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Grand Débat : le revenu universel, la mesure qui pourrait produire l’effet whaouh recherché par Emmanuel Macron
©JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Fin du Grand Débat

Les gilets jaunes n’en ont pas parlé, le grand débat a occulté cette réforme de société et pourtant, si l’instauration d’un revenu de base pour tout le monde était la solution miracle, acceptable et surtout attendue ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Personne ne l‘a demandé lors du grand débat ou dans les cahiers de doléance, personne n’en a parlé dans les manifestations de gilets jaunes, et pourtant, quand on regarde dans le détail l’ensemble des revendications, on s’aperçoit qu’elles répondent toutes à des intérêts très individuels.

Pour calmer le jeu, il faudrait donc répondre à toutes les demandes individuelles, or c’est impossible pour une raison très simple.

La satisfaction d’une demande corporatiste ou d’un groupe sociologique va se heurter immédiatementà l’opposition d’un autre groupe.

Si le gouvernement abaisse àzéro le taux de TVA, il va contenter 30% des Français et en mécontenter 70% qui considèrent que ça ne servira à rien, au contraire. S’il baisse l’impôt sur le revenu des contribuables en difficulté, c’est bien, sauf que pour ceux qui ne paient pas d’impôts, ça n’aura aucun effet. Pour ceux qui en paient beaucoup, ils sauront que mécaniquement, ils en paieront encore davantage. Donc avec une mesure aussi populaire, on risque de ne toucher qu‘une minorité et décourager une majorité.


Le problème d’Emmanuel Macron est donc insoluble avec des réponses techniques et classiques. La meilleure preuve, c’est que le plan rendu public en décembre était plutôt un bon plan pour donner du pouvoir d’achat à ceux qui étouffaient.

Mais ce plan a mécontenté une grande partie de l’opinion, y compris les gilets jaunes qui l’avaient demandé, y compris les retraités qui en sont des bénéficiaires, y compris les salariés de la classe moyenne qui ont touché la prime, y compris les automobilistes qui se battaient contre la taxe carbone... Bref, le plan Macron, qui a couté 12 milliards au budget restera dans l’histoire comme un des plus généreux plan de relance de la demande. Ce plan n’a pas réglé le problème de la colère et du retour au calme.

Les mesures techniques, dont on dit que Macron pourraient en annoncer la couleur en ce début de semaine, risquent fort de produire le même effet. Elles vont fabriquer des frustrations ou des déceptions et de nouvelles injustices.

La seule solution, hormis la solution politique qui passerait par une élection, serait sans doute de renverser la table et d’amorcer une transformation du système français qui créede l’inquiétude et un ressenti d’injustice.

La seule solution serait d’annoncer la mise à l’étude d’une révolution socio-économique qui permettrait de répondre aux intérêts infidèles sans pour autant insulter l’intérêt général.

La solution pourrait s’appeler la création du revenu universel. En période de calme et d’élections, tout le monde en parle, chacun a son idée sur la façon de l’appliquer. La France, comme beaucoup d’autres pays capitalistes, a une large majorité de ses dirigeants politiques qui seraient prêts à essayer ou du moins à l’envisager et à l’étudier. C’est sans doute la seule mesure économique compatible avec la droite comme avec la gauche et comme en plus, elle porte une évolution stratégique, la droite et la gauche pensent y trouver leur intérêt. Beaucoup d’experts ont travaillé sur le modèle. Ils en ont même fixé le montant qu’ils voient en France aux alentours de 500 ou 700 euros par mois. C’est une idée qui est discutée un peu partout dans le monde occidental depuis très longtemps et qui ne soulève qu‘une seule difficulté réelle, à savoir son financement. Or, on arrive à un moment de l’histoire où ce financement pourrait trouver des solutions.

Le revenu universel, qu’on appelle aussi revenu de base, est donc une somme versée à tous les citoyens d'un pays sans tenir compte de leurs revenus, de leur patrimoine ou de leur situation professionnelle. Qu’on soit riche ou pauvre, cadre sup ou chômeur, il est calculé de manière à satisfaire les besoins de base.

Alors, certains pensent que le bénéfice d’un revenu de base alloué dès la naissance dissuade les bénéficiaires de travailler en les transformant en rentiers. C’est possible mais pas prouvé, notamment chez ceux dont le travail a un sens. C’est possible, mais ça permet à beaucoup d’entreprendre des études, des formations ou du bénévolat. La mesure est soutenue à la fois par un courant économique libéral, voire libertaire, pour qui un revenu universel permettrait de simplifier la bureaucratie et de s’affranchir de la course à l’assistanat. Mais la gauche et même l’extrême gauche sont également favorables à ce dispositif qui permettrait à ceux qui ne souhaitent pas travailler de se consacrer à d'autres projets.

Pour les employeurs,ce revenu universel aurait un rôle de revenu complémentaire au salaire et en particulier aux salaires modestes. Donc c’est tout bénéfice.

Tous les partis politiques avaient mis dans leur programme des projets se rapprochant du revenu universel. Le parti Europe Écologie Les Verts l’avait inscrit dans ses projets.Benoit Hamon, candidat socialiste, pensait que le revenu universel incarnait la nouvelle protection sociale.
Du côté du gouvernement Hollande, on était plus sceptique, mais Michel Sapin n’a jamais exclu l’étude ou la réflexion surle revenu universel, à condition que ça ne soit pas présenté comme une incitation à l'oisiveté et à la paresse.

Tous les projets à l’étude tablent sur un revenu universel oscillant entre 560 euros et 700 euros.  La Finlande a mis à l’étude un système qui ressemble au revenu universel, la Suisse avait organisé une votation en 2016 mais la majorité avait rejeté le projet. Pourquoi ? Trop cher, c’est évidemment la grosse inconnue. Le Mouvement Français pour un revenu de base a évoqué plusieurs sources de financement. « Parmi les pistes citées figurent l'autofinancement par transfert des prestations existantes. Concrètement, le revenu garanti se substituerait aux allocations et aides de l'État. Le mouvement imagine également la fusion du système de retraite, d'aide sociale et de chômage, mais aussi la taxation foncière ainsi que l'impôt sur le patrimoine. Il propose aussi le financement à l'aide des chèques écologiques et de la redistribution des profits issus des ressources naturelles. L'une des principales idées de financement consisterait à recourir à la création monétaire. » Ce qui serait moins vertueux pour les générations suivantes.

La vérité du revenu universel est qu‘il devra se substituer progressivement aux autres allocations et prestations sociales. Il est donc trèsdifficileà expliquer et à faire accepter parce que tous les professionnels de l’assistanat social, tous les gérants de caisses d’allocation ou d’aides au logement en viendraient àperdre leur job. Moins de bureaucratie,ça veut dire moins d’emplois protégés.Mais si l’intérêtgénéral est satisfait ?

Emmanuel Macron ne peut évidemment pas annoncer la création du revenu universel immédiatement. Le chantier est trop lourd. Mais il pourrait au moins annoncer la mise enchantier d’une réforme allant dans ce sens. Personne ne peut être indifférent à ce projet. Les plus pauvres sont sécurisés et les plus riches gardent la liberté de s’enrichir puisqu’ils savent le faire et que leur enrichissement profite au plus grand nombre. A priori, le revenu universel pourrait coûter à l’Etat entre 200 et 400 milliards d’euros, tout dépend sur quelles prestations onpourrait s’appuyer. La caisse d’allocation familiale, les caisses de retraites, l’aide au logement. Tout dépend à partir de quel âge on pourrait en bénéficier.

Mais politiquement, ça peut passer parce que contrairement à une mesure catégorielle, il n’y a pas de victimes collatérales. Puisque par définition, la mesure est … universelle.

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