tenant l'économie de marché pour responsable de tous les maux et l'intervention publique pour seule garante du bien-être, toute réforme qui laisserait entendre que le système public est défaillant est considérée comme une attaque contre leur propre idéologie, même si le système actuel est contraire à leurs objectifs.  

La question de la dépendance des personnes âgées dans notre système économique n'est-elle pas, entre autres sujets, un des impensés de l'écologie radicale ? 

Encore une fois, il faut s'entendre sur ceux que l'on nomme les "écologistes radicaux". Si l'on pense aux anticapitalistes primaires du type Extinction Rebellion, ou aux collapsologues et autres théoriciens de l'effondrement, il est clair que la question de la dépendance ne les intéressent guère. Ou plutôt, dans la croyance religieuse qui est la leur, ils considèrent que cette question, comme tant d'autres, se résoudra d'elle-même, par miracle, une fois la révolution aboutie. Bien évidemment, il s'agit d'une illusion, d'une forme de fanatisme, puisqu'on le sait, soutenir les personnes en situation de dépendance et améliorer leur quotidien requiert d'importants investissements dans les nouvelles technologies aussi bien que dans les infrastructures. Vouloir imposer la décroissance implique nécessairement de réduire les dépenses et l'activité et l'argument selon lequel on pourrait mieux redistribuer ou allouer les ressources ne tient pas car pour innover et investir, il faut produire des richesses et donc avoir de la croissance.

Sur ce point, on ne peut que déplorer le manque d'humanité de ceux qui, sous couvert de protection des intérêts des générations futures, oeuvrent sciemment à la réduction du bien-être de nos parents et grand-parents. 

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