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Gilets jaunes : pourquoi les manifestations se sont mieux passées ce samedi que le précédent (et ce que ça nous apprend par ailleurs)
©ABDUL ABEISSA / AFP

Quand on veut, on peut

La décision, le 1er décembre, de ne pas avoir arrêté les Black Blocs ou les Identitaires, relevait de l'impéritie la plus totale. Ce samedi, les mesures mises en place - utilisées classiquement depuis 40 ans dans le maintien de l'ordre - ont évité un nouveau débordement de violences dans la capitale.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : Quelles mesures prises ce samedi ont-elles permis de maintenir l’ordre public malgré la dramatisation annoncée par le gouvernement, qui était allé jusqu’à parler de ceux qui  allaient monter à Paris « pour tuer » ? Que peut-on en déduire sur ce qui avait fait la semaine dernière ?

Xavier Raufer : Il faut séparer deux choses. Premièrement, un gouvernement paniqué, totalement hors d'état de raisonner sainement et disant n'importe quoi sur le fait que Genghis Khan et Attila allaient déferler sur la capitale. Deuxièmement, des choses simples comme le maintien de l'ordre dans une grande capitale d'un pays avec la plus ancienne force de police au monde. Depuis samedi dernier, l’exécutif a paniqué et a cru que c'était la « lutte finale » de l'Internationale et qu'on se dirigeait vers l'Apocalypse. En réalité, les événements de la semaine dernière sont arrivés parce que des mesures simples, connues depuis des décennies et appliquées d'ordinaire de façon parfaitement classique par la préfecture de police depuis 40 ans, n'ont pas été respectées.

Quels facteurs l’avaient emporté selon vous ? Le manque de compétence ou les calculs politiques s’étaient-ils retournés contre ses auteurs ?

Il est compliqué de répondre avec certitude mais, par exemple, d'ordinaire pour toute manifestation, y compris les plus triviales, le préfet de police envoie une équipe sur les lieux désignés pour la manifestation et fait en sorte que les objets dangereux soient évacués. Lorsqu'il y a un chantier, soit on appelle le propriétaire pour lui demander de retirer ses engins, soit on décale le trajet de la manifestation. Ça n'a pas été fait.

Qu'on ait laissé sur les Champs-Élysées des éléments comme des grues est incroyable. Ceci, plus le fait de ne pas avoir arrêté les Black Blocs ou les identitaires, relève soit de l'impéritie la plus totale, soit du sabotage, à savoir qu'on laisse les choses dégénérer délibérément.

La semaine passée, tout cela n'avait pas été fait. Les gens n'étaient pas fouillés, on a laissé les choses filer. Je ne sonde pas les reins et les cœurs, je ne peux pas vous dire si ce qu'il s'est passé la semaine dernière relève du crétinisme le plus absolu ou de la volonté délibérée et cynique d'aller vers le pire, mais ce qui est arrivé la semaine dernière – à savoir les débordements, l'orgie de violences – s'explique ainsi. Si l'on avait fait le nécessaire, nous serions revenus au désordre habituel d'une manifestation où les gens sont à bout et ne se sentent pas entendus. Et ce 8 décembre, le bilan de la journée était au même niveau que les premières journées de manifestation.

C'est une réalité stupéfiante : lorsque les gens font leur boulot, ça fonctionne mieux.

Que peut-on déduire sur le déroulement de ces prochaines manifestations ?

Les gens ont le droit de manifester et certains ont l'impression qu'un pouvoir « autiste » et arrogant les prend pour des ânes. Il peut donc y avoir des débordements, mais ça n'est pas le début de la guerre civile. Les propos du gouvernement sur les gens qui viennent « pour tuer » sont non seulement absurdes mais sont aussi stupides.

Et peut-on en tirer des leçons sur ce qui pourrait être fait en matière d’ordre public ailleurs dans le pays ? L’insécurité du quotidien, les braquages ou cambriolages à répétition relèveraient-ils aussi d’une logique à la « si on veut, on peut » ?

Evidemment ! L'année dernière, les chiffres ont montré une augmentation de 21% des cambriolages, un fait que l'on sait être fréquemment celui d'étrangers comme des Roms ou des Géorgiens. On a notamment arrêté dans la Meuse une bande de cambrioleurs venus de Mongolie extérieure pour « piller » en France. Nous servons presque de paillasson à la planète entière. Des voleurs venus de l'autre bout de la planète, on peut les arrêter et les expulser, ça s'arrête très vite. Il suffirait de faire la même chose que cette semaine (des fouilles de gens ou de véhicules) et ça s'arrête. C'est possible, on l'a fait.

Le problème de sécurité de la France est un problème de décision. La base absolue de toute considération criminologique est la suivante : les criminels ne s'arrêtent que lorsqu'on les arrête ! Cela semble être une boutade mais lorsque l'on laisse faire les gens ils continuent. L'être humain doit parfois être « dressé ». Si l'on explique de manière énergique - dans le respect des lois en vigueur bien évidemment, il n'est pas question de rétablir la loi martiale – que certaines choses sont interdites, les choses se calment.

Que la police et les services de sécurité fassent leur travail et la situation s'améliorera. On ne peut pas dire qu'un pays où il y a 21% d'augmentation de cambriolages en une année va bien. Il faut que les politiques soutiennent ces services lorsqu'ils font leur travail : à savoir lutter contre les infractions et la délinquance. Lorsqu'on arrête 300 Black Blocs, Paris n'est plus à feu et à sang. Il est consternant de devoir enfoncer des portes ouvertes pour le rappeler.

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