Le "grand emprunt" nous sortira-t-il de la crise ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy a indiqué qu'une "vingtaine de milliards d'euros", sur un total de 35 milliards, "auront été engagés" d'ici fin 2011.
Nicolas Sarkozy a indiqué qu'une "vingtaine de milliards d'euros", sur un total de 35 milliards, "auront été engagés" d'ici fin 2011.
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Désirs d'avenir

Nicolas Sarkozy a indiqué qu'une "vingtaine de milliards d'euros", sur un total de 35 milliards, "auront été engagés" d'ici fin 2011, lors d'une conférence de presse sur les investissements d'avenir ce lundi matin. Où en est donc le "grand emprunt" lancé en pleine crise, fin 2009, par le gouvernement ? Faut-il creuser la dette pour relancer la croissance ?

Jean-Luc Gaffard

Jean-Luc Gaffard

Jean-Luc Gaffard est économiste au sein de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Professeur à l'Université de Nice - Sophia Antipolis, il est membre Senior de l'Institut Universitaire de France.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy a défendu ce matin lors d'une conférence de presse le "grand emprunt" lancé par son gouvernement fin 2009. Quel bilan en faites-vous ?

Jean-Luc Gaffard : Il est trop tôt pour faire un bilan sachant que la majorité des investissements ne sont pas encore effectués. Il est donc difficile de mesurer les conséquence de ce "grand emprunt", qui sont de toute façon des conséquences à moyen terme.

Nicolas Sarkozy a annoncé que "d'ici à la fin de l'année, sur les 35 milliards d'euros, c'est une vingtaine de milliards d'euros qui auront été engagés pour des projets précis"...

“Engagés” veut dire essentiellement que l’on a constitué un capital qui donne lieu a versement d'intérêts lorsqu’il est notamment placé auprès de l’agence française du Trésor ; les bénéficiaires vont recevoir ainsi les sommes en intérêts concernées dans la plupart des cas. Les projets, eux, sont bien engagés au sens où vous avez un certain nombre de projets qui ont été retenus en particulier en matière d’enseignement supérieur et de recherche : ces projets ont été retenus par le commissariat aux investissements d’avenir et font l’objet d’un financement garanti car comme les intérêts sont versés aux récipiendaires, on échappe aux ajustement budgétaires annuels donc aux variations susceptibles d’affecter les dépenses du gouvernement d’une année sur l’autre. L’intérêt de l'opération est donc de pérenniser et de garantir les ressources dont vont bénéficier les projets en question.

Que pensez-vous des secteurs retenus (enseignement supérieur, recherche, PME, développement durable, économie numérique) ?

Ce choix me semble tout à fait naturel et normal, surtout lorsqu'on sait que la croissance dépend en particulier de l’activité de recherche et développement et de sa capacité à créer et développer des produits retenus par le marché. Je pense donc qu'il s'agit d'une très bonne chose d’aller dans cette direction-là.

Peut-on estimer l'impact de ce "grand emprunt" sur la croissance à venir ?

Non et ce n’est pas très sérieux de faire ce type de calcul. La croissance économique dépend de nombreux autres paramètres que les simples dépenses de recherche et développement. Il est donc très difficile de quantifier et mesurer l’impact  - x % de croissance - sur l’activité. Nous ne sommes sûrs de rien. Quand un malade a le cancer, il faut le soigner sans savoir s’il sera guéri. Nous sommes dans une situation de crise forte où l’État prend des mesures, dans le cas présent, qui me semblent sérieuses et raisonnables : il utilise de l’argent public pour réaliser des investissement qui sont potentiellement porteurs de croissance économique.

Peut-il avoir un impact négatif sur la dette, comme redouté par certains socialistes ?

Il faut savoir s’il l’on doit tout de suite éliminer les déficits publics ou si l’on utilise les déficits publics pour assurer la croissance économique. Chaque fois que vous vous endettez davantage mais au bénéfice d’"investissements d’avenir", puisque c’est le terme retenu, cela est évidemment favorable à la croissance. Cela signifie que si ces investissement sont effectivement producteurs de croissance, la croissance future permettra de rembourser la dette. Et donc la dette aura permis la croissance.

Ce type de "grand emprunt" n'est pas le premier lancé par l'État...

Absolument. Il appartient historiquement à l’État, en tout cas dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, de réaliser des investissements d'infrastructure qui concernent les routes, les autoroutes ou l’urbanisme par exemple. Comme lorsque le gouvernement Pompidou lança l’opération de la Défense qui correspondait dans les années 60 et 70 à de gros investissement publics porteurs de croissance. Ce qui est vrai c’est que nous sortons d’une période où l’on pensait qu’il fallait un gouvernement minimum, or il se trouve que la crise économique s’est rappelée à notre bon souvenir, et il a bien fallu pratiquer des interventions immédiates pour pallier une aggravation trop forte de la crise. Maintenant on s'aperçoit que le gouvernement a aussi un autre rôle que simplement conjoncturel mais qu’il peut également réaliser ou soutenir des investissements de long terme.

Le président de la République a insisté ce lundi sur la sécurité nucléaire et les énergies renouvelables. Qu'en pensez-vous ? 

On a un problème pour disposer d’énergie nécessaires et la croissance veut dire beaucoup de consommation d’énergie. Nous sommes confrontés à la fois à un problème global et à un problème de diversité de nos sources d’énergies. Donc le fait de renforcer la sécurité nucléaire dans un contexte où il n’est pas question de sortir à court terme du nucléaire et en même temps de lancer des investissement qui permettent de développer des énergies autres que le nucléaire, comme les énergies renouvelables notamment, me semble une très bonne chose.

Pensez-vous que ce "grand emprunt" est ou sera bien perçu par l'opinion lors des prochaines échéances électorales ? 

L’opinion n’a aucune raison de mal percevoir ce type d'opération. C’est une intervention publique au bénéfice de l’enseignement supérieur et de la recherche, donc au service de toute la société. Maintenant que les préoccupations des individus ne soient pas tout à fait celle-là aujourd’hui, cela me semble clair. Ils sont surtout préoccupés par leur pouvoir d’achat ou le niveau d'emploi qui ne sont pas directement impactés par ces investissements. Imaginer que les citoyens vont percevoir immédiatement les effets de ce type d’opération, c’est évidemment absurde. Les investissements en questions auront un impact sur la croissance à 5-10 ans, pas à 3 ou 6 mois. Il serait donc absurde de penser qu’il s’agit d’une opération électorale ou qu’elle puisse avoir un impact électoral.

On peut penser que la droite comme la gauche poursuivront cette politique après 2012...

C’est tout à fait vraisemblable. Il y a un véritable enjeu qui est de dire que si l'on veut sortir de la crise, il faut relancer la croissance et donc si l'on veut réduire la dette à moyen terme, il faut relancer la croissance : il n’y a pas d’autres solutions. Si vous diminuez les dépenses publiques, vous risquez en réalité d'affaiblir la croissance. Il faut certainement éliminer les dépenses publiques inutiles mais il est très important de réaliser des dépenses publiques aujourd’hui qui éventuellement accroissent la dette mais restent porteuses de croissance. Il s’agit dans tous les cas d’une opération à moyen-long terme. Et c’est le but du gouvernement d‘avoir une vision à moyen et long terme alors que la vision des marchés est par définition plus court-termiste. L’État joue donc dans cette affaire un rôle tout à fait complémentaire de celui des marchés, il ne se substitue pas aux marchés ni aux entreprises, il créé un environnement pour que les entreprises restent ou redeviennent efficaces.

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